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TREIZIÈME LEÇON

J M Charcot

DE L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE

SOMMAIRE. - Hystéro-épilepsie. - Sens de cette dénomination. - Opinions des auteurs. - Hystérie épileptiforme, hystérie à crises niâtes.- Variétés de l'hystéro-épilepsie - hystéro-épilepsie à crises distinctes; - hystéro-épilepsie à crises combinées ou attaques-accès. - Différences et analogies entre l'épilepsie et l'hystéro-épilepsie. - Signes diagnostiques fournis par l'examen de la température centrale dans t'état de mal hystéro-épileptique et dans l'état de mal épileptique. - État de mal épileptique: ses phases. Caractères cliniques de l'état de mal hystéro-épiteptique. Gravité de certains cas exceptionnels d'hystéro-épilepsie, - Observation de Wunderlich.

Messieurs,

Dans la courte description clinique que je vous ai donnée à propos de chacune des maades qui ont passé sous vos yeux, lors de nos dernières réunions, j'ai eu soin de mettre en relief les principaux caractères que présentent les attaques convulsives dont elles sont atteintes.
Vous avez pu reconnaître aisément .qu'il ne s'agissait pas chez elles d'attaques vulgaires, rentrant du premier coup, sans discussion, dans le type classique. Ce n'est pas, d'ailleurs, seulement par l'intensité que ces accidents convulsifs se distinguent, c'est encore par la forme qu'ils revêtent, et,. ce qui frappe le plus l'observateur, témoin de ces attaques, c'est de retrouver parmi les convulsions cloniques de l'hystérie certains traits plus ou moins prononcés qui rappellent l'épilepsie.
De fait, la forme convulsive, qui s'observe chez toutes, ces femmes, est celle qu'on a désignée dans ces derniers temps sous le nom d'hystéro-épilepsie, et, remarquez-le bien, c'est. la seule forme qu'on rencontre chez elles, Toutes ces femmes ne seraient donc pas simplement des hystériques, ce seraient des hystéro-épileptiques. En quoi diffèrent-elles des hystériques ordinaires ? C'est là un point sur lequel il importe d'être fixé, et, pour atteindre ce but, je vous demande la permission d'entrer dans quelques développements.
I. A s'en tenir aux termes mêmes de la dénomination mise en usage hystéro-épilepsie - il parait ne pouvoir exister aucune équivoque. Cela veut dire que chez les malades auxquelles ce nom est affecté, l'hystérie se montre combinée avec l'épilepsie, de manière à constituer une forme mixte, une sorte d'hybride composé mi-partie d'hystérie et d'épilepsie. Mais cette appellation répond-elle à a réalité des choses? A ne les regarder qu'a la surface, il semble en être ainsi, puisque nous avons reconnu dans les attaques quelques-uns des traits de l'épilepsie. C'est de cette façon, du reste, que paraissent l'entendre la plupart des auteurs modernes. L'hystéro-épilepsie serait pour eux un mélange, une combinaison, à doses variables selon les cas, des deux névroses ; ce n'est pas seulement l'épilepsie, ce n'est pas seulement l'hystérie; c'est à a fois l'une et l'autre.
Telle est, je le le répète, la doctrine la plus répandue. Toutefois, elle n'est pas, tant s'en faut, universellement acceptée, et le camp des opposants est nombreux encore. Là, on se refuse i admettre la légitimité de cet hybride, moitié épilepsie, moitié hystérie.
A la vérité, on ne nie pas que l'épilepsie et l'hystérie puissent se rencontrer chez un même individu. L'observation la plus superficielle protesterait contre une semblable assertion. Rien n'autorise non plus à croire qu'il _y ait antagonisme des deux névroses, et il serait possible même, bien que cela ne soit pas démontré, que les sujets qui sont sous le coup de l'une d'elles soient, par là même, prédisposés à contracter l'autre. Mais, en pareil cas, ajoute-t-on, les accidents convulsifs restent distincts, séparés, sans s'influencer réciproquement d'une façon notable et surtout sans se confondre au point de justifier la création d'une espèce mixte, intermédiaire, en un mot, d'un hybride. .
Quelle est donc, dans cette opinion, la signification de cesattaques dont l'existence est si nettement établie par les cas mêmes qui servent de fondement à notre étude et où l'épilepsie semble s'entremêler avec les symptômes ordinaires de l'hystérie convulsive?
L'épilepsie ne serait là que dans la forme extérieure elle ne serait pas dans le fond des choses. En d'autres termes, dans ces cas, il s'agirait uniquement et toujours de l'hystérie revêtant l'apparence de l'épilepsie. Le nom d'hystérie épileptiforme, employé, si je ne me trompe, par Louyer-Villermay, l'un des premiers, conviendrait à désigner ces attaques mixtes. La convulsion à forme épileptique y apparaîtrait comme elle apparaît dans tant d'autres affections du système nerveux,à titre d'élément accessoire, sans rien changer à la nature de la maladie primitive.
II. Voilà, Messieurs, la thèse à laquelle je me rattache pleinement. Elle a été soutenue déjà par quelques auteurs très compétents. Parmi eux, je puis citer Tissot, Dubois (d'Amiens), Sandras, M. Briquet, qui se montrent sous ce rapport très explicites. " Les accès d'hystérie, dit Tissot, "ressemblent quelquefois beaucoup à l'épilepsie. Aussi, en a-t-on fait une forme particulière de l'hystérie, sous le nom d'hystérie épileptiforme. Mais ces accès n'ont pas néanmoins le vrai caractère de l'épilepsie ",
M. Dubois (d'Amiens) considère l'hystérie épileptiforme comme de l'hystérie ayant un degré de plus dans l'intensité des symptômes. Sandras exprime la même opinion (3).
M. Briquet, qui a écrit sur ce sujet un article marqué au coin de la plus saine observation, dit que cette espèce d'hystérie à attaques mixtes n'est qu'une forme particulière -de l'hystérie; ce n'est que de l'hystérie très intense; le pronostic ne s'en trouve pas essentiellement modifié; le genre de la cause qui a occasionné l'hystérie, les conditions spéciales à l'individu affecté, seraient a source de ces modifications dans la forme des attaques. La nature même de l'hystérie n'en est pas foncièrement changée.
Veuillez remarquer, Messieurs, qu'il n'y a pas là seulement une question de mots, il y a aussi une question de nosographie, et par conséquent une question de diagnostic et de pronostic. Ces circonstances suffiront, je l'espère, pour justifier à vos yeux les détails dans lesquels je suis obligé d'entrer afin de faire pénétrer dans vos esprits la conviction qui m'anime à cet égard.
III. Recherchons donc sur quels fondements s'appuie la doctrine régnante: L'hystérie et l'épilepsie, dit-on, peuvent se combiner de diverses manières chez un même sujet. Sur 276 malades, M. Beau, qui a étudié dans cet hospice, aurait relevé cette combinaison chez 32 d'entre elles. Elle se fait d'après des modes variés et il y a lieu d'admettre les catégories suivantes.
A. Dans un premier groupe, les attaques hystériques et les accès d'épilepsie restent distincts: c'est ce que M. Landouzy a proposé d'appeler hystéro-épilepsie à crises distinctes. Eh bien, Messieurs, ce serait là le cas le plus fréquent, car on en compte 20 exemples sur les 32 cas de M. Beau. Il convient d'ailleurs d'établir dans l'espèce deux subdivisions.
1° L'épilepsie est la maladie primitive; sur elle, l'hystérie vient ensuite se greffer, à son heure, c'est-à-dire, et le plus souvent à l'époque de la puberté sous l'action de certaines causes et, en particulier, des émotions morales.
Un cas de Landouzy, cité par M. Briquet, mérite à ce propos d'être résumé devant vous. Une jeune femme, épileptique depuis l'enfance, se marie à l'âge de 48 ans. Bientôt la maladie, qu'elle avait dissimulée, se révèle. De là des contrariétés vives qui engendrent l'hystérie. Les attaques propres aux deux névroses étaient disjointes et conservaient, sans s'influencer, leurs caractères spécifiques. Un rapprochement, entre la malade et son mari, rapprochement occasionné par une grossesse, en ramenant le calme 'dans le ménage, fait cesser l'hystérie, mais l'épilepsie persiste.
2° D'autres fois l'épilepsie succède à l'hystérie. Cette condition parait être beaucoup plus rare que la précédente. M. Briquet, cependant, en rapporte un exemple qui lui est personnel et dans lequel les accès étaient nettement séparés. Chez les malades de cette catégorie l'intelligence s'obnubile à la longue incontestablement par le fait de l'épilepsie.
3" On a encore mentionné d'autres combinaisons d'ordre secondaire. Ainsi : a) l'hystérie convulsive coexiste avec le petit mal (Beau, Dunant); b) l'épilepsie convulsive est surajoutée à quelques-uns des accidents de l'hystérie non convulsive (contracture, anesthésie, etc..). Nous possédons, par devers nous, un
cas de ce genre.
Mais ces diverses associations ne changent rien au fond des choses. Le plus souvent, les deux affections, dans l'hystéro-épilepsie, existent simultanément et marchent sans- agir _l'une sur l'autre d'une manière sérieuse, chacune d'elles conservant ses allures et le pronostic qui lui est propre. A l'égard de cette première forme de l'hystéro-épilepsie, tout le monde est d'accord. Le débat ne porte que sur la seconde.
B. Dans celle-ci, l'hystérie et l'épilepsie sont coévales; elles se sont développées en même temps. Les crises, ici, ne demeurent pas distinctes; elle ne l'ont jamais été. Dès l'origine, le mélange s'est effectué et, dans les attaques ultérieures, les deux formes convulsives se montreront toujours combinées, bien qu'à des degrés divers, sans, être jamais à aucun moment complètement disjointes.
On a encore donné à cet état le nom d'hystéro-épilepsie â crises combinées. Dans le jargon depuis longtemps usité, dans le service spécial de la Salpêtrière, les crises sont en pareil cas désignées sous le nom d'attaques accès.
1V. Y a-t-il véritablement de l'épilepsie dans les crises mixtes?, Telle est la question que nous devons maintenant discutera A cet effet, il convient de prendre la description de l'hystéro-épilepsie à crises mixtes consentie par les auteurs et de l'examiner sous tous ses aspects. J'emprunte à M. Briquet surtout cette description de .l'attaque-accès. Elle me parait concorder de tous points avec les résultats de mon observation personnelle,
a) Dès l'origine, l'attaque mixte revêt son caractère propre; dès cet instant, c'est de l'hystérie épileptiforme. Je rappellerai à votre souvenir la malade Etchev... qui, dans son premier accès, est tombée dans le feu et s'est abîmé la figure (4).
b) Il y a toujours des prodromes constitués par l'aura hystérique telles que nous l'avons décrite. Cette aura, en général de longue durée, occupe l'abdomen, l'épigastre et n'affecte pas, en tout cas, la tète seule et d'emblée, ou l'une des extrémités, ainsi que cela a lieu dans l'épilepsie avec aura; aussi est-il parfaitement exact de dire que les hystéro-épileptiques à crises mixtes sont à peu près toujours averties assez à temps pour qu'elles puissent, lors du développement d'un accès, se garantir, trouver un abri.
c) Dans l'attaque convulsive, la phase dite épileptique ouvre en général la scène. Tout à coup, cri, pâleur extrême, perte de connaissance, chute, distorsion des traits de la physionomie; puis une rigidité tonique s'empare de tous les membres. Cette rigidité est, remarquez-le bien, rarement suivie de secousses cloniques, brèves, à courtes oscillations, et prédominant dans un côté du corps, comme dans l'épilepsie vraie. Cependant, la face peut être à un haut degré tuméfiée, violette; il s'écoule de la bouche une écume quelquefois sanguinolente, occasionnée par la morsure de la langue ou des lèvres. Enfin, il peut y avoir un relâchement général des muscles, du coma et une respiration stertoreuse pendant un espace de temps plus ou moins prolongé.
d) A cette première phase sur laquelle, je le répète, porte principalement la discussion, succède la phase clonique. Alors, tout est hystérie: on voit survenir les grands mouvements à caractère intentionnel, des contorsions qui expriment parfois les passions les, plus variées, l'effroi, la haine, etc.. (2); en même temps éclate le délire de l'accès.
e) La fin de l'attaque est marquée par des sanglots, des pleurs, des rires, etc...

Ces diverses phases ne se suivent pas toujours d'une façon aussi régulière; elles s'enchevêtrent parfois et, tantôt , l'une,,, tantôt l'autre, prédomine. Chez la nommée C..., entre autres, la phase tonique l'emporte à un haut degré sur les autres et quelquefois se montre presque exclusive.
V. Nous voici parvenus,, Messieurs, au point délicat. En quoi, cette hystérie à crises complexes se sépare-t-elle de l'hystérie ordinaire, si elle s'en sépare réellement? en quoi se.rapproche-t-elle de l'épilepsie vraie, s'il y a lieu d'établir un tel rapprochement.
L'apparition de convulsions du type tonique est-elle donc un fait nouveau, insolite, dans la description classique de l'attaque hystérique vulgaire? Certainement non. Il n'est pas vraiment exceptionnel de voir dans l'attaque d'hystérie commune, - alors que personne ne songe à faire intervenir l'élément épilepsie de voir, dis-je, s'ébaucher des convulsions toniques de caractère épileptiforme, particulièrement au début de l'attaque tous les auteurs sont d'accord sur ce point. Ces convulsions sont parfois même tellement accentuées, que M. Briquet a été, par là, conduit à établir à côté de t'attaque d'hystérie clonique, ou' classique, une sorte d'attaque dans laquelle prédomine une roideur semi-tétanique, du tronc et des membres Ne parait-il pas d'après cela très vraisemblable déjà, que la forme dite épileptique, n'est à proprement parler que l'exagération, le plus haut degré de développement de cette variété de l'hystérie ordinaire ?
VI. Si d'un autre côté nous tournons nos. yeux vers l'épilepsie vraie, nous rencontrons un certain nombre de traits distinctifs qu'il nous sera facile de mettre à profit.
Nous ferons remarquer, en premier lieu, que,- d'après la description que nous avons donnée, le type épilepsie n'est jamais représenté dans les attaques-accès, que d'une manière incomplète, et pour ainsi dire a l'état d'ébauche ; mais; à la vérité, ce ne serait pas là encore un argument péremptoire. Voici un caractère plus significatif.
Jamais vous ne voyez apparaître soit le petit mal, soit le vertige épileptique dans les descriptions de l'hystéro-épilepsie à attaques mixtes. Nous pourrions ajouter encore, car il y a là matière à une importante distinction, que dans cette forme de l'hystéro-épilepsie, l'attaque épileptiforme, même la plus intense, est d'après nos observations, modifiée, parfois mème arrêtée dans son développement par la compression de l'ovaire. Ce qui n'a jamais lieu, - nous nous en sommes assurés maintes fois - dans l'épilepsie vraie (4).
Dans les attaques mixtes, alors même que leur retour est très fréquent, jamais - c'est là encore un fait reconnu par les auteurs -jamais, dis-je, l'obnubilation de l'intelligence et la démence ne sont l'aboutissant des attaques, contrairement à ce qui aurait lieu, d'une manière presque fatale, s'il s'agissait réellement de l'épilepsie. Je ne crois pouvoir mieux faire que de vous rappeler à ce propos le cas de la malade Ler..., qui, depuis près de 40 ans, est sujette à l'hystérie épileptiforme la plus violente. Cette femme est, sans doute, bizarre, singulière dans ses allures, mais son intelligence est demeurée ce qu'elle était à l'origine. Les renseignements que nous avons pris ne peuvent laisser subsister aucun doute à cet égard. En somme, dans les cas de ce genre, et telle est aussi l'opinion de M. Briquet, le pronostic n'est pas autre que celui de l'hystérie intense. De cette considération découle une conséquence d'ordre pratique qui est bien de nature à fixer votre attention.
Il est enfin un dernier caractère sur lequel je vous demande a permission d'insister, parce qu'il n'a pas, à ma connaissance, été relevé jusqu'ici et que, selon moi, il est décisif. Il s'agit d'un caractère fourni par l'exploration thermométrique : je saisis, non sans empressement, l'occasion qui-se présente de vous montrer, par un nouvel exemple, le parti qu'on peut tirer de ce mode d'exploration dans la clinique des maladies du système nerveux.
Ce n'est pas, Messieurs, que, sous le rapport dés modifications imprimées à la température centrale, Ies convulsions toniques épileptiformes des hystériques, différent en quoi que ce soit des convulsions de l'attaque épileptique. L'attaque hystérique tonique, pour peu qu'elle ait quelque intensité, élève la température d'un degré, voire même d'un degré et quelques dixièmes (38°-38°,5), tout comme le fait l'attaque d'épilepsie vraie. C'est là un résultat dont nous avons eu nombre de fois, dans ce service, l'occasion de contrôler l'exactitude.
Mais si, en ce qui concerne le caractère thermique, l'accès d'hystérie épileptiforme et l'accès d'épilepsie vraie se confondent, il n'en est plus de même lorsqu'il s'agit d'accès qui s'agrègent et s'enchevêtrent de manière à constituer ce que, pour l'épilepsie, oh appelle les séries ou l'étai de mal.
Il y a d'ailleurs, dans cet état de mal des épileptiques, à distinguer ce qu'on nomme les petites séries, composées de 2 à 6 accès, et les grandes séries, où l'on compte jusqu'à 15, 20 accès ou même plus dans les vingt-quatre heures. C'est à ces dernières que je m'adresserai exclusivement parce que le phénomène sur lequel je veux insister se montre alors dans son type de complet développement. En pareil cas, Messieurs, C'est à dire lorsque les accès de l'épilepsie vraie se répètent en grand nombre, dans un court espace de temps, la température centrale s'élève. d'une manière très-remarquable; et très certainement cette élévation thermique ne peut pas être rattachée exclusivement à la répétition non plus qu'à l'intensité des contractions musculaires toniques, car les convulsions peuvent cesser, complètement pendant plusieurs jours et la température néanmoins se maintenir, pendant ce temps-là, à un taux très élevé. Nous pouvons reconnaître et suivre toutes ces particularités sur le tableau que je mets sous vos yeux et qui nous montre les modifications qu'a présentées la température centrale chez la nommée Cheval., pendant le cours de d'état de mal épileptique qu'elle vient de subir tout récemment (fig. 24).
Il ne faut pas ignorer que cette élévation de la température est, dans la grande majorité des cas, même après toute cessation des convulsions, un indice du plus fâcheux augure, elle s'accompagne d'ailleurs le plus souvent d'un état général qui, par lui-même déjà, donne beaucoup à penser; ainsi, tantôt il existe un délire plus ou moins accusé, - que M. Delasiauve rapporte à la congestion méningitique, - tantôt au contraire un coma plus ou moins profond, - congestion apoplectiforme des auteurs ; - dans les deux cas il y a prostration des forces, sécheresse de la langue, tendance à la formation rapide d'eschares au sacrum ; quelquefois enfin, production d'une hémiplégie transitoire, dont a raison n'a pas encore été révélée par l'au.

Fig. 24- Température prise un peu après le 11ème accès. Du 1er jour (soir) au 2ème jour (matin), 31 accès. - Température après une rémission de 4 heures. A partir de là, les accès s'éloignent et cessent le 3è jour. La ligne ponctuée répond au pouls.

topsie. Cependant, et c'est là une donnée fort importante à consigner, cette élévation de la température, alors même qu'elle dépasse 41°, et qu'elle s'accompagne des symptômes graves qui
viennent d'être énumérés, n'est pas un signe annonçant nécessairement une terminaison fatale. Vous voyez par l'observation même de Chevall... qu'on peut guérir, encore, au milieu de toutes ces fâcheuses circonstances. L'élévation de la température au-dessus de 41" n'est donc pas nécessairement terminale, en pareil cas; et il y a par conséquent quelque chose à rabattre des assertions émises à cet égard par M. Wunderlich d'abord, et après lui par M. Erb.

Je vous rappellerai, en passant, que cette élévation rapide de la température n'appartient pas en propre, tant s'en faut, à l'état de mal épileptique; on l'observe encore, par exemple, dans les attaques dites congestives, apoplectiformes, ou épileptiformes de la paralysie générale progressive, ainsi que l'a, le premier, montré M. Westphal, qui, d'ailleurs, a donné du fait une in terprétation peu conforme à la réalité (a). On l'observe aussi dans les attaques fort analogues aux précédentes qui peuvent survenir dans le cours de la sclérose en plaques (2), et, enfin, dans les attaques, avec ou sans convulsions, qui s'observent dans les cas de foyer cérébral ancien (hémorrhagie ou ramollissement) ou de tumeur cérébrale, quelle qu'en soit la nature. Cette élévation thermique contraste, d'une façon remarquable, avec l'abaissement initial qui existe à peu près toujours, au moment de la formation du foyer hémorrhagique cérébral, et c'est là, ainsi que je l'ai démontré, un caractère qui peut être utilisé pour le diagnostic.
Mais il est temps d'en revenir à l'hystérie épileptiforme dont cette digression nous a quelque peu éloignés. Tout comme dans l'épilepsie vraie, les accès composés s'observent dans l'hystéroépilepsie. Landouzy parle d'une hystérique qui avait eu jusqu'à 100 accès par jour. L'état de mai hystéro-épileptique peut d'ailleurs se prolonger pendant un laps de temps considérable. Georget cite l'observation d'une femme chez laquelle les accès se sont montrés à peu près continus pendant une durée de quarante-cinq jours.
Chez notre malade Co..., dont les crises ont un cachet épileptitiforme si prédominant et si fortement accentué, l'état de mal a persisté pendant plus de deux mois, et, par moments, les accidents ont été portés au plus haut degré d'intensité. Ainsi le u janvier, entre autres, les convulsions épileptiformes se sont succédé sans interruption depuis neuf heures du matin jusqu'à huit heures du soir : de huit à neuf heures, il y a eu un temps de repos, puis les attaques ont repris comme de plus belle, sans le moindre retour à la lucidité, et ont persisté à peu près pendant le même espace de temps. On peut, d'une manière approximative, évaluer sans exagération le chiffre des attaques épileptiformes qu'elle a éprouvées à cette époque, dans l'espace d'un jour, à 150 ou 200 environ.
La persistance d'un tel état, sans que la mort s'en soit suivie, ne montre-t-elle pas déjà qu'un abîme sépare l'épilepsie vraie
fig25
Fig. 25.
de l'hystéro-épilepsie ? - " Si ce n'était pas là de l'hystérie, disaient en parlant de Co... les surveillantes du service témoins de ses accès et habituées à ce genre de malades, " si c'était de l'épilepsie véritable, il y a longtemps que cette femme aurait succombé. " Cette remarque est parfaitement judicieuse, parfaitement fondée.
Eh bien, Messieurs, -- et voici le point sur lequel je veux surtout insister, - jamais pendant cette longue période convulsive la température rectale ne s'est, chez Co..., sensiblement modifiée; elle a été en moyenne de 37°,8 ; elle ne s'est élevée jusqu'à 38°,5 que d'une façon tout à fait exceptionnelle et transitoire (fig. 25).- Je dois ajouter que jamais pendant ce temps l'état général ne nous a inspiré la' moindre inquiétude, malgré l'alimentation insuffisante et l'énorme dépense de force musculaire qui a dû se faire. La situation mentale, d'un autre côté, n'était pas, tan t s'en faut, aussi profondément modifiée que cela eût eu lieu nécessairement, s'il se fût agi de la vraie épilepsie; à aucune époque, il n'y a eu d'évacuations involontaires d'urines ou de matières fécales ; dans les courts répits que lui laissaient ses attaques, la malade se levait pour satisfaire à ses besoins. Dans ces intervalles aussi, d'ailleurs très courts, la nature hystérique du mal, surtout dans les premières semaines, reparaissait dans tout son jour. Une fleur dans les cheveux, des frisures bizarres, u vieux morceau de miroir, placé sur la planchette du lit, témoignaient suffisamment des occupations favorites de cette femme dans les temps de répit.
Mais je veux surtout signaler à votre attention le caractère thermique que l'observation nous a fait reconnaître. Il résulterait en somme de tout ce qui précède, que, si dans l'état de mal épileptique, à grandes séries, la température s'élève très rapidement à un haut degré, en même temps que la situation devient des plus graves, au contraire, dans l'état de mal hystéro-épileptique à longue série, la température ne dépasse guère le chiffre normal, et d'ailleurs l'état général concomitant n'est pas de nature à inspirer de l'inquiétude. Il n'est. pas nécessaire d'insister longuement, je pense, pour mettre en relief un contraste aussi frappant.
Je ne voudrais pas, toutefois, Messieurs, que vous prissiez absolument -au pied de la lettre le dernier terme de la proposition que je viens d'émettre ; sans doute il répond à la réalité, pour la très grande majorité des cas, mais il y a le chapitre des exceptions. Il n'est pas, en effet, sans exemple que l'hystérie se soit, pendant la phase convulsive, terminée par la mort. A; la vérité, ce sont presque toujours des attaques d'un genre particulier, des attaques dyspnéiques, qui amènent ce triste résultat (4); mais, je le répète, les attaque convulsives elles mêmes peuvent y conduire. Je puis, à titre d'exemple, vous rappeler un fait de ce genre publié par M. Wunderlich (2). II s'agit d'un cas d'hystéro-épilepsie comparable à beaucoup d'égards à celui dont je viens de vous entretenir. Pendant plus de huit semaines, la malade en question éprouva des attaques épileptiformes, en nombre d'ailleurs assez restreint, et qui ne s'accompagnaient pas d'augmentation notable de la température; sans cause connue, sans l'intervention d'accidents nouveaux, deux jours avant la mort, là scène changea tout à coup : la malade tomba dans le collapsus, et dans un court espace de temps la température s'éleva jusqu'à 43°
Cet exemple suffira, Messieurs, pour vous montrer qu'en présence d'un cas d'état de mal hystéro-épileptique, de quelque intensité, malgré toutes les chances d'une issue favorable, il ne serait pas prudent de s'abandonner à une sécurité complète, absolue