enteteAccueilespace S'inscrire à la lettre de l'Epcoespace Enseignementsespace Documents espaceL'E.p.c-oespace L'A.L.Iespace Publicationsespace Liens Divers espaceEspace Membres

EN HOMMAGE À ALAIN DIDIER-WEILL

Marie-Christine Salomon-Clisson  Le 23 octobre 2019


Oui ! Le « oui » primordial de la Bejahung, celui qu’Alain Didier-Weill nous invitait à renouveler. Ce « oui », aujourd’hui, pour un hommage à l’homme et au psychanalyste, un hommage à celui qui m’a donné et permis de recevoir, à celui qui n’a jamais dérogé à l’éthique de la psychanalyse.

Il a su mettre en œuvre, dans nos séances de contrôle, ce qui, grâce à un nouvel interlocuteur, peut se dénouer et se renouer autrement. Il m’a permis, par sa présence, d’apaiser les injonctions surmoïques. Sa recherche théorique s’incarnait dans sa praxis. Mystérieusement, elle a eu un effet réel sur la direction de mes cures.

Ce fut une bonne rencontre. Il était intéressé par mon fil conducteur, la voix parlée et chantée (objet de la pulsion invocante, objet « a » de Lacan) et mon opiniâtreté à m’y tenir : en insistant, en persévérant, même quand, écrivait-il, « ce « oui » à notre désir nous fait trembler et coûte chair en s’articulant au signifiant S de grand A barré». Il ajoutait : « Un désir doué de persévérance est un désir qui ne se dédit pas ».

Avec lui, j’ai ressenti cette joyeuse liberté d’exister.

Je repense à Serge Leclaire parlant de Lacan dans le film « Quartier Lacan » qu’il avait réalisé avec Emile Weiss et Florence Gavras :

« Il m’a apporté au fond ce qu’il me demandait, il m’a apporté cette formidable présence et cette écoute qui ne s’est pas limitée à la situation analytique. J’ai su, avec lui, qu il y avait quelqu’un qui entendait. Alors, qu’est-ce qu’on peut apporter de plus ? Qu’est-ce qu’il a pu m’apporter de plus ? Je ne sais pas, le reste, je dirais, est presque secondaire… Ce qu’il m’a apporté, c’est ça, cette fantastique présence, cette écoute, bien au-delà de ce que je pouvais entendre de mon appel, de mon cri, de mon angoisse, de ma solitude. Il y en avait au moins un qui m’entendait, et ça, j’en étais sûr. Alors… ».

J’ai commencé à écrire sur le chantonnement, sur Paul Celan ainsi que des petits impromptus liés à ces instants qui ont fait le sel de ma vie. Et je poursuis, au sein de l’EPCO (Ecole Psychanalytique du Centre Ouest), en assumant la responsabilité du groupe « Serons-nous pouâtes assez ? ».

A chaque nouvelle année, je pouvais, moi aussi, lui demander ce qu’il souhaitait pour lui-même. La dernière fois, après un temps de silence, il me dit : « de la joie ». Je l’ai bien entendu. J’ai été particulièrement sensible à la solitude et à la douleur de sa dernière année. Lors de notre ultime rencontre, il m’a dit que ce qu’il aimait le plus dans la nature, c’était les arbres. Alors, je lui dédie ce court poème d’un jour d’émerveillement devant mon pommier de chine dont les toutes petites pommes rouges riaient dans le soleil d’hiver :

« Allégé de ses feuilles,
Il tient la promesse de ses fleurs »