J M Charcot Des tremblements
hystériques.
(Leçon du 13 novembre
1889).
Sommaire. - Date récente des
premières études sur le tremblement hystérique : travaux de MM. Rendu,
Pitres, Dutil. Classification des tremblements hystériques ; leurs
rapports avec les autres espèces de tremblements, dont ils ne
paraissent être que des imitations plus ou moins parfaites;
tremblements hystériques oscillatoire, vibratoire et intentionnel.
Formes généralisées ou partielles. Leur mode d'apparition, leurs
caractères, leurs rapports d'évolution avec la névrose hystérique.
Relations de trois cas de tremblement hystérique ayant trait. les uns à
la variété intentionnelle, l'autre à la variété vibratoire.
Messieurs,
Nous allons aujourd'hui nous occuper de quelques points
relatifs à l'histoire clinique du tremblement ou mieux des tremblements
hystériques.
Il est singulier, Messieurs, que cette partie de la symptomatologie de
l'hystérie, qui semble cependant destinée, à mesure qu'on l'étudiera de
plus près, à prendre un développement de plus en plus étendu, ait été
si fort négligée jusque dans ces derniers temps. Elle parait même avoir
passé à peu près inaperçue.
Ainsi, dans l'ouvrage de Briquet, si complet à d'autres égards, on ne
trouve que peu de chose sur le tremblement hystérique. Voici d'ailleurs
tout ce qu'il en dit (1) : Le tremblement se rencontre assez
fréquemment chez les hystériques. Il est passager; après quelques
heures ou quelques jours au plus, il se dissipe spontanément. Chez très
peu de malades ce trouble du mouvement reste permanent. Il se reproduit
avec la plus grande facilité.
Ce n'est pas grand-chose, vous le voyez, Messieurs. Mais ce rôle effacé
du tremblement hystérique dans le livre de Briquet tient peut-être à ce
qu'il a observé surtout chez les femmes.Il me semble, en effet, que
c'est chez l'homme plus particulièrement qu'on l'observe. On le voit,
par exemple, souvent signalé dans ces derniers temps dans les cas
rapportés à la névrose traumatique Traumatische Neurose, laquelle, je
crois l'avoir démontré, doit rentrer dans l'histoire de l'hystérie et
se rencontre plus fréquemment chez l'homme.
C'est chez l'homme que j'ai pour la première fois reconnu que le
tremblement peut occuper une place importante dans la symptomatologie
de l'hystérie. Déjà autrefois même, j'avais cherché à le faire entrer
dans la classification par moi proposée des tremblements, fondée sur le
nombre des oscillations par seconde (2). Je lui avais assigné là une
place intermédiaire entre les tremblements lents et les tremblements
rapides ou vibratoires.
A cette époque, nous n'avions pas encore aperçu qu'il existe diverses
variétés bien tranchées du tremblement hystérique ; nous avions
reconnu, du moins, avec M. P. Marie, mon chef de clinique d'alors,
qu'un de ses caractères est de paraître éminemment variable, si on
l'envisage comme une unité. Mais précisément ce serait une erreur de le
considérer ainsi et il est impossible de lui appliquer une formule
univoque.Il est au contraire parfaitement établi par les études
récentes qu'il ne faut pas parler du tremblement hystérique, mais bien
des tremblements hystériques, lesquels peuvent être ramenés à un
oertain nombre de types distincts.
C'est à ce point de vue que les choses ont été avec
raison considérées par M. Rendu, dans la note qu'il a présentée le 19
avril 1889 à la Société médicale des Hôpitaux, sur le tremblement
hystérique et ses diverses variétés (1). Ce travail important peut être
regardé comme ouvrant une ère nouvelle. C'est vraiment la première fois
que les tremblements liés à la névrose hystérique ont été décrits et
classés de façon à permettre désormais de les distinguer dans la
pratique.
Cinq mois plus tard, M. Pitres (de Bordeaux) publiait dans le Progrès
Médical une série de leçons sur le tremblement hystérique (2). Bien
qu'il n'ait eu aucune notion du travail de M. Rendu au moment où il
étudiait ces tremblements, M. Pitres envisage cependant la question
sous le même point de vue et aboutit aux mêmes conclusions, à savoir
qu'il convient d'établir un certain nombre de types de tremblement
hystérique distincts les uns des autres.
Un peu avant la publication des leçons de M. Pitres, M. Dutil, mon
interne, composait un travail sur le même sujet, travail fort
intéressant, fondé surtout sur l'étude de malades rassemblés par nous à
cet effet dans le service de clinique. Ce travail, non encore publié, a
été présenté par lui à un concours ; mais je le connais dans tous ses
détails et j'ai pu en tirer parti pour notre étude d'aujourd'hui (1).Il
s'agit d'un assez volumineux mémoire dans lequel les tremblements
hystériques, étudiés cette fois sur une grande échelle, sont classés
d'après les principes établis par M. Rendu. Mais il est, on peut le
dire, plus complet que les travaux antérieurs, en ce sens qu'il
embrasse l'étude, autant qu'on peut en juger quant à présent, de tous
les tremblements hystériques possibles.
Il résulte de cette étude que les divers types de tremblement
hystérique peuvent être rapprochés des types de tremblement déjà
connus, auxquels ils ressemblent plus ou moins fidèlement et avec
lesquels, si l'on n'était pas prévenu, on pourrait les confondre dans
la pratique. En d'autres termes on peut dire que chaque type de
tremblement non hystérique a, dans la catégorie de l'hystérie, son
pendant, son a sosie à qu'il faut apprendre à démasquer.
Ceci est bien fait, Messieurs, pour nous faire pressentir l'importance
qui s'attachera désormais à l'étude de ce phénomène. L'hystérie, dans
cette forme, pourra simuler toutes les espèces de tremblements liés à
dos maladies organiques ou purement névropathiques. Combien ne
sera-t-il pas important, en clinique, de savoir que tel ou tel
tremblement n'est pas produit par une sclérose en plaques ou une
paralysie agitante, ou encore une maladie de Basedow, mais qu'il est
tout simplement une manifestation de l'hystérie !
Voici, à mon avis, la classification des tremblements hystériques qui
peut être proposée dans l'état actuel des choses. Elle ne diffère en
rien d'essentiel de celle qu'a adoptée M. Dutil dans le travail auquel
j'ai fait allusion tout à l'heure, Comme
vous le voyez, Messieurs, nous distinguons d'abord deux catégories bien
différentes. Dans la première le tremblement est constant; il ne cesse
pas d'exister pendant le temps de repos, et de plus il n'est que peu ou
pas influencé par les mouvements volontaires. Cette catégorie comprend
deux sous-divisions fondées sur le nombre d'oscillations que présente
le tremblement par seconde.: s'il est lent, en le nomme oscillatoire ;
s'il est rapide, en le désigne sous la dénomination de vibratoire. La
paralysie agitante est le prototype du tremblement oscillatoire ; la
maladie de Basedow, les tremblements de l'alcoolisme, de la paralysie
générale sont au contraire vibratoires. Tous ont leur sosie dans
l'hystérie.
La seconde grande catégorie comprend les tremblements hystériques qui
sont influencés par les mouvements volontaires. On peut établir ici
encore une sousdivision basée sur ce fait que le tremblement sera ou
bien provoqué de toutes pièces par le mouvement intentionnel, ou bien
existant déjà dans le temps de repos et augmenté seulement dans les
actes volontaires. Ces deux espèces de tremblement se rencontrent dans
des maladies bien distinctes. La première dans la sclérose en plaques
des centres nerveux, l'autre dans l'intoxication mercurielle. Eh bien,
dans l'hystérie, nous pouvons retrouver le tremblement de la sclérose
multiloculaire considéré dans son type de parfait développement. En
pareil cas, vous le savez, Ie malade reste littéralement immobile quand
il repose. Il ne commence à trembler qu'au moment même où il exécute un
mouvement volontaire. Le tremblement de l'intoxication mercurielle, lui
aussi, a son pendant dans l'hystérie. Il s'agit alors d'un tremblement
qui persiste à peu près constamment, bien que peu accentué en général à
l'état de repos, mais dans lequel les oscillations sont énormément
exagérées par les mouvements intentionnels. C'est ici le lieu de
relever que l'hystérie, comme l'a surtout montré M. Letulle (1), peut
être provoquée par l'hydrargyrisme. Vous pouvez donc imaginer aisément
qu'un homme intoxiqué par le mercure et. devenu par ce fait hystérique
puisse présenter un tremblement relevant de l'hystérie et simulant le
tremblement hydrargyrique. La réalité du fait paraît établie et la
possibilité, constatée par M. Letulle, de la guérison, de certains
tremblements rapportés à l'intoxication, mercurielle, à l'aide des
agents esthésiogènes, est certes un argument à invoquer dans la
démonstration (2).
Mais doit-on généraliser désormais et aller jusqu'à dire que tous les
tremblements dits mercuriels ne sont, pas autre chose que des
tremblements hystériques ? C'est une grave question que l'avenir se
chargera de juger. Pour moi, avant plus ample informé, je reste
disposé à croire qu'il existe un véritable tremblement mercuriel
indépendant de l'hystérie, et émanant directement, en d'autres termes,
de l'intoxication hydrargyrique ; mais qu'à côté de lui il faut
apprendre à distinguer des cas où, chez les hydrargyriques, l'hystérie
se développe et donne lieu à un tremblement méritant cette fois de
porter légitimement le nom d'hystérique. En quoi ce tremblement-ci
différera-t-il cliniquement du premier? Cela restera à déterminer.
Pour en finir avec cet aperçu des caractères généraux des tremblements
hystériques, ajoutons qu'ils se montrent tantôt généralisés, tantôt
partiels, tantôt de forme monoplégique, paraplégique ou encore
hémiplégique, tout comme les tremblements des diverses maladies qu'ils
peuvent imiter.
Vous n'oublierez jamais, Messieurs, que dans l'étude, chez un sujet
donné, d'une manifestation hystérique quelconque, il faut s'attacher
constamment à rechercher avec soin tous les autres symptômes possibles
de la névrose et en particulier les stigmates permanents. Ceux-ci, bien
que le cas soit relativement rare, peuvent manquer complètement ; mais
alors, à leur défaut, vous aurez à signaler probablement la coexistence
de quelque autre signe univoque de l'hystérie. Il en a été ainsi chez
un malade observé récemment par M. Joffroy. Dans ce cas, les stigmates
n'existaient point, mais, par contre, une attaque convulsive, précédée
par la sensation caractéristique de la boule hystérique et provoquée
par la peur d'un chien, avait inauguré l'apparition da tremblement.
Il est clair que ce mode d'apparition du tremblement, à la suite d'une
attaque hystérique, quelle qu'en soit d'ailleurs la forme, convulsive
ou apoplectique, constituera un caractère important, pouvant contribuer
à fixer le diagnostic. Il est des cas encore où l'on constatera que le
tremblement est fortement exagéré à la suite de chaque crise
hystérique. Enfin, dans les cas où il s'aténue spontanément par
moments, comme dans ceux où il s'efface complètement pour un instant,
il sera possible quelquefois, et ce serait là un trait vraiment
décisif, de l'exagérer ou de le faire reparaître de nouveau par une
pression exercée sur les points hystérogènes.
Chez certains malades, le tremblement hystérique peut être très fugace,
disparaître, par exemple, au bout de quelques semaines, quelques jours,
quelques heures même. Cela constitue un contraste frappant avec ce qui
se voit dans les maladies à tremblement pouvant être simulées par
l'hystérie. Vous n'ignorez pas que le tremblement de la paralysie
agitante, de la sclérose en plaques, de la maladie de Basedow enfin, ne
présente pas une pareille mobilité, et qu'il se distingue au contraire
dans ces affections-là, surtout la première, par une désespérante
ténacité. Mais il ne faut pas oublier d'un autre côté que le
tremblement hystérique peut, lui aussi, malheureusement trop souvent,
se montrer fort tenace et s'éterniser même chez certains perdant des
mois et des années, et, justement, c'est ce qui arrive chez un malade
qui va vous être présenté.
Je vais actuellement étudier avec vous deux malades que je considère
comme représentant deux des types que je viens de vous signaler tout à
l'heure. Il s'agit de formes généralisées du tremblement hystérique. Je
n'ai en ce moment, sous la main, aucun sujet atteint d'une des formes
localisées. Mais j'espère vous en montrer un jour quelques exemples. Le
type à oscillations lentes du tremblement hystérique, celui qui imite
la paralysie agitante, nous fait également défaut pour le moment.
***
Le premier d'entre eux est un nommé B..., âgé de 36 ans,
chaisier. Je l'ai fait apporter couché sur un brancard. Vous le voyez,
il repose là-dessus, parfaitement tranquille, sans présenter la moindre
trace de tremblement. Je soulève successivement ses membres supérieurs,
puis les membres inférieurs; vous voyez qu'ils sont dans la résolution
complète et ne tremblent pas quand on les déplace.
Pendant que notre homme repose ainsi tranquillement, je vais vous dire
quelques mots de son histoire.
Ses antécédents héréditaires sont fort intéressants à signaler. Sa mère
était épileptique : elle est morte en état de mal. Il a un frère
atteint également de mal comitial. B... est donc un prédisposé au
premier chef.
Dans ses antécédents personnels, nous trouvons encore un fait digne
d'être noté: il a pissé au lit jusqu'à l'âge de 10 ans.
En général très bien portant, il a fait son service militaire en
Afrique, où il a eu la fièvre typhoïde et les fièvres intermittentes.
Il n'a pas eu la syphilis. Jamais il n'a abusé des boissons alcooliques.
Le début de la maladie actuelle remonte à l'année 1887. Un jour du mois
de septembre de cette année-là, B... vit son jeune enfant sur le point
d'être écrasé par une voiture de place. Il se précipita au-devant du
cheval et put l'arrêter à temps. Son enfant n'eut aucun mal, mais B...
éprouva une émotion si violente qu'il se sentit près de défaillir. La
nuit suivante, il dormit fort mal. Dès qu'il était endormi, il revoyait
en rêve la scène de la veille et se réveillait en sursaut. Le
lendemain, il se plaignit d'un violent mal de tête. Cette céphalgie,
qui consistait en des élancements très douloureux dans les tempes,
persista plusieurs heures consécutives et reparut dans la suite tous
les deux ou trois jours.
A la suite de cet accident, sa santé, qui auparavant était excellente,
se modifia. complètement. Ses forces déclinèrent; il perdit l'appétit
et maigrit beaucoup. Il n'avait plus d'entrain pour travailler. Sa
mémoire était fort amoindrie; il oubliait à tout moment ce qu'il venait
de faire et ne se rappelait plus le lendemain ce qu'il avait projeté de
faire la veille. Il continua cependant à travailler. Enfin, au mois
d'octobre, c'est-à-dire un mois après l'accident arrivé à son enfant,
débutèrent les accidents actuels.
Un jour, dans la rue, il se sentit pris de vertige et de bourdonnements
d'oreilles. Presque aussitôt, il tomba sans connaissance et ne revint à
lui qu'une demi-heure après, dans une pharmacie où l'avaient transporté
des passants. Ceux-ci lui dirent qu'il avait eu des convulsions et
qu'on avait eu grand-peine à le maintenir. A ce moment, il essaie de se
lever, mais ne peut se tenir sur ses jambes qui tremblaient violemment.
On le reconduit chez lui en voiture, et, le lendemain, le tremblement
persistant toujours, on l'amène à Lariboisière. De nouvelles attaques
se produisent là, ainsi qu'à l'hôpital Bichât où le malade fut admis
plus tard (1888). Le tremblement avait progressivement envahi les
membres supérieurs.
A la suite d'une de ses attaques, il resta pendant trois mois et demi
incapable d'articuler un seul mot, comme aussi de pousser un cri
(mutisme hystérique).
Il s'est décidé, il y a quelques jours, son état restant toujours le
même, à se présenter à la Salpêtrière où il consulta mon collègue
Joffroy qui a eu l'obligeance de nous l'adresser.
Donc, voici un homme atteint depuis plusieurs années d'un tremblement
généralisé, très aocentué, comme vous le reconnaîtrez tout à l'heure,
et qui se manifeste à l'occasion des mouvements intentionnels ; il a eu
des attaques apoplectiformes et vertigineuses. Or, nous connaissons
tous ces symptômes-là dans l'histoire de la sclérose multiloculaire des
centres nerveux. Est-ce donc de la maladie en question qu'il s'agirait
dans notre cas ? C'est ce qu'il faut examiner maintenant.
Je fais porter notre homme de la civière où il est couché sur une
chaise où le voilà assis bien tranquillement, les mains reposant sur
les genoux. Il n'y a pas eu encore jusqu'ici apparence de tremblement.
Mais je lui ordonne de saisir, à l'aide d'une de ses mains, un verre
rempli d'eau qu'on lui présente sur un plateau; eh bien, vous voyez,
aussitôt que la main s'approche du verre, survenir dans le membre mis
en mouvement un tremblement à grandes oscillations, lesquelles
s'accentuent davantage, progressivement, à mesure que le verre approche
des lèvres, si bien que l'eau du vase est à la fin projetée de tous
côtés. Nous retrouvons donc là, bien tranchés, les caractères assignés
au tremblement classique de la sclérose en plaques. Mais procédons.
Je dis au malade de se dresser sur ses jambes et de se tenir debout.
Immédiatement vous voyez le corps tout entier, tête, tronc et membres,
tout à l'heure immobiles, être saisis de ce même tremblement, dont nous
provoquions il y a un instant l'apparition dans les membres supérieurs,
par la manoeuvre de porter un verre à la bouche. Tout cela s'exagère
encore si on prescrit au malade de marcher. Des secousses généralisées aussi intenses, provoquées par
la mise en jeu des actes nécessaires à la station et à la marche, ne
sont pas chose très vulgaire dans la sclérose en plaques. On peut les y
rencontrer cependant, à peu près au même degré, chez les sujets où les
symptômes habituels de paraplégie spasmodique avec trépidation spinale
(phénomène du pied) ont acquis un grand développement. Est-ce donc à
des phénomènes de ce genre que serait due, chez notre malade, cette
grande trépidation des membres inférieurs qui semble se communiquer au
corps tout entier? S'il en était ainsi ce serait un nouveau trait de
ressemblance à signaler après tant d'autres. Mais il n'en est rien,
Messieurs. Il n'y a, en réalité, chez notre homme ni paraplégie
spasmodique, ni trépidation, ni épilepsie spinale, dans l'acception
consacrée de ces termes. Il s'agit ici tout simplement d'un tremblement
qui par son intensité, simule assez bien le phénomène de la trépidation
épileptoide ; la paraplégie spasmodique n'est pas en cause. Pour vous
en convaincre, il me suffirait de relever l'impossibilité où nous
sommes de faire cesser les oscillations dont les membres inférieurs
sont le siège, par la brusque flexion plantaire un peu prolongée de
l'avant-pied (procédé de Brown-Séquard) ; mais surtout je ferai
ressortir que, contrairement à ce qui ne manquerait pas d'exister, s'il
y avait réellement paraplégie spasmodique, les réflexes rotuliens, loin
d'être exagérés, sont ici normaux (1).
Ainsi, malgré tant d'analogies, les dissemblances commencent à
s'accuser. Elles vont se montrer de plus en plus accentuées à mesure
que, laissant de côté les apparences extérieures, nous pénétrerons plus
avant dans le détail.
En premier lieu, je ferai remarquer que, spontanément, même au repos,
alors qu'aucun mouvement volontaire n'est en cause, il se manifeste par
moments, chez notre malade, un léger tremblement parfois difficile à
apercevoir, mais qui cependant peut être enregistré. Il se compose
d'oscillations rythmées variant de 6 à 12 par secondes. Donc,
contrairement à ce qui a lieu dans la sclérose en plaques, le
tremblement ici peut exister déjà dans ce qu'on appelle le temps de
repos ; il n'est pas par conséquent créé de toutes pièces par l'acte
intentionnel ; celui-ci a pour effet seulement d'exagérer l'étendue des
oscillations, il est vrai, à un très haut degré. Ce dernier trait, qui nous éloigne de la sclérose en
plaques, rapproche au contraire notre cas des faits de tremblement
mercuriel que nous avons décrit, il y a 2 ans, dans les Leçons du Mardi
(1). Et le rapprochement paraîtra d'autant plus légitime que, dans un
cas comme dans l'autre, on note un tremblement de la langue, d'où
résulte un certain embarras de la parole qui, soit dit en passant,
rappelle jusqu'à un certain point la parole scandée de la sclérose
multiloculaire. Mais c'est ici le lieu de rappeler que, ainsi qu'on l'a
dit plus haut, M. Letulle a donné des raisons qui portent à croire que
le tremblement dit hydrargyrique n'est souvent autre chose qu'un
tremblement hystérique.
En second lieu, nous relèverons la coexistence, chez notre sujet, de
stigmates hystériques permanents très accentués. Il y a sur le tronc,
la tête et les membres, une hémianesthésie droite totale, absolue,
portant sur tous les modes de la sensibilité. Les sens spéciaux, goût,
ouïe, odorat, sont obnubilés également à droite. Il nous a été
impossible de déterminer si le malade porte un rétrécissement
concentrique du champ visuel, parce que la simple fixation d'un objet
quelconque, même fort peu prolongée, menace de le faire tomber dans une
de ses attaques : il semble y avoir là, par conséquent, sur la rétine,
une véritable plaque hystérogène. Deux autres zones hystérogènes se
voient, l'une sur le flanc droit, l'antre sur la même région du côté
gauche. A l'occasion, notons l'absence du nystagmus.
Les faits jusqu'ici exposés plaident déjà bien éloquemment pour la
nature hystérique de l'affection, chez notre homme. A la vérité, il
n'est pas rare de voir l'hystérie entrer en combinaison avec la
sclérose en plaques et se traduire chez le sujet ainsi affecté par la
présence des stigmates. On pourrait, d'après cela, supposer que chez
B... il y a coexistence de la sclérose en plaques et de l'hystérie,
celle-ci étant représentée dans l'association par les stigmates et les
attaques, tandis qu'à celle-là appartiendrait le tremblement
intentionnel. Mais voici des arguments qui réduisent à néant cette
hypothèse. Nous avons déjà dit que chez notre sujet le tremblement,
considéré abstractivement, n'est pas, malgré tant de ressemblances,
exactement conforme à celui qui appartient au type classique de la
sclérose multiloculaire.
Mais voici des arguments plus décisifs. Nous avons vu comment chez B...
le tremblement s'est développé au sortir d'une attaque qui depuis s'est
souvent reproduite et qui présente tous les caractères de l'attaque de
grande hystérie. Ajoutons que si pour un temps - nous l'avons plusieurs
fois constaté et je vous le fais reconnaître une fois de plus - le
tremblement vient pour une cause quelconque à s'atténuer, vous pourrez
à volonté le faire reparaître avec son intensité première, par une
pression exercée sur les points hystérogènes, en même temps que
s'esquissent les prodromes de l'attaque convulsive.
Après tout cela, il parait inutile d'insister davantage le fantôme de
la sclérose en plaques s'est évanoui. Nous sommes en présence de
l'hystérie, de l'hystérie seule et sans mélange ; tout lui appartient
chez notre malade, aussi bien le tremblement que les stigmates et les
attaques. Toute idée d'une lésion matérielle appréciable des centres
nerveux doit donc être écartée ; c'est de lésions fonctionnelles,
dynamiques, comme on dit encore, qu'il s'agit ici. Allez-vous en
conclure, Messieurs, que le cas n'est point grave et que nous en
verrons bientôt la fin ? Ce serait une erreur singulière que vous
commettriez là. Aujourd'hui, la ténacité des accidents de l'hystérie
mâle, surtout chez les sujets de la classe ouvrière, est avec raison
devenue proverbiale. Chez notre homme, entre autres, il y a deux ans
que le tremblement s'est installé et il a, depuis lors, quoi qu'on ait
tenté, persisté tel quel sans aucun amendement, sans aucune rémission:
hydrothérapie, électrisation statique, application des agents
esthésiogènes, tentatives d'ailleurs restées vaines d'hypnotisation,
etc., etc.., rien n'y a fait.
Il ne faut pas se décourager cependant, et nous gardons encore l'espoir
de trouver à la fin quelque moyen de soulager notre malade et peut-être
même de le guérir, car, en somme, après tout, cette issue si désirable
n'est pas en dehors des choses possibles.
Ce premier cas, Messieurs, est un bel exemple du type intentionnel du
tremblement hystérique, tel qu'il a été décrit pour la première fois
par M. Rendu. Le second cas, qui va maintenant nous occuper, est
relatif au type vibratoire.
Il s'agit d'un nommé Hacq..., âgé de 34 ans, chauffeur de locomotives
depuis dix ans; auparavant, de 16 à 18 ans, il avait exercé le métier
de typographe.
Dans l'histoire de sa famille, il y a à relever seulement le fait
suivant : il a une fille qui est atteinte de tics convulsifs. Lui-même
n'a jamais été malade; il ne présente pas de signes d'alcoolisme et n'a
jamais eu la syphilis. Examinons le tremblement qui l'agite en permanence: il est
absolument continu, moins accentué, il est vrai, aujourd'hui qu'il y a
quelque temps, mais cependant encore bien manifeste. C'est un
tremblement vibratoire. Les oscillations, que M. Dutil a enregistrées,
sont au nombre de huit, neuf et quelquefois dix par secondes. Il occupe
les quatre membres et rappelle absolument celui de la maladie de
Basedow. Mais il suffit tout de suite de constater que cet homme ne
présente ni tachycardie, ni goitre, ni exophthalmie, ni diminution de
la résistance électrique, pour reconnaître qu'il ne s'agit pas ici de
cette affection.
Le mode de début de ce tremblement va d'autre part nous fournir des
données importantes pour en déterminer la nature. Remarquez, tout
d'abord, que notre homme est chauffeur de locomotives. C'est un métier
fort dur, qu'il exerce, on l'a dit, depuis dix ans. Chaque jour,
pendant seize ou dix-huit heures consécutives, il travaille à
entretenir le feu du fourneau, debout sur la plate-forme de la
locomotive en marche, subissant une trépidation continuelle et les
secousses violentes que déterminent les arrêts brusques produits par
les freins à vapeur. Il y a là, tout d'abord, incontestablement, une
cause de surmenage physique dont l'importance ne vous échappera pas.
De plus, il y a quinze mois, le 17 août 1888, pendant une manoeuvre, la
locomotive qu'il conduisait heurta et brisa le fourgon d'un train de
marchandises. Dans ce fourgon se trouvait un homme qui fut durement
secoué, relevé sans connaissance et transporté à l'hôpital. J'ai eu
l'occasion de vous présenter ce malade autrefois (1); il était devenu,
à la suite de cet accident, un neurasthénique des mieux caractérisés.
Notre homme au contraire ne parut se ressentir, d'abord, en rien de la
collision qu'il avait subie et, pendant près de trois mois, sa santé
resta parfaite. Mais, au commencement du mois de novembre 1888, il
commença à se plaindre d'une grande fatigue dans son travail. Ses nuits
étaient agitées, son sommeil entrecoupé de cauchemars et de soubresauts
violents de tout son corps. Enfin, une céphalée constrictive apparut
qui ne le quittait guère et ne contribuait pas peu à lui rendre son
travail difficile.
Ce sont là des symptômes qu'il faut rapporter à un état neurasthénique
caractérisé.
Ces phénomènes persistèrent seuls pendant quelques mois, jusqu'en
février 1889. Le malade était très inquiet, attribuant son mal à la
trépidation de la machine et songeait, avec tourment, combien il avait
vu de ses camarades pris par les jambess, dans ce dur métier de
chauffeur. Enfin, le 26 février 1889, rentrant chez lui, après avoir
terminé son travail, il fut pris d'une violente crise de nerfs qui dura
toute une après-midi. L'attaque finie, il s'endormit vers le soir et le
lendemain, en s'éveillant, il tremblait de tous ses membres à un tel
point qu'il lui était devenu impossible de se mettre debout sur ses
pieds.
Depuis cette époque, le tremblement a persisté presque sans aucune
modification ; d'autres attaques sont survenues, que nous avons pu
observer et qui sont manifestement hystériques. Toutes sont précédées
d'une aura consistant en sensation de strangulation, angoisse
respiratoire, battements dans les tempes, sifflements clans les
oreilles.
En voilà assez pour nous permettre d'affirmer la nature hystérique de
ce tremblement. Ayant débuté après une première attaque hystérique, il
ne peut être attribué ni à la maladie de Basedow ni à la paralysie
générale progressive, ni à l'alcoolisme, dont les signes sont
complètement absents chez ce malade. Mais ce n'est pas tout et vous
allez voir que nous trouvons encore chez lui les stigmates
caractéristiques de la névrose. En effet, il présente un rétrécissement
concentrique du champ visuel de l'Sil gaucho, léger à la vérité, mais
cependant bien manifeste. De plus, il a de la dyschromatopsie pour le
violet (phénomène assez peu fréquent chez l'hystérique mâle) et enfin
de la polyopie monoculaire. En outre, l'odorat est aboli à droite et le
goût très émoussé du même côté.
Ajoutons qu'il est atteint de troubles très nets de la sensibilité
générale. On constate en effet chez lui 1° une diminution très évidente
de la sensibilité générale pour tous ses modes (contact, douleur,
température) dans toute la moitié droite du corps, soit une
hémianesthésie droite incomplète ; 2° une plaque d'analgésie absolue
correspondant à peu près à l'étendue qui sépare l'épine dorsale de
l'omoplate du côté droit ; 3° deux zones hystérogènes siégeant, l'une
près du bord spinal de l'omoplate du côté gauche, l'autre dans
l'hypocondre droit. La pression en ces points exagère le tremblement;
elle donne lieu à la production de l'aura et peut amener très
facilement l'attaque.
Voilà donc bien établie la nature hystérique de la maladie de cet homme
et de son tremblement. Cependant, il y a déjà de nombreux mois que cela
dure et à en juger par l'état actuel d'émotivité, de dépression dans
lequel il se trouve, il est peu probable qu'il soit encore près de la
guérison. Celle-ci est possible cependant, j'en suis persuadé, mais
combien de temps se fera-t-elle attendre? C'est ce que je ne saurais
préciser.
Quelque temps après la leçon qui précède, M. le professeur Charcot
montrait, dans une de ses conférences cliniques (1), un nouveau malade
atteint de la forme intentionnelle du tremblement hystérique. Je donne
ici l'observation de ce malade, d'après les documents qui m'ont été
obligeamment fournis par M. Dutil.
Le nommé Mas..., âgé de 39 ans, cultivateur, est entré dans le service
de clinique des maladies nerveuses le 16 janvier 1890.
On ne connaît rien touchant ses antécédents héréditaires, car il est
enfant assisté et n'a jamais connu ses parents. Il resta à l'hospice
des Enfants Assistés jusqu'à l'âge de 11 ans.
A cette époque, on l'envoya dans une ferme aux environs d'Auxerre et il
y resta à cultiver la terre jusqu'à 19 ans. Il s'engagea alors comme
soldat pour la durée de la guerre do 1870, prit dès le début une
pleurésie grave qui l'empêcha d'y prendre part, puis, à la fin de la
campagne, reprit du service et resta soldat jusqu'en 1882, de 19 à 32
ans. Il servit moitié en France, moitié en Algérie.
Libéré du service militaire, Il travailla comme " plongeur " (laveur de
vaisselle) dans les restaurants à Paris, pendant quatre mois. Il fut
alors atteint d'un eczéma dans la paume des mains et aux pieds. Le
médecin qu'il consulta lui ayant conseillé de changer de métier, il
quitta Paris et alla travailler la terre aux environs d'Auxerre. C'est
là qu'il fut pris, il y a deux ans, des troubles pour lesquels Il s'est
présenté à la consultation du Bureau central, d'où M. P. Marie a eu
l'amabilité de nous l'envoyer.
Dans la période antérieure de sa vie, Il n'avait eu aucun trouble
nerveux. Il n'est ni syphilitique, ni alcoolique.
C'est à 17 ans, alors qu'il travaillait à la campagne, qu'il eut sa
première attaque de nerfs. Elle se produisit sans aucune cause
provocatrice. Dans la suite, il en eut en moyenne une chaque mois,
jusqu'à son arrivée au service militaire, pendant lequel il n'en eut
qu'une seule. Plus tard, jusqu'à l'apparition de la maladie actuelle,
il n'en eut point du tout. Ses attaques se ressemblent toutes, elles
sont souvent provoquées par une contrariété. Voici comment il les
décrit : Ça le prend dans le ventre, puis ça monte en suivant le creux
de l'estomac jusqu'à la gorge ; la gorge est serrée, le coeur bat très
fort ; c'est comme s'il était étouffé. Il a des bruits dans les
oreilles, ça lui cogne dans les tempes, puis il volt trouble et perd
connaissance. Il se débat très fort, Il hurle. L'attaque dure une
demi-heure environ, puis tout est fini. Dans les Intervalles,
autrefois, il était bien portant.
Dès qu'il commença à être sujet à ces crises, son caractère, qui
auparavant était calme, placide, se modifia. Il devint colère et
violent, s'emportant pour des riens. C'est ainsi qu'étant soldat, il
adressa un jour des injures et des menaces à un supérieur et fut
condamné pour ce fait à cinq ans de prison.
Je raconte un fait auquel on pourrait attribuer un certain rôle dans le
développement de ses premiers accidents nerveux, si l'on était mieux
fixé sur sa date. Il aurait éprouvé une vive frayeur causée par des
mauvais plaisants qui, une nuit, s'emparèrent de lui et l'enveloppèrent
dans un drap. Cette histoire est antérieure à son départ pour le
régiment. Il en fut malade. dit-il, pendant un mois, éprouvant une
sorte de courbature générale et des terreurs nocturnes, qu'il ne
pouvait vaincre qu'en laissant de la lumière toute la nuit dans sa
chambre. Mais ces troubles cessèrent, et plus tard, quand il s'engagea,
il n'en était plus question.
Histoire de la maladie. - Il y a deux ans (février 1887), sans motif,
sans avoir eu d'attaque de nerfs, il se mit à bégayer. Son maître, les
enfants de la maison se moquaient de lui. ce qui l'irritait beaucoup,
et il s'en allait pour ne pas les frapper. Puis survint une sorte
d'affaiblissement général ; il ne pouvait pas travailler et avait envie
de dormir toute la journée ; il avait perdu l'appétit, quoique ne
souffrant d aucun trouble de la digestion. La nuit Il avait des
étouffements, souffrait d'une douleur dans le flanc gauche (siège
actuel d'une zone hystérogène) et d'une vive céphalalgie frontale. Pas
de symptômes neurasthéniques bien nets.
Il était dans cet état depuis une quinzaine de jours, lorsque le
tremblement apparut graduellement, dans les deux jambes d'abord, puis
dans les membres supérieurs. Il entra alors à l'hôpital d'Auxerre où il
séjourna un an. Pendant toute cette année en lui fit tous les deux
jours des frictions mercurielles, avec une interruption de huit jours
chaque semaine, et on lui donna de l'iodure de potassium
continuellement. Il finit par avoir une stomatite intense et perdit
plusieurs dents. Le tremblement persistait et même s'aggravait.
Le 20 mars 1889 il entra à l'hôpital Necker, service de M. Rendu,
envoyé par l'Assistance publique. On lui administra des douches
froides. Pendant son séjour, qui dura un mois, il eut deux attaques de
nerfs pendant la nuit. Il fit ensuite plusieurs séjours dans divers
hôpitaux, Laennec, Lariboisière, Vincennes, continuant toujours à
trembler. Les bulletins de sortie des divers services où il est entré
portent les diagnostics de sclérose en plaques, alcoolisme, myélite
chronique. Le bulletin de Necker (service de M. Rendu) fait défaut (1).
État actuel. - Anesthésie pour le tact, la douleur et la température
dans la moitié gauche de la face, du front et de la partie
antéro-latérale du cuir chevelu. Le pavillon de l'oreille a conservé sa
sensibilité au toucher et à la température, mais est analgésique. Le
conduit auditif est totalement anesthésique.
La conjonctive gauche est anesthésique; la cornée est sensible.
La membrane pituitaire du côté gauche est complètement insensible.
Partout ailleurs la sensibilité est absolument normale.
L'odorat est aboli à gauche, ainsi que le goût. L'ouïe est peut-être un
peu diminuée à droite. Du côté de la vision, on constate un double
rétrécissement du champ visuel, de 50° à droite, de 45° à gauche, avec
de la micromégalopsie pour l'Sil gauche, sans dyschromatopsie.
Pas de paralysie ni de contracture, mais faiblesse générale. Le malade
ne peut marcher beaucoup et est tout de suite fatigué.
Dynamomètre. main gauche: 24 kil. - droite : 34 kil.
Le trouble de la motilité qui domine chez lui est le
tremblement.
Tremblement. Il est généralisé, prédominant aux membres inférieurs et
en particulier au membre inférieur droit.
Il n'existe pas quand le malade est tranquillement couché. Mais, dès
qu'il lève une jambe ou veut saisir un objet, le tremblement apparait
aussitôt dans le membre qui entre en action. Il est donc intentionnel. Quand le malade est assis, les mains et la tête tremblent
peu et mesme quelquefois pas du tout, dans les moments d'accalmie. Mais
les membres inférieurs sont animés d'oscillations tout à fait analogues
à celles que l'on observe souvent chez les paraplégiques spasmodiques
par le fait de la trépidation spinale.
Lorsqu'il est assis, si on lui dit de prendre un verre plein d'eau, on
voit le tremblement s'exagérer énormément dans le membre qui tient le
verre et il ne peut le faire parvenir à ses lèvres sans en avoir
projeté de tous côtés la plus grande partie, absolument comme cela a
lieu dans la sclérose en plaques.
Quand le sujet est debout, les oscillations des membres inférieurs
prennent une intensité tout à fait remarquable. Tout le corps est alors
violemment agité et la tête est animée de secousses dans le sens
antéro-postérieur (le malade "dit oui").
Le rythme de ce tremblement est parfaitement régulier. Le nombre des
oscillations est plus grand que dans la sclérose en plaques.
Il s'accroît notablement sous l'influence des émotions, par la pression
sur une zone hystérogène rachidienne, après les attaques de nerfs.
Le malade a à peu près une attaque tous les mois. elles sont précédées
d'une aura classique, dont nous avons déjà donné la description plus
haut, d'après le malade lui-même. Elles consistent en convulsions
désordonnées, grands mouvements, cris, etc.., et s'accompagnent de
perte de la connaissance. Ce sont des attaques d'hystérie tout à fait
typiques.
Il a, en outre, de petites attaques dans lesquelles l'aura aboutit
seulement à une crise de larmes, sans convulsions ni perte de
connaissance.
Pas de morsure de la langue, pas de miction involontaire pendant
l'attaque.
Ainsi que le faisait remarquer M. Charcot, dans la leçon où il a
présenté cet homme, il s'agit là d'un tremblement hystérique du type
intentionnel qui peut être justement rapproché du premier malade de la
leçon précédente. L'analogie avec la sclérose en plaques était telle
que l'erreur de diagnostic a été faite dans l'un des hôpitaux où a
séjourné le malade antérieurement à son arrivée à la Salpêtrière.
L'autre diagnostic porté dans un autre hôpital, celui d'alcoolisme, se
comprend moins. Le tremblement intentionnel de Mas avec ses larges
oscillations dans les mouvements volontaires, sa cessation complète, le
malade étant couché, n'a aucun rapport avec le tremblement de
l'éthylisme qui est vibratoire, continu et nullement ou faiblement
influencé par les mouvements intentionnels.
De pareilles erreurs ne devront plus être commises aujourd'hui que nous
connaissons mieux les caractères des divers tremblements hystériques,
grâce aux récents travaux sur cette question. C'est un chapitre de plus
à ajouter à l'histoire si intéressante déjà et si chargée de la
simulation hystérique des diverses maladies du système nerveux (1).