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Ensemble des arguments des interventions au colloque « les préhistoires de la représentation »

Par ordre d’intervention

 

Alain Harly : Propos d’introduction aux journées.

La genèse de la représentation intéresse bien des domaines, de l’invention de l’artiste à la psychogénèse de l’enfant, de la mythologie dans ses proliférations à la neurologie dans son approche du schéma corporel, de la philosophie dans sa méditation sur l’esthétique à la sociologie dans sa définition des rôles. Et bien d’autres encore.

Nous tenterons au cours de cette journée de croiser diverses approches mais en privilégiant les recherches en préhistoire, en particulier celles de l’art pariétal européen et africain, et la pratique de la psychanalyse qui a découvert dans la reconnaissance du corps propre du petit de l’homme un moment fondamental de la subjectivation. C’est d’ailleurs ainsi qu’il entre, pour Lacan, dans le champ de la reconnaissance et de la représentation.

Il est à souligner que toute spéculation en tant qu’elle se penche sur la question de l’être est comme aspirée vers celle d’une origine. Freud lui-même n’y a pas échappé avec son mythe de la horde primitive ou encore avec l’Urverdrängung. Et quand il use de la notion usuelle à son époque de Vorstellung, il en vient dans sa conception d’un appareil psychique à concevoir des représentations inconscientes. Ce qui reste bien problématique.

Lacan revisitera cette nécessité heuristique pour en proposer une nouvelle approche avec les dimensions du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire, ce qui ne va pas sans une subversion de la théorie de la connaissance. Cependant l’articulation entre la diachronie et la synchronie, entre ce qui construit le sujet dans une historicité en regard d’une structure singulière restera une question vive tant sur le plan de la clinique que celui de la doctrine.

Pour le psychanalyste comme pour le préhistorien, c’est le recours, disons même la soumission au réel de l’expérience, qu’elle soit celle de l’écoute du patient ou de la collecte du vestige préhistorique, à partir de laquelle il lui faudra repartir pour s’orienter dans ses constructions et dans ses actes, seule manière de réduire autant que faire se peut l’inflation imaginative. Pour autant, l’un et l’autre auront à interpréter ce matériel « brut » si l’on peut dire, il lui faudra mettre en jeu des systèmes de re-présentations, qu’elle soit de modélisation, d’imagerie numérique, ou de configuration nodale. Ce qui du même coup nous sépare de ce réel.

Comment le préhistorien et le psychanalyste pourraient- ils se parler de cet originaire sans glisser dans des projections imaginaires ? Comment seraient-ils en mesure de situer cette partition d’avec l’objet ? Comment la préhistoire de la représentation dans le procès de l’humanisation et celle que le psychanalyste rencontre dans sa pratique, que ce soit avec le petit d’homme ou avec l’infantile qui se tient au plus intime de l’adulte, pourraient s’enrichir l’une l’autre ? Telles seraient quelques-unes des questions qui seront abordées lors de cette journée d’étude.

Alain Harly est psychanalyste, membre de l’Association Lacanienne Internationale, secrétaire de l’Ecole Psychanalytique du centre-Ouest, Membre de l’Association des Amis de l’Art Rupestre Saharien.

 

Jean-Loïc Le Quellec : Art des grottes et mythologie

 

Depuis la découverte de l’art des grottes, on a souvent tenté de retrouver la motivation de l'art préhistorique, mais aucune de ces tentatives n’est vraiment convaincante, car toutes sont tombées dans la chausse-trape de la rétrojection anachronique, si bien que la position la plus courante chez les préhistoriens est maintenant d’affirmer qu’il est vain de prétendre pouvoir un jour retrouver le sens de ces figures.

Faut-il donc abandonner tout espoir de compréhension ? Quelles seraient les conditions d’une approche renouvelée de cette question ?

 Jean-Loïc Le Quellec est Docteur en anthropologie, ethnologie et préhistoire, Directeur de recherche au  CNRS. Il a écrit de nombreux livres sur l’art rupestre saharien qui font référence.

 

 

Josiane Quiliquini : De la représentation en psychanalyse 

Freud a donné à la représentation un statut psychanalytique, fondant un concept sur deux termes bien distincts dans la langue allemande que sont Vorstellung (la représentation en tant qu’élément psychique) et Repräsentanz (la représentation en tant que fonction). Ce concept, articulé à celui de pulsion, tente de rendre compte de l’avènement d’un sujet pris dans le langage, commandé par un objet, auprès de ce qu’il nomme cet « Autre préhistorique ».

Nécessité d’un lieu, Autre scène, pour s’y inscrire, pour s’y faire reconnaître. Nécessité d’une opération pour se détacher de l’objet, en assumer l’absence et se soumettre aux lois du langage. Lacan le reprendra ainsi à son compte. La mise en place du sujet, corollaire de la mise en place de la représentation.

Les dysfonctionnements de ce processus, voire sa non mise en place rendent compte des avatars du sujet au prise avec le réel, le symbolique et l’imaginaire, telle que la clinique de la psychose et de l’autisme en témoigne.

Naissance d’un sujet, naissance de l’humanité, la représentation une affaire chronologique ou logique ?

 Josiane Quiliquini est psychologue clinicienne, psychanalyste à Reims, membre de l’ A.L.I.  Elle a publié entre autres deux articles sur la représentation chez Freud et chez Lacan.

 

Suzanne Lachaud  :  Quelques exemples des principaux styles d’art rupestre au Sahara central : images et chronologie.

L’art rupestre du Sahara Central comprend des peintures et gravures très diversifiées, réalisées au cours de plusieurs millénaires. Pour classer ces images, les chercheurs ont défini des styles de représentations, à partir de critères précis.

Peut-on situer ces styles dans le temps ?  Parmi les chronologies proposées par plusieurs auteurs, celle de Le Quellec (2013) a l’avantage de faire la liaison entre art rupestre, monuments, climat, et faune.

Nous avons choisi quelques exemples de peintures et gravures pour illustrer quatre ensembles stylistiques majeurs du Sahara central.

1) les Têtes Rondes

Peintures très anciennes de la Tassili-n-Ajjer(Algérie). De grands personnages en posture hiératique, dont la tête est ornée de motifs géométriques, sont mêlés à des animaux sauvages: images fascinantes et énigmatiques, à forte charge symbolique.

2) le style du Messak

Gravures du sud Libyen représentant des animaux de la grande faune sauvage (mais aussi des bovins), des personnages hybrides – comme les hommes à tête de chien, et d’autres portant des signes mystérieux.

3) le style d’Iheren

Peintures très raffinées et détaillées montrant de belles scènes de camp, de chasse ou d’élevage, où hommes, femmes et enfants se mêlent aux troupeaux.

4) les Caballins

Peintures et gravures plus récentes, témoignant de grands changements dans la culture des éleveurs : représentations de chevaux, de chars, d’outils et armes en métal.

 Suzanne Lachaud est professeur honoraire de biologie et physiologie végétale, membre de l’ AARS.

 

Pierre Danhaive : Retour sur les mains négatives.

Qu’est-ce qu’il leur a pris, à ces hommes du Gravettien et de l’Aurignacien de venir dans les entrailles de la terre pour y laisser, sur les parois, l’empreinte de leur main ? Notre imaginaire est sollicité par ces mains négatives, et incite, comme le fit Freud, à comparer phylogenèse et ontogenèse. Symboliquement, ces traces ne se situent-elles pas au même lieu que la lettre d’écriture, celui de l’objet a, et donc, de la Chose, de toujours perdue ? Comme la lettre, structure de bord, travail sur le négatif, ne figurent-elles pas la trace inconsciente laissée par un manque, un réel, un trou d’angoisse ?

Dans un parcours logique, nous tenterons de repérer les trois instances, ici nouées  comme un travail de sublimation qui referait le chemin de la structuration du sujet parlant, ce néotène, cet animal malade du langage.

Pierre Danhaive est vétérinaire, psychanalyste, membre de l’Ecole Freudienne de Belgique, amateur d’art rupestre, a publié un article sur les mains négatives.

 

Oscar Fuentes : Préhistoire de l’individu. Conception du corps et représentation de soi dans l’art paléolithique.

Les études s'intéressant à « l'Art Paléolithique » Européen s’orientent traditionnellement sur la compréhension stylistiques et formelles des images, leur contexte archéologique, chronologiques et maintenant, territoriaux, afin de construire des modèles interprétatifs. L'ensemble des images qui se sont conservées jusqu’à nous sont autant de documents archéologiques nous permettant d'accéder à des données culturelles et sociales. Les "représentations" sont le fruit des expressions culturelles et identitaires manifestes qui unissent les membres d'un même groupe social et qui participent ainsi aux mécanismes d’identité et d’altérité. Les images sont donc des éléments de langage visuel compris par la société qui les a produits. Dans une perspective anthropologique de l’image, celle-ci est perçue comme un « agent » (« agency » pour A. Gell, 1998), ayant une capacité de produire des relations entre des entités.

L’étude des représentations humaines dans l’art du Paléolithique supérieur en Europe, souvent qualifiées de marginales, a conduit à diverses interprétations et à dresser une pluralité de tableaux permettant de rendre compte des sociétés humaines. Miroir déformant que ces collectifs ont bien voulu laisser comme trace, ces « images » sont autant l’illusion de la représentation qu’ont exprimé ces sociétés que le réceptacle, toujours présent, de nos propres codes de lectures. Présente dès les périodes anciennes du Paléolithique supérieur, cette iconographie a traversé les millénaires et connu divers traitements présentant une grande variabilité formelle, renvoyant probablement à un lien particulier entre les individus, le corps et sa représentation. Malgré sa faiblesse numérique au regard du bestiaire représenté, les corps humains présentent une pluralité de possibilité iconographiques. Au cours du Paléolithique supérieur, ces images montrent donc une grande perméabilité des formes qui permettent d’entrevoir ces caractères mouvants des conceptions de soi et de rendre compte ainsi des mises en avant différentielles du corps.

Nous tenterons, par l’étude de ces représentations, et l’élaboration d’un cadre méthodologique, d’aborder les structures de ces images et ouvrir sur les sociétés qui les ont produites. Que peut nous révéler la représentation du corps humain en terme de conception sociale, de soi, des autres et du monde ? Quelles peuvent être les conditions sociales ayant permis l'apparition de l'individu au sein des groupes de chasseurs collecteurs mobiles ?

Oscar Fuentes est préhistorien, anthropologue. Thèse sur la représentation humaine au magdalénien Membre de l’ équipe UMR 7041 ArScAn, Ethnologie Préhistoire, Maison de l’ Archéologie et de l’ Ethnologie, Nanterre..

 

Michel Jeanvoine : Questions et remarques d’un persan.

  L’invention, et la pratique, de la psychanalyse spécifie l’être humain dans sa dimension d’être parlant, c’est-à-dire d’un être pris dans l’ordre du symbolique.  Aussi un premier corrélat s’en déduit-il immédiatement : la nécessité d’introduire un lieu Autre où négocier, par le sacrifice, la dette dont -du fait d’être parlant- il est encombré. Lire de cette manière la découverte freudienne du transfert qui commande le travail analytique pourrait peut-être éclairer notre réflexion et déplacer certaines questions qui sont les nôtres, aujourd’hui, autour des premiers pas faits en direction des grottes, et de leurs murs, par nos ancêtres du paléolithique.  Dans ce contexte nous apporterons quelques remarques sur la question, qui nous parait cruciale, des mains négatives. 

Michel Jeanvoine est psychiatre, psychanalyste, membre de l’Association Lacanienne Internationale, secrétaire du Collège de Psychiatrie, a publié de nombreux article dans les domaines de la psychiatrie et de la psychanalyse, amateur d’art pariétal.

 
Nicolas Mélard : L’art et le quotidien, il y a 14 000 ans. Les pierres gravées de la Marche.

Nicolas Mélard est préhistorien, anthropologue, conservateur. Thèse sur les pierres gravées de la Marche..


Jérôme Bouchard : Modèle vivant et ardoise magique.

Bon nombre de gravures de La Marche évoquent immédiatement des croquis d'après nature. Certaines au moins semblent avoir été exécutées sur une couche de pigment passée en aplat afin que le trait ressorte en clair sur fond coloré, ce qui permet ensuite de les recouvrir et d'en commencer une nouvelle sur le même support. Cela ouvre un vaste champ d'hypothèses où nous prendrons la liberté de nous aventurer d’une façon qui n’a rien de scientifique.

Jérôme Bouchard est artiste graveur, amateur d’art préhistorique.

 

Yves Gauthier : Des lacs et des Hommes: influence du paléo-climat sur l'habitat et les modes de vie au Borkou (Tchad septentrional) à l'Holocène. 

Travaux de terrain et étude des images satellite haute résolution permettent aujourd'hui de cartographier avec précision des traces anthropiques de dimension ≥3m dont certains sites d'habitat. Au Borkou, la distribution de ces derniers est particulièrement hétérogène avec des zones à densité nulle et d'autres, au contraire, avec des concentrations importantes qui dessinent des formes étonnantes. A l'image du test de Rorschach qui peut servir à l'évaluation de la personnalité d'un sujet, ces séries de points sur les cartes révèlent des informations précieuses sur le peuplement de cette zone, très humide à la mi-Holocène et sur leur mode de vie. On constate notamment que 95% des habitats sont distribués autour des paléo-lacs dont ils révèlent le contour (cela est vrai aussi pour les sites rupestres et certains monuments funéraires) et qu'ils suivent les rivages lors de leur retrait sous l'effet de la péjoration climatiques qui s'amorce il y a ~6000 ans. Pêche et navigation, dont la plus ancienne trace remonte à ~8000 ans, ont eu une contribution majeure dans la vie de ces populations avant l'introduction des bovins domestiques et l'apparition du chameau qui marque le début de l'épisode aride actuel.

Yves Gauthier est Directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l’art rupestre saharien, membre de l’ AARS, il a publié de nombreux articles dans ce domaine, co-auteur avec Christine Gauthier d’un ouvrage « L’art du Sahara, archives des sables », Ed. Seuil, 1996.

 

 Gérard Lachaud : A la recherche de l 'invisible

Où et comment peut-on voir des peintures rupestres sahariennes? Certaines peintures sont lisibles sans difficulté mais d'autres ne sont que partiellement visibles voire plus ou moins effacées. Que faire pour résoudre ce problème ? L'étude de deux exemples, l'un sur la Tassili n'Ajjers (Algérie)  à Tajouisset, et l'autre à Séliki en Ennedi (Tchad ) vise à mettre en valeur des particularités de l'art rupestre saharien dans ce qu'il a d'étonnant et de spectaculaire. En traitant ces deux ensembles de peintures à l'ordinateur, grâce à des procédés techniques récents, on peut faire apparaître des images pratiquement invisibles à l'œil nu et que l'on ne peut pas analyser sans cette aide. Ainsi à Tajouisset le traitement permet de découvrir un ensemble d'éléphants et de personnages étranges.  Quant à Séliki sous des peintures pastorales ocre rouge apparaissent des couples de personnages gris bleu aux attitudes inattendues.

 

Gérard Lachaud est professeur honoraire de littérature moderne, membre de l’AARS.

 

                                                              

Philippe Grosos   Aux origines de la figuration. Georges-Henri Luquet et l’art de “l’époque du Renne”

Georges-Henri Luquet (1876-1965) n’est pas seulement un psychologue resté célèbre pour la qualité de ses analyses consacrées aux dessins d’enfant. C’est tout d’abord un des premiers et très rares philosophes, élève de Bergson et de Lévy-Bruhl, à s’être intéressé à l’art paléolithique. De 1910 à 1930, il a en effet consacré un grand nombre d’articles savants à cette question, dialoguant alors avec les plus importants préhistoriens de son temps : Salomon Reinach, Henri Bégouën, Émile Cartailhac, le jeune abbé Breuil. Bien qu’il fût très vite caricaturé par ces partisans de « l’art magique » comme un théoricien de « l’art pour l’art », et qu’à ce titre son œuvre tomba vite dans l’oubli, il n’en reste pas moins que la façon qu’il eût d’aborder les œuvres doit de nouveau pouvoir aujourd’hui susciter notre intérêt. En effet, à bien le lire, il apparaît que son travail ne consiste pas tant à plaquer une interprétation « artistique », voire « esthétique », sur les œuvres mobilières et pariétales de « l’époque du Renne », qu’à être en elles attentif à l’origine de toute figuration. Et c’est pourquoi, sans jamais n’en faire ni un art enfantin ni un art décoratif, il a su mettre à profit son regard de psychologue attentif aux dessins d’enfants pour étudier ces œuvres du paléolithique supérieur. En reprenant de façon critique sa démarche, il s’agira ici de se demander jusqu’où il est pertinent de lire l’œuvre de Luquet comme celle d’un théoricien des schèmes anthropologiques, voire existentiaux et ce que cela est susceptible d’apporter à une approche renouvelée de l’art du paléolithique supérieur.

Philippe Grosos est professeur de philosophie à l’université de Poitiers. Auteur d’une douzaine d’ouvrages, dont Signe et forme. Philosophie de l’art et art paléolithique, Ed du Cerf, 2017.


 
François Bonnet :
C'est bizarre ou l’énigme du corps et l'émergence d'un sujet.  

 Cette vignette clinique propose un extrait d'un travail d'orientation psychanalytique avec jeune adolescent présentant des problèmes de santé et nécessitant des soins médicaux depuis sa naissance. L'intérêt de la lecture de ses productions (dessinées ou réalisées en pâte à modeler), du jeu de l'équivoque, du recours à l'énigme seront abordés. Les fonctions des inscriptions réalisées, la représentation du corps, de ses trous et la mise en scène de son effacement, de sa perte seront l'objet de questionnements.  Les enjeux autour du corps :  de sa présentation, de sa représentation et celle de l'émergence d'un sujet désirant, dans ce lieu d’adresse, seront convoqués.  Au travers cette intervention je souhaite rendre compte de ce que j'ai pu apprendre en tant que témoin et passeur auprès de ce jeune.

 
François Bonnet est psychologue clinicien, psychodramatiste, membre de l’ EPCO. Il a une expérience clinique approfondie auprès d’adolescents polyhandicapés.  

 

 

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