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Ars! Has! et autres éternuements...

Pour l'Epco, J.J.L 15/05/2014

Il semblerait qu'il nous faille, pour être dans un certain air du temps, c'est-à-dire politiquement correct, nous apprêter à devoir porter plainte contre les divers auteurs de contes pour enfants : Grimm, Perrault, et leurs successeurs jusqu'à aujourd'hui, en particulier tous ces auteurs de dessins animés dont nos télévisions sont si friandes à abreuver nos enfants. Depuis la marâtre de Blanche Neige ou les parents défaillants du Petit Poucet, combien de figures parentales ou leurs succédanés, (c'est-à-dire des adultes devant amour, protection, attention à des enfants), ont été décrites comme cruelles, violentes, rejetantes, voire homicides, dans ces contes et autres dessins animés ? Car c'est de cela qu'il s'agit.
Lorsqu'on voit que dans un film, « Le mur », il est fait un montage tel qu'un fantasme enfantin, dont l'image de la « mère crocodile » est une illustration théorique et humoristique issue de l'enseignement de Lacan, est présenté comme l'opinion réelle de la psychanalyse concernant les mères réelles; on peut s'inquiéter des contes et des dessins animés.
Une telle lecture, car le montage d'un réalisateur témoigne de la lecture qu'il fait des éléments qu'il expose, fiction, documentaire, actualité, revient à considérer que, pour l'auteur de Blanche Neige, toute mère est un assassin potentiel réel de sa fille, si elle la trouve jolie. Or quelle mère ne trouve pas sa fille jolie ?

C'est pourtant une telle lecture qui a été présentée, en son temps, sur la page d'accueil du site France autisme comme preuve irréfutable concernant le rôle des mères réelles selon la psychanalyse ! Or cette association a fait partie du lobbying intensif, à partir d'une telle lecture, ayant abouti à l'avis de la H.A.S de non recommandation de la psychanalyse dans le traitement de l'autisme. Avis repris tel quel par des ministres de la santé! Sans consultation des pourtant nombreuses équipes pluridisciplinaires, c'est-à-dire composées de pédagogues, d'orthophonistes, d'éducateurs, de psychomotriciens, de pédopsychiatres, de psychologues, qui, quelle que soit leur orientation théorique, ont à se confronter au problème de l'autisme. Jusqu'au glissement actuel où une A.R.S décrète autoritairement quelle est la bonne ou mauvaise formation pour des soignants sans tenir compte de l'avis de l'équipe pluridisciplinaire dont ils font partie. Cf. le document ci-joint.
Tout ceci fait preuve d'une telle confusion, et pas seulement des dimensions fantasmatiques et réelles comme indiqué, d'une telle opacité, d'un tel enjeu d'idéologies et de rumeurs, etc., que nous avions renoncé jusque-là à nous exprimer.

Mais devant l'accumulation d'opinions, d'éléments témoignant d'une telle méconnaissance de la théorie et la pratique psychanalytique, il semble nécessaire de rappeler quelques points.

Tout d'abord concernant la théorie.
Lorsque Kanner, il y a plus de 50 ans, isole le syndrome autistique parmi l'ensemble de ce qui serait aujourd'hui appelé les T.E.D, c'est sans doute armé de quelques concepts et approches psychanalytiques. Cela lui permet, à partir de la position subjective des enfants qu'il rencontre, de distinguer, parmi ceux-ci, un groupe qui semble se caractériser par une grande difficulté, voire une impossibilité de relation, de communication avec autrui, besoin d’immuabilité de l’environnement, et par une difficulté de symbolisation, laquelle est à la base de la communication verbale, mais pas seulement, et des apprentissages. Il en impute alors la responsabilité aux mères réelles. Mais comme il est rigoureux, 10 ans plus tard, il revoit ces enfants ayant grandi, afin de noter leur évolution, qui s'avère variable selon les formes d'autisme. Mais surtout, il constate son erreur concernant les mères. Cela apparaît beaucoup plus complexe que ça. Les psychanalystes, pour la plupart, ont peu ou prou suivi l'évolution de Kanner. Du simplisme d'une remise en cause maternelle, ils en sont venus à considérer les particularités de la fonction maternelle. Celle-ci se caractérise par les interactions entre l'enfant et sa mère, ou plus précisément le personnage maternel, lequel est le plus souvent la mère mais pouvant être aussi le père, un membre de la famille, un autre adulte également...
Ceci permit de percevoir, entre autres, qu'il y a différentes formes d'installation et de présentation du syndrome autistique, massives et d'emblée, ou plus progressives avec quelques signes d'interactions possibles, voire d'abord intermittentes... Et qu'il y a donc nécessité d'éclairer et de soutenir les parents, dans leur guet des possibilités d’interaction, les mères surtout, qui peuvent désespérer de ce que leurs soins, leur amour, leur attention reste sans écho chez leur enfant. D'où la nécessité d'un diagnostic précoce. Et ce fut un plaisir, que parmi les diverses recommandations de l'H.A.S, qu'a contrario de celle visant la psychanalyse, soit enfin recommandé un tel diagnostic. Voilà 15 ou 20 ans que de nombreux spécialistes, parmi lesquels des psychanalystes, réclame la mise en place de la possibilité d'un diagnostic précoce. Il faut espérer que les A.R.S feront montre de la même autorité concernant cette mise en place que celle montrée concernant les formations qui ne sont pas de leur responsabilité. Il existe des pays où sont distribués dans les salles d'attente des pédiatres des questionnaires, s'adressant aux mères de jeunes enfants, très simples, très courts, trois ou quatre questions suffisent, à y répondre par oui ou par non, concernant les signes précoces de l'autisme, (absence d'échange de regards lors de l'allaitement, des soins, absence de suivi du regard des personnages familiers, intérêts prépondérants pour les objets inanimés, etc...).

Second rappel, concernant la pratique psychanalytique.
Pour résumer celle-ci de façon la plus générale et la plus concise possible, c'est l'aide apportée par le thérapeute, ici le psychanalyste, à un individu concernant sa souffrance subjective. Celle-ci, nous l'avons signalé, dans le cas de l'autisme, se caractérise principalement par les difficultés, voire l'impossibilité, d'entrer en relation avec autrui et de communiquer avec lui, et par les difficultés de symbolisation afférentes, une crainte du changement. C'est de cela qu'il s'agit dans la pratique véritablement, et pas seulement psychanalytique, mais aussi bien pédagogique, éducative, et quelle que soit l'orientation théorique. Comment aider des personnes, des sujets, atteints d'une telle souffrance dans la réalité de celle-ci ? Car ici comme ailleurs, il faut bien supposer un sujet, pour penser une relation, un désir de communication, ou d’apprentissage. C'est cela la véritable question pour la pratique, et non la recherche d'une quelconque cause. Que celle-ci soit attribuée à la mère, aux gènes, à la conjonction des planètes ou à la température ambiante, ne change strictement rien à cette question et à la pratique qui doit en découler. À cette pratique, cette problématique de la cause apparaît étrangère, voire superfétatoire.
Concernant cette pratique, et malgré la méconnaissance dont elle semble être l'objet, la psychanalyse a élaboré des conceptualisations théoriques de la relation à l'autre, de la subjectivation, et de la symbolisation, et qui sont susceptibles de grandement l'éclairer. (À ce propos, dans le cadre de cette pratique, l'image de la « mère crocodile » ne concerne ni la mère, ni l’enfant, qui, même s'il peut en avoir les éléments d'angoisse correspondants, n'en a certainement pas l'image consciente, mais bien plus le thérapeute comme mise en garde : qu’il ne soit ni intrusif, ni envahissant, mais au contraire circonspect dans cette relation si délicate à l'autre que lui-même représente). Quant à la cause, même si on peut déplorer qu'elle vienne occulter ce dont il s'agit dans la pratique, la souffrance subjective des personnes autistes, on ne peut qu'espérer qu'elle soit mieux cernée. Qui ne l'espérerait ? Qui n'espérerait, que dans un avenir plus ou moins proche ou lointain, une possibilité de thérapie génétique vienne à diminuer les risques d'une telle souffrance ? Encore faudrait-il que les résultats de différentes études ne risquent pas d'être invalidés par divers défauts méthodologiques : échantillons insuffisants, absence ou taille réduite de la population témoin, impossibilité de re-testing. Ainsi, qu'on détecte une anomalie génétique chez 6 autistes sur 10, outre la taille restreinte de l'échantillon, cela demanderait la vérification de l'absence totale de cette anomalie auprès de 1000 personnes de la population générale, si la proportion de 1% d'autistes, généralement admise, est correcte. Nous sommes tous porteurs d'anomalies génétiques, compensées habituellement par les redondances, les combinaisons et les structurations dont la nature fait preuve. À la décharge des laboratoires et des chercheurs, il faut rappeler que leur reconnaissance et leur budget sont soumis au principe des métadonnées. Ce principe détermine que cette reconnaissance tient moins au contenu proprement dit des articles qu'au nombre de fois où ceux-ci sont cités dans d'autres articles. D'où l'importance pour chaque laboratoire ou chercheur de multiplier le nombre d'articles rapidement pour favoriser leurs chances d'être cités. C'est ce principe qu'a repris Google du système universitaire pour son référencement des pages Internet, les plus citées sont les premières affichées. D'où le piratage et les prestations de services visant à produire des pages Internet citant celle qu’on désire être affichée la première.

Une étude récente, échappant à toutes ces critiques, vient d'être publiée, « le Monde » du 05/05/2014. Portant sur un large échantillon, environ 14 000 personnes autistes, comparé à une très importante population témoin, 2 000 000 de personnes, effectuée par des agences d'État en Suède, donc non soumise à des problèmes de reconnaissance ou de contraintes budgétaires, cette étude conclut à une probabilité des causes de l'autisme comme étant à 50% des causes génétiques héréditaires et à 50% des causes environnementales.
La recherche a encore du travail à venir...
(Il existe quelques équipes de recherche où des spécialistes tentent avec rigueur et honnêteté de partager leur savoir : neurobiologistes, généticiens, cognitivistes, psychanalystes, encore faudrait-il que leurs articles soient lus de façon non erronée.)
Pour terminer, sur la question des apprentissages, dont la méconnaissance actuelle de la psychanalyse laisserait croire qu’elle leur serait opposée dans sa pratique. Quelle aberration ! Quel thérapeute, qu'il soit analyste ou pas d'ailleurs, pourrait penser qu'il puisse seul faire face aux problèmes d'apprentissages, et se substituer aux éducateurs et aux pédagogues ? D'où la nécessité des équipes pluridisciplinaires ! D'autant que chacun sait, toute personne aidante, (familles, pédagogues, éducateurs, médecins, thérapeutes, mais aussi les enfants eux-mêmes), quelle course contre la montre est engagée ! Et ceci d'ailleurs vaut pour tout enfant dont le trouble provoque des difficultés d'apprentissage scolaire, et pas seulement autistique. L'exigence de synchronisation entre âge et acquis scolaires est telle que si une année de retard est possible, deux deviennent difficiles, et trois quasi impossibles. Or toutes ces personnes aidantes précitées peuvent pressentir, et à juste titre un certain nombre de fois, que le trouble étant levé, même partiellement, l'enfant sera capable des apprentissages scolaires demandés, voire même, quelques fois, de combler partiellement ou totalement son retard. Mais à condition d’être dans les temps ! D'où ce sentiment de course contre la montre que peut ressentir toute personne aidant ces enfants.
Et ce n'est pas leur intégration dans les classes ordinaires qui en change la donne fondamentalement. Peut-être, au moins dans certains cas, faudrait-il d'autres approches et d'autres pédagogies ? Mais il y a 20 ans trouver une classe ou un établissement réellement adaptés à certains troubles était quasiment impossible. Qu'en est-il aujourd'hui ?