Norrédine Boukandja
Intervenant éducatif sur le SAJE
Description du jeune
La jeune que nous appellerons JANE à 15ans et 3 mois quand nous
l’accueillons sur le service en décembre 2018. Cette jeune fille est
arrivée sur le service à la demande de l’Educateur de l’Aide Sociale à
l’Enfance référent de JANE demande motivée par les points suivants.
JANE était accueillie au sein d’une famille d’accueil depuis quelques
semaines sans aucun support quotidien étant en rupture scolaire depuis
la rentrée qu’elle avait pourtant faite en section mode, mais elle a
mis en place les éléments pour y mettre fin dès septembre.
Afin d’éclairer sur le parcours de JANE il faut noter qu’avant la
famille d’accueil elle était accueillie au sein d’un foyer éducatif,
suite à une décision de justice de mise en protection de JANE et de sa
sœur. En effet une mesure d’AEMO n’a pas permis au préalable de rendre
sécure les conditions de vie des deux jeunes filles au domicile du
père. Pour autant en un peu plus d’un mois elle s’est retrouvée au
centre de nombreux conflits, bagarres, vol de téléphone, dégradations,
et consommation de stupéfiants. De plus en cinq semaines l’équipe
éducative a fait 21 déclarations de fugues de cette jeune fille dont
plusieurs préoccupantes.
Ce fonctionnement à fait l’objet de notes d’informations à l’ASE et
décision à été prise d’extraire cette jeune fille du collectif d’où son
orientation en famille d’accueil pour casser cette spirale.
Situation
JANE est arrivée sur le service d’accueil de jour avec tout ce passif
et dans un état de grande fragilité. La relation à l’adulte se vivant
pour elle comme une agression permanente, ne supportant pas l’échange
même constructif. JANE ayant une représentation de l’adulte comme une
personne sur qui elle ne peut pas compter et forcément persécutant et
autoritariste et n’ayant comme seul dessin au final de la rabaisser, la
lecture de son histoire familiale venant étayer ces constats.
Séparation non pacifiée du couple parentale, manque de cadre
structurant et sécurisant chez les deux parents, conflit permanent avec
le compagnon de sa mère problème d’alcoolisation et posture figée de ce
monsieur. Enfants témoins de scènes de disputes de la maman et de ce
compagnon insécurisant.
Il n’est donc pas surprenant que cette jeune fille soit arrivée sur
notre lieu d’accueil avec beaucoup d’appréhension, de résistance et de
méfiance. Qui sont ces adultes et que veulent-ils ? JANE pouvait
également être dans la défiance, se traduisant par « De toute façon
vous pouvez dire ce que vous voulez je n’en ai rien à faire pour le
dire poliment ».
Les départs et les journées étaient du moins au début souvent très
compliqués et nous savions qu’il fallait faire preuve d’une extrême
délicatesse pour tenter de lier un tant soit peu le début d’une
relation avec cette jeune fille.
Donc un matin au départ en navette pour le service j’avais quatre ou
cinq jeunes à accueillir sur notre lieu de rendez-vous. Jane ne
montrait aucun signe apparent de tension contrairement à une autre
jeune fille qui elle était dans une posture de forte agressivité
attitude récurrente chez elle lors du départ.
Alors que nous étions en route j’ai dû reprendre un jeune qui utilisait
un vocabulaire d’une extrême vulgarité et ce à plusieurs reprises. J’ai
finalement dû hausser le ton comme il ne semblait pas comprendre le
message où ne voulait pas l’entendre.
La jeune Jane comme elle le faisait souvent s’est mêlé de la
conversation, non pas dans le but d’apaiser la situation mais me
prenant verbalement à partie se rangeant sans aucune prise de distance
du côté du jeune auquel je faisais retour de l’impossibilité de
relationner de cette manière et particulièrement sur le fait que je
n’acceptais et ne validais pas le vocabulaire utilisé entre eux.
Jade ne me permettant pas d’avoir un dialogue direct et constructif
avec l’autre jeune, je lui ai clairement verbalisé que dans l’immédiat
c’est avec, nous le nommerons Yvan que je conversais et que de plus il
serait bien qu’elle ne se mêle pas systématiquement des conversations
et de situations qui au final ne la concerne pas.
Je ne sais pas comment cela à raisonné chez elle mais il faut bien
admettre qu’elle à littéralement explosé du haut de ses 15 ans. Elle
est devenue rouge pivoine et j’ai eu droit à un déversement de colère,
d’injures et aussi d’une mauvaise fois ou interprétation de sa part de
la situation comme quoi je lui aurais dit de fermer sa Gueule.
L’échange à était très musclé de part et d’autre car si je peux
professionnellement entendre et comprendre les éléments de la situation
il m’a semblé opportun de ne pas la laisser supposer que éventuellement
j’aurais pu lui manquer de respect et l’insulter. La situation ayant
finalement un impact sur l’ensemble des jeunes.
Devant la tournure et la distorsion de la réalité de ce que j’aurais pu
verbaliser j’ai dû me garer sur le côté de la route afin de me fâcher
avec Jane en lui disant que premièrement quand on reproches aux gens de
nous insulter il serait nécessaire de s’écouter parler, que
deuxièmement je ne l’autorisais aucunement à me parler ainsi et surtout
de me traiter de menteur quand je lui verbalise à plusieurs reprise que
je n’ai pas utilisé le terme de FTG lui ayant simplement signifié de
rester à sa place.
Les autres jeunes notamment son petit ami s’est alors manifesté en
disant à Jane que je ne lui avais pas dit cela.
L’autre jeune fille souvent très agressive se trouvant à l’avant sur le
siège passager m’a regardé interloqué.
JANE a alors baissé les armes et Il n’y a pas eu de bruit jusqu’à notre
arrivée.
Constats hypothèses
Comment JANE à t’elle entendu le : il serait bien que tu restes à ta
place.
Au regard des éléments familiaux il est tout à fait possible qu’elle
l’ai entendu du côté de la persécution.
La grande fragilité affective de cette jeune fille peut expliquer cette
réaction.
Importance de ne pas laisser penser aux ados que nous ne sommes que des
professionnels toujours dans l’écoute et signifier son agacement face à
de tels comportements c’est aussi leur dire, je suis un adulte, je suis
bienveillant mais je ne te permets pas de me considérer de cette
manière.
Le message étant que ce n’est pas parce que l’on n’est pas d’accord que
l’on ne peut pas se parler de manière civilisée.
Je note qu’au fil de la présence de JANE sur le service, elle s’est un
peu ouverte à l’échange dans le temps. L’ensemble de l’équipe a pu
engager un début de relation plus pacifié. Il fut plus facile de
reprendre les travers de JANE simplement en mentionnant son prénom et
en l’interrogeant du regard.
Il faut noter que JANE est finalement venue pendant 7 mois sur notre
dispositif d’accueil de jours. Nous avons accepté qu’elle puisse
parfois passer une journée entière en ne voulant rien faire, ce qui ne
veut pas dire qu’il ne se passait rien.
Je conclurais en disant que c’est cette même jeune fille qui nous a
téléphoné avec son petit ami lors de notre réouverture en septembre de
cette année en nous demandant comment nous allions. Peut-être qu’une
petite porte s’est ouverte pour cette jeune fille et qu’elle peut
éventuellement envisager qu’une relation plus apaisée à l’Autre est
possible.
Si son passage de sept mois sur notre dispositif a pu y contribuer un
peu, alors on peut se dire que même quand on pense que l’on n’y arrive
pas, que l’on ne trouve pas le chemin au combien tortueux pour entrer
en relation avec ces adolescents extrêmement fragiles, il faut
néanmoins s’y engager pleinement avec conviction même si on ne peut
évaluer les effets tout en ayant une vague idée qu’il s’opère des
modification et que le sujet est au travail.