SOMMAIRE. - Hystéro-épilepsie. -
Sens de cette dénomination. - Opinions des auteurs. - Hystérie
épileptiforme, hystérie à crises niâtes.- Variétés de
l'hystéro-épilepsie - hystéro-épilepsie à crises distinctes; -
hystéro-épilepsie à crises combinées ou attaques-accès. - Différences
et analogies entre l'épilepsie et l'hystéro-épilepsie. - Signes
diagnostiques fournis par l'examen de la température centrale dans
t'état de mal hystéro-épileptique et dans l'état de mal épileptique. -
État de mal épileptique: ses phases. Caractères cliniques de l'état de
mal hystéro-épiteptique. Gravité de certains cas exceptionnels
d'hystéro-épilepsie, - Observation de Wunderlich.
Messieurs,
Dans la courte description clinique que je vous ai donnée à propos de
chacune des maades qui ont passé sous vos yeux, lors de nos dernières
réunions, j'ai eu soin de mettre en relief les principaux caractères
que présentent les attaques convulsives dont elles sont atteintes.
Vous avez pu reconnaître aisément .qu'il ne s'agissait pas chez elles
d'attaques vulgaires, rentrant du premier coup, sans discussion, dans
le type classique. Ce n'est pas, d'ailleurs, seulement par l'intensité
que ces accidents convulsifs se distinguent, c'est encore par la forme
qu'ils revêtent, et,. ce qui frappe le plus l'observateur, témoin de
ces attaques, c'est de retrouver parmi les convulsions cloniques de
l'hystérie certains traits plus ou moins prononcés qui rappellent
l'épilepsie.
De fait, la forme convulsive, qui s'observe chez toutes, ces femmes,
est celle qu'on a désignée dans ces derniers temps sous le nom
d'hystéro-épilepsie, et, remarquez-le bien, c'est. la seule forme qu'on
rencontre chez elles, Toutes ces femmes ne seraient donc pas simplement
des hystériques, ce seraient des hystéro-épileptiques. En quoi
diffèrent-elles des hystériques ordinaires ? C'est là un point sur
lequel il importe d'être fixé, et, pour atteindre ce but, je vous
demande la permission d'entrer dans quelques développements.
I. A s'en tenir aux termes mêmes de la dénomination mise en usage
hystéro-épilepsie - il parait ne pouvoir exister aucune équivoque. Cela
veut dire que chez les malades auxquelles ce nom est affecté,
l'hystérie se montre combinée avec l'épilepsie, de manière à constituer
une forme mixte, une sorte d'hybride composé mi-partie d'hystérie et
d'épilepsie. Mais cette appellation répond-elle à a réalité des choses?
A ne les regarder qu'a la surface, il semble en être ainsi, puisque
nous avons reconnu dans les attaques quelques-uns des traits de
l'épilepsie. C'est de cette façon, du reste, que paraissent l'entendre
la plupart des auteurs modernes. L'hystéro-épilepsie serait pour eux un
mélange, une combinaison, à doses variables selon les cas, des deux
névroses ; ce n'est pas seulement l'épilepsie, ce n'est pas seulement
l'hystérie; c'est à a fois l'une et l'autre.
Telle est, je le le répète, la doctrine la plus répandue. Toutefois,
elle n'est pas, tant s'en faut, universellement acceptée, et le camp
des opposants est nombreux encore. Là, on se refuse i admettre la
légitimité de cet hybride, moitié épilepsie, moitié hystérie.
A la vérité, on ne nie pas que l'épilepsie et l'hystérie puissent se
rencontrer chez un même individu. L'observation la plus superficielle
protesterait contre une semblable assertion. Rien n'autorise non plus à
croire qu'il _y ait antagonisme des deux névroses, et il serait
possible même, bien que cela ne soit pas démontré, que les sujets qui
sont sous le coup de l'une d'elles soient, par là même, prédisposés à
contracter l'autre. Mais, en pareil cas, ajoute-t-on, les accidents
convulsifs restent distincts, séparés, sans s'influencer réciproquement
d'une façon notable et surtout sans se confondre au point de justifier
la création d'une espèce mixte, intermédiaire, en un mot, d'un hybride.
.
Quelle est donc, dans cette opinion, la signification de cesattaques
dont l'existence est si nettement établie par les cas mêmes qui servent
de fondement à notre étude et où l'épilepsie semble s'entremêler avec
les symptômes ordinaires de l'hystérie convulsive?
L'épilepsie ne serait là que dans la forme extérieure elle ne serait
pas dans le fond des choses. En d'autres termes, dans ces cas, il
s'agirait uniquement et toujours de l'hystérie revêtant l'apparence de
l'épilepsie. Le nom d'hystérie épileptiforme, employé, si je ne me
trompe, par Louyer-Villermay, l'un des premiers, conviendrait à
désigner ces attaques mixtes. La convulsion à forme épileptique y
apparaîtrait comme elle apparaît dans tant d'autres affections du
système nerveux,à titre d'élément accessoire, sans rien changer à la
nature de la maladie primitive.
II. Voilà, Messieurs, la thèse à laquelle je me rattache pleinement.
Elle a été soutenue déjà par quelques auteurs très compétents. Parmi
eux, je puis citer Tissot, Dubois (d'Amiens), Sandras, M. Briquet, qui
se montrent sous ce rapport très explicites. " Les accès d'hystérie,
dit Tissot, "ressemblent quelquefois beaucoup à l'épilepsie. Aussi, en
a-t-on fait une forme particulière de l'hystérie, sous le nom
d'hystérie épileptiforme. Mais ces accès n'ont pas néanmoins le vrai
caractère de l'épilepsie ",
M. Dubois (d'Amiens) considère l'hystérie épileptiforme comme de
l'hystérie ayant un degré de plus dans l'intensité des symptômes.
Sandras exprime la même opinion (3).
M. Briquet, qui a écrit sur ce sujet un article marqué au coin de la
plus saine observation, dit que cette espèce d'hystérie à attaques
mixtes n'est qu'une forme particulière -de l'hystérie; ce n'est que de
l'hystérie très intense; le pronostic ne s'en trouve pas
essentiellement modifié; le genre de la cause qui a occasionné
l'hystérie, les conditions spéciales à l'individu affecté, seraient a
source de ces modifications dans la forme des attaques. La nature même
de l'hystérie n'en est pas foncièrement changée.
Veuillez remarquer, Messieurs, qu'il n'y a pas là seulement une
question de mots, il y a aussi une question de nosographie, et par
conséquent une question de diagnostic et de pronostic. Ces
circonstances suffiront, je l'espère, pour justifier à vos yeux les
détails dans lesquels je suis obligé d'entrer afin de faire pénétrer
dans vos esprits la conviction qui m'anime à cet égard.
III. Recherchons donc sur quels fondements s'appuie la doctrine
régnante: L'hystérie et l'épilepsie, dit-on, peuvent se combiner de
diverses manières chez un même sujet. Sur 276 malades, M. Beau, qui a
étudié dans cet hospice, aurait relevé cette combinaison chez 32
d'entre elles. Elle se fait d'après des modes variés et il y a lieu
d'admettre les catégories suivantes.
A. Dans un premier groupe, les attaques hystériques et les accès
d'épilepsie restent distincts: c'est ce que M. Landouzy a proposé
d'appeler hystéro-épilepsie à crises distinctes. Eh bien, Messieurs, ce
serait là le cas le plus fréquent, car on en compte 20 exemples sur les
32 cas de M. Beau. Il convient d'ailleurs d'établir dans l'espèce deux
subdivisions.
1° L'épilepsie est la maladie primitive; sur elle, l'hystérie vient
ensuite se greffer, à son heure, c'est-à-dire, et le plus souvent à
l'époque de la puberté sous l'action de certaines causes et, en
particulier, des émotions morales.
Un cas de Landouzy, cité par M. Briquet, mérite à ce propos d'être
résumé devant vous. Une jeune femme, épileptique depuis l'enfance, se
marie à l'âge de 48 ans. Bientôt la maladie, qu'elle avait dissimulée,
se révèle. De là des contrariétés vives qui engendrent l'hystérie. Les
attaques propres aux deux névroses étaient disjointes et conservaient,
sans s'influencer, leurs caractères spécifiques. Un rapprochement,
entre la malade et son mari, rapprochement occasionné par une
grossesse, en ramenant le calme 'dans le ménage, fait cesser
l'hystérie, mais l'épilepsie persiste.
2° D'autres fois l'épilepsie succède à l'hystérie. Cette condition
parait être beaucoup plus rare que la précédente. M. Briquet,
cependant, en rapporte un exemple qui lui est personnel et dans lequel
les accès étaient nettement séparés. Chez les malades de cette
catégorie l'intelligence s'obnubile à la longue incontestablement par
le fait de l'épilepsie.
3" On a encore mentionné d'autres combinaisons d'ordre secondaire.
Ainsi : a) l'hystérie convulsive coexiste avec le petit mal (Beau,
Dunant); b) l'épilepsie convulsive est surajoutée à quelques-uns des
accidents de l'hystérie non convulsive (contracture, anesthésie,
etc..). Nous possédons, par devers nous, un
cas de ce genre.
Mais ces diverses associations ne changent rien au fond des choses. Le
plus souvent, les deux affections, dans l'hystéro-épilepsie, existent
simultanément et marchent sans- agir _l'une sur l'autre d'une manière
sérieuse, chacune d'elles conservant ses allures et le pronostic qui
lui est propre. A l'égard de cette première forme de
l'hystéro-épilepsie, tout le monde est d'accord. Le débat ne porte que
sur la seconde.
B. Dans celle-ci, l'hystérie et l'épilepsie
sont coévales; elles se sont développées en même temps. Les crises,
ici, ne demeurent pas distinctes; elle ne l'ont jamais été. Dès
l'origine, le mélange s'est effectué et, dans les attaques ultérieures,
les deux formes convulsives se montreront toujours combinées, bien qu'à
des degrés divers, sans, être jamais à aucun moment complètement
disjointes.
On a encore donné à cet état le nom d'hystéro-épilepsie â crises
combinées. Dans le jargon depuis longtemps usité, dans le service
spécial de la Salpêtrière, les crises sont en pareil cas désignées sous
le nom d'attaques accès.
1V. Y a-t-il véritablement de l'épilepsie dans les
crises mixtes?, Telle est la question que nous devons maintenant
discutera A cet effet, il convient de prendre la description de
l'hystéro-épilepsie à crises mixtes consentie par les auteurs et de
l'examiner sous tous ses aspects. J'emprunte à M. Briquet surtout cette
description de .l'attaque-accès. Elle me parait concorder de tous
points avec les résultats de mon observation personnelle,
a) Dès l'origine, l'attaque mixte revêt son caractère propre; dès cet
instant, c'est de l'hystérie épileptiforme. Je rappellerai à votre
souvenir la malade Etchev... qui, dans son premier accès, est tombée
dans le feu et s'est abîmé la figure (4).
b) Il y a toujours des prodromes constitués par l'aura hystérique
telles que nous l'avons décrite. Cette aura, en général de longue
durée, occupe l'abdomen, l'épigastre et n'affecte pas, en tout cas, la
tète seule et d'emblée, ou l'une des extrémités, ainsi que cela a lieu
dans l'épilepsie avec aura; aussi est-il parfaitement exact de dire que
les hystéro-épileptiques à crises mixtes sont à peu près toujours
averties assez à temps pour qu'elles puissent, lors du développement
d'un accès, se garantir, trouver un abri.
c) Dans l'attaque convulsive, la phase dite épileptique ouvre en
général la scène. Tout à coup, cri, pâleur extrême, perte de
connaissance, chute, distorsion des traits de la physionomie; puis une
rigidité tonique s'empare de tous les membres. Cette rigidité est,
remarquez-le bien, rarement suivie de secousses cloniques, brèves, à
courtes oscillations, et prédominant dans un côté du corps, comme dans
l'épilepsie vraie. Cependant, la face peut être à un haut degré
tuméfiée, violette; il s'écoule de la bouche une écume quelquefois
sanguinolente, occasionnée par la morsure de la langue ou des lèvres.
Enfin, il peut y avoir un relâchement général des muscles, du coma et
une respiration stertoreuse pendant un espace de temps plus ou moins
prolongé.
d) A cette première phase sur laquelle, je le répète, porte
principalement la discussion, succède la phase clonique. Alors, tout
est hystérie: on voit survenir les grands mouvements à caractère
intentionnel, des contorsions qui expriment parfois les passions les,
plus variées, l'effroi, la haine, etc.. (2); en même temps éclate le
délire de l'accès.
e) La fin de l'attaque est marquée par des sanglots, des pleurs, des
rires, etc...
Ces diverses phases ne se suivent pas toujours d'une façon aussi
régulière; elles s'enchevêtrent parfois et, tantôt , l'une,,, tantôt
l'autre, prédomine. Chez la nommée C..., entre autres, la phase tonique
l'emporte à un haut degré sur les autres et quelquefois se montre
presque exclusive.
V. Nous voici parvenus,, Messieurs, au point délicat. En quoi, cette
hystérie à crises complexes se sépare-t-elle de l'hystérie ordinaire,
si elle s'en sépare réellement? en quoi se.rapproche-t-elle de
l'épilepsie vraie, s'il y a lieu d'établir un tel rapprochement.
L'apparition de convulsions du type tonique est-elle donc un fait
nouveau, insolite, dans la description classique de l'attaque
hystérique vulgaire? Certainement non. Il n'est pas vraiment
exceptionnel de voir dans l'attaque d'hystérie commune, - alors que
personne ne songe à faire intervenir l'élément épilepsie de voir,
dis-je, s'ébaucher des convulsions toniques de caractère épileptiforme,
particulièrement au début de l'attaque tous les auteurs sont d'accord
sur ce point. Ces convulsions sont parfois même tellement accentuées,
que M. Briquet a été, par là, conduit à établir à côté de t'attaque
d'hystérie clonique, ou' classique, une sorte d'attaque dans laquelle
prédomine une roideur semi-tétanique, du tronc et des membres Ne
parait-il pas d'après cela très vraisemblable déjà, que la forme dite
épileptique, n'est à proprement parler que l'exagération, le plus haut
degré de développement de cette variété de l'hystérie ordinaire ?
VI. Si d'un autre côté nous tournons nos. yeux vers l'épilepsie vraie,
nous rencontrons un certain nombre de traits distinctifs qu'il nous
sera facile de mettre à profit.
Nous ferons remarquer, en premier lieu, que,- d'après la description
que nous avons donnée, le type épilepsie n'est jamais représenté dans
les attaques-accès, que d'une manière incomplète, et pour ainsi dire a
l'état d'ébauche ; mais; à la vérité, ce ne serait pas là encore un
argument péremptoire. Voici un caractère plus significatif.
Jamais vous ne voyez apparaître soit le petit mal, soit le vertige
épileptique dans les descriptions de l'hystéro-épilepsie à attaques
mixtes. Nous pourrions ajouter encore, car il y a là matière à une
importante distinction, que dans cette forme de l'hystéro-épilepsie,
l'attaque épileptiforme, même la plus intense, est d'après nos
observations, modifiée, parfois mème arrêtée dans son développement par
la compression de l'ovaire. Ce qui n'a jamais lieu, - nous nous en
sommes assurés maintes fois - dans l'épilepsie vraie (4).
Dans les attaques mixtes, alors même que leur retour est très fréquent,
jamais - c'est là encore un fait reconnu par les auteurs -jamais,
dis-je, l'obnubilation de l'intelligence et la démence ne sont
l'aboutissant des attaques, contrairement à ce qui aurait lieu, d'une
manière presque fatale, s'il s'agissait réellement de l'épilepsie. Je
ne crois pouvoir mieux faire que de vous rappeler à ce propos le cas de
la malade Ler..., qui, depuis près de 40 ans, est sujette à l'hystérie
épileptiforme la plus violente. Cette femme est, sans doute, bizarre,
singulière dans ses allures, mais son intelligence est demeurée ce
qu'elle était à l'origine. Les renseignements que nous avons pris ne
peuvent laisser subsister aucun doute à cet égard. En somme, dans les
cas de ce genre, et telle est aussi l'opinion de M. Briquet, le
pronostic n'est pas autre que celui de l'hystérie intense. De cette
considération découle une conséquence d'ordre pratique qui est bien de
nature à fixer votre attention.
Il est enfin un dernier caractère sur lequel je vous demande a
permission d'insister, parce qu'il n'a pas, à ma connaissance, été
relevé jusqu'ici et que, selon moi, il est décisif. Il s'agit d'un
caractère fourni par l'exploration thermométrique : je saisis, non sans
empressement, l'occasion qui-se présente de vous montrer, par un nouvel
exemple, le parti qu'on peut tirer de ce mode d'exploration dans la
clinique des maladies du système nerveux.
Ce n'est pas, Messieurs, que, sous le rapport dés modifications
imprimées à la température centrale, Ies convulsions toniques
épileptiformes des hystériques, différent en quoi que ce soit des
convulsions de l'attaque épileptique. L'attaque hystérique tonique,
pour peu qu'elle ait quelque intensité, élève la température d'un
degré, voire même d'un degré et quelques dixièmes (38°-38°,5), tout
comme le fait l'attaque d'épilepsie vraie. C'est là un résultat dont
nous avons eu nombre de fois, dans ce service, l'occasion de contrôler
l'exactitude.
Mais si, en ce qui concerne le caractère thermique, l'accès d'hystérie
épileptiforme et l'accès d'épilepsie vraie se confondent, il n'en est
plus de même lorsqu'il s'agit d'accès qui s'agrègent et s'enchevêtrent
de manière à constituer ce que, pour l'épilepsie, oh appelle les séries
ou l'étai de mal.
Il y a d'ailleurs, dans cet état de mal des épileptiques, à distinguer
ce qu'on nomme les petites séries, composées de 2 à 6 accès, et les
grandes séries, où l'on compte jusqu'à 15, 20 accès ou même plus dans
les vingt-quatre heures. C'est à ces dernières que je m'adresserai
exclusivement parce que le phénomène sur lequel je veux insister se
montre alors dans son type de complet développement. En pareil cas,
Messieurs, C'est à dire lorsque les accès de l'épilepsie vraie se
répètent en grand nombre, dans un court espace de temps, la température
centrale s'élève. d'une manière très-remarquable; et très certainement
cette élévation thermique ne peut pas être rattachée exclusivement à la
répétition non plus qu'à l'intensité des contractions musculaires
toniques, car les convulsions peuvent cesser, complètement pendant
plusieurs jours et la température néanmoins se maintenir, pendant ce
temps-là, à un taux très élevé. Nous pouvons reconnaître et suivre
toutes ces particularités sur le tableau que je mets sous vos yeux et
qui nous montre les modifications qu'a présentées la température
centrale chez la nommée Cheval., pendant le cours de d'état de mal
épileptique qu'elle vient de subir tout récemment (fig. 24).
Il ne faut pas ignorer que cette élévation de la température est, dans
la grande majorité des cas, même après toute cessation des convulsions,
un indice du plus fâcheux augure, elle s'accompagne d'ailleurs le plus
souvent d'un état général qui, par lui-même déjà, donne beaucoup à
penser; ainsi, tantôt il existe un délire plus ou moins accusé, - que
M. Delasiauve rapporte à la congestion méningitique, - tantôt au
contraire un coma plus ou moins profond, - congestion apoplectiforme
des auteurs ; - dans les deux cas il y a prostration des forces,
sécheresse de la langue, tendance à la formation rapide d'eschares au
sacrum ; quelquefois enfin, production d'une hémiplégie transitoire,
dont a raison n'a pas encore été révélée par l'au.
Fig. 24- Température prise un peu après
le 11ème accès. Du 1er jour (soir) au 2ème jour (matin), 31 accès. -
Température après une rémission de 4 heures. A partir de là, les accès
s'éloignent et cessent le 3è jour. La ligne ponctuée répond au pouls.
topsie. Cependant, et c'est là une donnée fort importante à consigner,
cette élévation de la température, alors même qu'elle dépasse 41°, et
qu'elle s'accompagne des symptômes graves qui
viennent d'être énumérés, n'est pas un signe annonçant nécessairement
une terminaison fatale. Vous voyez par l'observation même de Chevall...
qu'on peut guérir, encore, au milieu de toutes ces fâcheuses
circonstances. L'élévation de la température au-dessus de 41" n'est
donc pas nécessairement terminale, en pareil cas; et il y a par
conséquent quelque chose à rabattre des assertions émises à cet égard
par M. Wunderlich d'abord, et après lui par M. Erb.
Je vous rappellerai, en passant, que cette élévation rapide de la
température n'appartient pas en propre, tant s'en faut, à l'état de mal
épileptique; on l'observe encore, par exemple, dans les attaques dites
congestives, apoplectiformes, ou épileptiformes de la paralysie
générale progressive, ainsi que l'a, le premier, montré M. Westphal,
qui, d'ailleurs, a donné du fait une in terprétation peu conforme à la
réalité (a). On l'observe aussi dans les attaques fort analogues aux
précédentes qui peuvent survenir dans le cours de la sclérose en
plaques (2), et, enfin, dans les attaques, avec ou sans convulsions,
qui s'observent dans les cas de foyer cérébral ancien (hémorrhagie ou
ramollissement) ou de tumeur cérébrale, quelle qu'en soit la nature.
Cette élévation thermique contraste, d'une façon remarquable, avec
l'abaissement initial qui existe à peu près toujours, au moment de la
formation du foyer hémorrhagique cérébral, et c'est là, ainsi que je
l'ai démontré, un caractère qui peut être utilisé pour le diagnostic.
Mais il est temps d'en revenir à l'hystérie
épileptiforme dont cette digression nous a quelque peu éloignés. Tout
comme dans l'épilepsie vraie, les accès composés s'observent dans
l'hystéroépilepsie. Landouzy parle d'une hystérique qui avait eu
jusqu'à 100 accès par jour. L'état de mai hystéro-épileptique peut
d'ailleurs se prolonger pendant un laps de temps considérable. Georget
cite l'observation d'une femme chez laquelle les accès se sont montrés
à peu près continus pendant une durée de quarante-cinq jours.
Chez notre malade Co..., dont les crises ont un cachet épileptitiforme
si prédominant et si fortement accentué, l'état de mal a persisté
pendant plus de deux mois, et, par moments, les accidents ont été
portés au plus haut degré d'intensité. Ainsi le u janvier, entre
autres, les convulsions épileptiformes se sont succédé sans
interruption depuis neuf heures du matin jusqu'à huit heures du soir :
de huit à neuf heures, il y a eu un temps de repos, puis les attaques
ont repris comme de plus belle, sans le moindre retour à la lucidité,
et ont persisté à peu près pendant le même espace de temps. On peut,
d'une manière approximative, évaluer sans exagération le chiffre des
attaques épileptiformes qu'elle a éprouvées à cette époque, dans
l'espace d'un jour, à 150 ou 200 environ.
La persistance d'un tel état, sans que la mort s'en soit suivie, ne
montre-t-elle pas déjà qu'un abîme sépare l'épilepsie vraie
Fig. 25.
de l'hystéro-épilepsie ? - " Si ce n'était pas là de l'hystérie,
disaient en parlant de Co... les surveillantes du service témoins de
ses accès et habituées à ce genre de malades, " si c'était de
l'épilepsie véritable, il y a longtemps que cette femme aurait
succombé. " Cette remarque est parfaitement judicieuse, parfaitement
fondée.
Eh bien, Messieurs, -- et voici le point sur lequel je veux surtout
insister, - jamais pendant cette longue période convulsive la
température rectale ne s'est, chez Co..., sensiblement modifiée; elle a
été en moyenne de 37°,8 ; elle ne s'est élevée jusqu'à 38°,5 que d'une
façon tout à fait exceptionnelle et transitoire (fig. 25).- Je dois
ajouter que jamais pendant ce temps l'état général ne nous a inspiré
la' moindre inquiétude, malgré l'alimentation insuffisante et l'énorme
dépense de force musculaire qui a dû se faire. La situation mentale,
d'un autre côté, n'était pas, tan t s'en faut, aussi profondément
modifiée que cela eût eu lieu nécessairement, s'il se fût agi de la
vraie épilepsie; à aucune époque, il n'y a eu d'évacuations
involontaires d'urines ou de matières fécales ; dans les courts répits
que lui laissaient ses attaques, la malade se levait pour satisfaire à
ses besoins. Dans ces intervalles aussi, d'ailleurs très courts, la
nature hystérique du mal, surtout dans les premières semaines,
reparaissait dans tout son jour. Une fleur dans les cheveux, des
frisures bizarres, u vieux morceau de miroir, placé sur la planchette
du lit, témoignaient suffisamment des occupations favorites de cette
femme dans les temps de répit.
Mais je veux surtout signaler à votre attention le caractère thermique
que l'observation nous a fait reconnaître. Il résulterait en somme de
tout ce qui précède, que, si dans l'état de mal épileptique, à grandes
séries, la température s'élève très rapidement à un haut degré, en même
temps que la situation devient des plus graves, au contraire, dans
l'état de mal hystéro-épileptique à longue série, la température ne
dépasse guère le chiffre normal, et d'ailleurs l'état général
concomitant n'est pas de nature à inspirer de l'inquiétude. Il n'est.
pas nécessaire d'insister longuement, je pense, pour mettre en relief
un contraste aussi frappant.
Je ne voudrais pas, toutefois, Messieurs, que vous prissiez absolument
-au pied de la lettre le dernier terme de la proposition que je viens
d'émettre ; sans doute il répond à la réalité, pour la très grande
majorité des cas, mais il y a le chapitre des exceptions. Il n'est pas,
en effet, sans exemple que l'hystérie se soit, pendant la phase
convulsive, terminée par la mort. A; la vérité, ce sont presque
toujours des attaques d'un genre particulier, des attaques dyspnéiques,
qui amènent ce triste résultat (4); mais, je le répète, les attaque
convulsives elles mêmes peuvent y conduire. Je puis, à titre d'exemple,
vous rappeler un fait de ce genre publié par M. Wunderlich (2). II
s'agit d'un cas d'hystéro-épilepsie comparable à beaucoup d'égards à
celui dont je viens de vous entretenir. Pendant plus de huit semaines,
la malade en question éprouva des attaques épileptiformes, en nombre
d'ailleurs assez restreint, et qui ne s'accompagnaient pas
d'augmentation notable de la température; sans cause connue, sans
l'intervention d'accidents nouveaux, deux jours avant la mort, là scène
changea tout à coup : la malade tomba dans le collapsus, et dans un
court espace de temps la température s'éleva jusqu'à 43°
Cet exemple suffira, Messieurs, pour vous montrer qu'en présence d'un
cas d'état de mal hystéro-épileptique, de quelque intensité, malgré
toutes les chances d'une issue favorable, il ne serait pas prudent de
s'abandonner à une sécurité complète, absolue