
DSM. Psychopathologie sans psychanalyse.
Jean-Jacques Lepitre
La psychiatrie, a-subjective, du DSM et de la CIM propose
de considérer
la souffrance mentale d'une même façon que la souffrance organique.
C'est une ambition revendiquée dans l'avant-propos du DSM IV : « la
volonté de se libérer du dualisme corps esprit... D'affirmer qu'il n'y
a pas de distinction fondamentale à établir entre troubles mentaux et
affections médicales générales ». Cette position justifie et éclaire la
présentation et l'énonciation des critères diagnostiques de la
nosographie du DSM. Comme en médecine organique, il s'agit de relever
la présence ou l'absence de signes objectifs dont l'addition et le
regroupement spécifient des symptômes particuliers. Il n'y a là en soi
rien de remarquable, puisque c'est la démarche qui préside à tout
établissement d'un diagnostic que ce soit de façon intuitive ou
codifiée. On peut malgré tout relever quelques particularités dans cet
établissement à partir des critères diagnostiques
Ceux-ci ne semblent prendre en compte la dimension du sujet qu'en une
place particulière d'y être ni agent, ni patient, mais simple
observateur, témoin, témoin du mal qu'il supporte. Exactement comme en
médecine organique où il peut être demandé au patient ce témoignage : «
où avez-vous mal ? ». Ce qui réduit ce témoignage à n'être qu'un
élément diagnostique parmi d'autres. Il est remarquable d'ailleurs qu'à
ce témoignage du patient lui-même puisse être substitué, la plupart du
temps, le témoignage de son entourage dans le cadre du DSM.
On peut noter, de toute façon, que cette interprétation du témoignage
du patient ou de son entourage parmi les critères diagnostiques est
somme toute assez rare. La plupart des déterminations symptomatiques
s'en passent. Et lorsqu'elles l'intègrent, les critères diagnostiques
qui l'incluent sont toujours minoritaires parmi l'ensemble de tous ceux
qui permettent de déterminer l'existence du symptôme dont il s'agit.
Remarque : je dis ici symptôme, sans doute par mauvaise habitude, le
DSM ne parle pas de symptôme mais de trouble. Trouble schizophrénique,
trouble somatoforme. Le terme symptôme est peut-être trop chargé de
sens ou d’histoire ?
En second, en règle générale l'établissement du diagnostic résulte de
la sommation de la présence ou de l'absence de signes relevés par un
observateur externe, neutre, et idéalement objectif. Ces signes, de
devoir pouvoir être relevés sans l'aide du patient, ou avec le minimum
de témoignages de sa part, dans l'ambition de ce rapprochement avec la
médecine générale, vont devoir tenter de pallier à l'absence de signes
organiques classiques : de l'auscultation à l'analyse sanguine, du
relevé de la tension aux diverses formes de radiographie,... Non qu'une
telle recherche ne soit pas tentée, bien au contraire, il y a l'espoir
semble-t-il que dans un avenir proche ou lointain, elle puisse aboutir
à une possibilité discriminante d'éléments symptomatiques. Mais elle
n'est pas à présent suffisamment efficiente pour que ce soit sur elle
que repose une possibilité diagnostique. Ainsi neuroscience, dans sa
dimension caricaturale, ou imagerie médicale, quelles que soient les
diverses parties du cerveau montrées en interaction dans les activités
les plus variés de l'individu, cela ne va pas beaucoup plus loin que ce
qu'on sait depuis quelques millénaires : l'homme, l'être humain, pense
avec sa tête.
Ce qui reste à pouvoir pallier l'absence de signes organiques, c'est
émanant du patient sans qu'il y soit impliqué une subjectivité, c'est
ce qui de lui apparaît le plus visible, le plus observable, à savoir
son comportement.
C'est donc l'observation de celui-ci qui va permettre de déterminer la
présence ou l'absence des éléments qui vont permettre d'établir
l'existence d'un symptôme.
On pourrait ici objecter qu'il y a peut-être quelque chose d'un peu
forcé à réduire cette observation à celle du comportement seulement.
Ainsi pour les troubles de l'humeur, les critères de l'épisode
dépressif majeur sont : 1) humeur dépressive... signalée par le sujet.
2) diminution marquée de l'intérêt et du plaisir... signalée par le
sujet. Mais dans les deux cas, il est ajouté : « ou observée par les
autres ». Ou bien pour le trouble schizophrénie, les trois premiers
critères sont : 1) délire 2) hallucinations 3) discours désorganisé,
coq à l'âne, incohérence, etc... Tout élément où le sujet semble
impliqué. N'est-on pas sujet à des hallucinations, n'est-on pas sujet
de son discours désorganisé ou non ? Et le délire, le sujet n'y est-il
pas impliqué ? Mais aussi bien, ne peut-on pas envisager ces traits
sous l'angle du comportement ? Ainsi, il existe bien un comportement
discursif considéré comme normal : on ne dit pas n'importe quoi à
n'importe qui dans n'importe quelle circonstance, organisé n'importe
comment. De même qu'il existe un comportement perceptif normal : on ne
voit ni n'entend par exemple n'importe quoi selon la réalité
environnante, nos perceptions doivent pouvoir s'y rapporter. Quant au
délire, même si on peut y supposer le sujet impliqué, l'érotomane se
croit aimé, le persécuté croit à l'hostilité de l'autre, on peut
l'analyser en termes de comportement : manifestations et affects
inadéquats, pensées erronées par rapport à la réalité etc...
Mais, malgré cela, n'est-ce pas une hypothèse forcée que de supposer
que l'essentiel de l'observation diagnostique repose sur le
comportement ?
Pour étayer pareille hypothèse, il faut peut-être se tourner vers
l'observateur, le clinicien, celui qui note la présence ou l'absence
des signes diagnostiques. Lui aussi se trouve peut-être dans une
position a-subjective. Ni agent, ni patient. Mais simple témoin de
l'existence ou de la non-existence du phénomène comportemental faisant
partie de la liste de ceux, dont le seuil atteint d'une certaine somme
possible, déterminent le symptôme. Il n'a pas à être agent, ce qui
supposerait qu'il soit impliqué d'une façon ou d'une autre dans son
observation. Ou dans son discours ou son approche ce qui induirait la
possibilité d'une modification des phénomènes observés et observables.
De même il n'a pas à être patient pour les mêmes motifs. Il ne subsiste
de cette dimension de sujet comme agent que la décision d'être
observateur ou pas.
De cet aspect a-subjectif de l'observateur résulte peut-être à mon sens
deux aspects du DSM.
En premier l'absence quasi complète de signes pathognomoniques. Ce
qu'on nomme ainsi, ce sont des signes uniques qui à eux seuls
permettent de déterminer l'existence d'une maladie. Une exception
toutefois dans le DSM pour la schizophrénie, la présence de délire trop
bizarre ou les hallucinations verbales commentant les pensées et les
actions du sujet. Pourquoi cette absence de signes pathognomoniques ?
Parce qu'il me semble que ceux-ci sont du ressort de l'observateur
comme sujet. Que ce soit au niveau de l'observation qui en serait
orientée pour les faire surgir, ou surtout en ce qu'ils demandent pour
être définis un minimum de théorisation, soit ici au moins
l'organisation d'un savoir, que ce soit celui d'une expérience, ou
d'une théorie savante, afin d'en faire émerger les traits saillants.
L'organisation d'un savoir présuppose un agent de cette organisation.
On peut se référer à l'exemple du néologisme pour les psychoses tel que
le montre Lacan.
En second, l'éclatement de certaines entités nosologiques. Ce qu'on
constate pour les névroses. L'hystérie, la névrose obsessionnelle, la
phobie, etc... Mais qui est peut-être à examiner pour toutes les
structures. Structure apparaît ici comme un gros mot. Car il n'est pas
sûr que même les psychoses qui sont rassemblées dans un chapitre «
schizophrénie et autres troubles psychotiques » ne soient pas
rassemblées pour des raisons bien autres que de structure.
Pourquoi cet éclatement serait dû à l'a-subjectivité de l'observateur ?
Simplement, et cela depuis l'Antiquité, par exemple concernant
l'hystérie, de ce que l'observateur soit sujet agent de son savoir
produisait qu’aux différents symptômes observés simultanément chez un
même individu était élaboré l'hypothèse d'une entité et une origine
commune. Ce qui s'est poursuivi jusqu'à des jours récents, avec Freud
et Lacan entre autres, où la présence de mécanismes de défense, de
configurations oedipiennes ou narcissiques, de positions subjectives et
discursives, étaient supposées être organisées en une structure
rassemblant ces divers éléments de façon originale selon les diverses
entités nosologiques. Pareilles constructions structurales demandent un
sujet, agent de son savoir, non seulement de la part de leurs
inventeurs mais aussi bien de celle des observateurs cliniciens qui
doivent trier, organiser, hiérarchiser la collection des éléments
qu’ils ont pu enregistrer selon les patients afin de pouvoir faire
l'hypothèse d'une appartenance possible à telle ou telle construction
structurale et éventuellement en tirer les conséquences. Bien plus, de
telles constructions supposent aussi une dimension subjective du
patient. Que ce soit au niveau de ses affects, angoisses, humeurs, de
ses désirs ou de ses actes, inhibition, passage à l'acte, et aussi de
son discours. En effet tous ces éléments sont des éléments de la
structure dont font aussi partie les symptômes ou, pour les nommer
comme le DSM, les troubles.
À l'inverse, celui-ci ne demande nul observateur sujet mais juste comme
indiqué un observateur témoin.
Rappelons la construction du DSM. Il s'agit de la liste la plus
exhaustive possible des divers troubles mentaux. Pour chaque trouble,
il y a un certain nombre de critères, de signes d'existence,
accompagnés de signes annexes de confirmations ou d'infirmation.
L'observateur y est dit témoin de ce que son observation se limite à
relever la présence ou l'absence de ces divers signes. Il n'a pas à
s'interroger sur l'existence même du trouble. La détermination de cette
existence est le résultat de la sommation des signes relevés comme
présents. Pour chaque trouble, un nombre, un seuil est établi de signes
à partir duquel ce trouble est considéré comme existant. Nul besoin ici
d'une décision clinique.
On perçoit ici deux choses : premièrement, combien tout ceci peut être
informatisable. Présence ou absence des signes. Addition de ceux-ci.
Établissement additif et soustractif du trouble, seuil de
significativité. etc. On perçoit combien à partir d'un tel schéma peut
facilement se constituer des échelles d'évaluation et des bases de
données. Récemment, il m'a été rapporté que les infirmiers
psychiatriques de tel hôpital spécialisé avaient été dotés de tablettes
numériques où il leur suffisait de cocher la présence ou l'absence des
divers signes des troubles mentaux des patients hospitalisés. D'autre
part on peut noter en ce sens que la plupart des critères se rapportant
à un trouble particulier sont en nombre impair, trois, cinq, sept,
etc., comme dans toute bonne échelle d'évaluation évitant le seuil
indécidable d'un nombre pair. Deuxièmement, ce qui peut se percevoir,
c'est la volonté d'une apparence scientifique. Observation, non polluée
par la dimension subjective, quelle qu'elle soit, de l'observateur. La
stricte observation des faits non polluée par des constructions
hypothétiques quelconques, voir des causalités subjectives. Observation
reposant sur le nombre, sommation et soustraction.
Reprenons l'exemple du chapitre « schizophrénie et autres troubles
psychotiques » où sont rassemblées plusieurs troubles. Ce rassemblement
n'est pas du à une communauté de structure mais à une analogie de
critères : délire ou hallucination. Critères présents aussi bien dans
le trouble schizophrénie que dans le trouble : « trouble délirant »,
autrement dit paranoïa. Pour le trouble schizophrénie il y a cinq
critères, trois doivent être présents pour que l'existence du trouble
soit établie. Celle-ci ayant été établie, un critère supplémentaire
doit être présent pour qu'elle soit confirmée, la durée, au moins de
six mois : dimension additive. En cas d'absence, d’un ou plusieurs
critères, il s'agit de type de schizophrénie dont les critères de
présence ou d'absence sont aussi définis. De même trois critères
doivent être absents, dimension soustractive : trouble majeur de
l'humeur, présence de substances toxiques diverses, maladie organique
ou dégénérative.
Une telle observation, neutre, a subjective, uniquement basée sur la
présence ou l'absence de signes a-t-elle besoin d'être éclairé d'un
savoir, d'un savoir minimum concernant ces signes, leur repérage, leur
distinction dans le flot de ce qui se présente, nous l'avons dit, comme
comportements divers. On peut le supposer, mais jusqu'à quel point ?
Puisqu'il ne s'agit pas de porter un diagnostic, c'est la somme des
critères présents qui le déterminent, mais juste de relever la présence
ou l'absence de ces critères. Ceux-ci sont assez bien explicités dans
le DSM, est-il besoin d'un grand savoir pour les appréhender ? Est-ce
même souhaitable ? Ne serait-il pas envisageable que dans une telle
approche, se voulant à - subjective, la naïveté de l'observateur à
l'endroit de ce qu'il observe soit un plus, d'apparaître garantissant
mieux l'objectivité de l'observation ? On peut imaginer que pour
compenser cette naïveté des observateurs, leur observation d'un même
cas soit recueillie pour chacun informatiquement, on n'en a vu la
facilité, et que la somme des critères relevés divisée par le nombre
des observateurs soit comparée au seuil d'existence du trouble mental
considéré.
Tout ce développement pour arriver à ceci : un clinicien est-il bien
utile en l'occurrence ? Qu'il soit psychiatre, infirmier, psychologue,
ou psychanalyste ? Est-il bien utile là où un simple observateur suffit
? Voire un observateur naïf ?
De cette double dimension a-subjective du trouble mental, aussi bien du
côté du patient que de l'observateur, à quelles conclusions ou à quelle
prospectives peut-on réfléchir ?
Dès à présent nous pouvons en relever quelques effets, me semble-t-il.
De ce que le trouble mental soit considéré à l'instar du trouble
organique comme indépendant de la subjectivité du patient peut induire,
de façon cohérente à cette position :
-1) que l'on puisse énoncer tout simplement à un patient, une patiente
: « Madame, Monsieur, vous avez une schizophrénie paranoïde, un trouble
bipolaire, un épisode dépressif. C'est une maladie chronique, aiguë,...
Pour vous soigner, vous devez prendre le traitement que je vous
prescris pendant tant de mois, pendant tant d'années, pendant votre vie
entière... ». En ce moment, celui de l'énoncé du diagnostic, de
l'énoncé du traitement, le praticien redevient agent, agent de son
énoncé et de sa prescription, et le patient lui-même est supposé
redevenir agent de son action. Il est censé avoir la volonté de suivre
son traitement afin de guérir, quelque soit son trouble mental, puisque
celui-ci est indépendant de sa subjectivité. C'est pourquoi cet énoncé
pourrait être le même pour des maladies organiques chroniques ou
aiguës. Grippe, tuberculose, diabète ou jambe cassé.
-2) Ce qui précède s’éclaire de ce qu'en toute logique c'est le trouble
mental qui est traité et non le sujet. Ce qui explique, au moins en
partie, en plus des raisons économiques avancées la plupart du temps,
la brièveté des hospitalisations psychiatriques actuelles. Le
diagnostic étant établi et le traitement du trouble mental
correspondant étant mis en place, rien ne viendrait justifier une
prolongation de l'hospitalisation.
Pas même l'état subjectif du patient.
-3) que le sujet de la justice, le sujet agent de ses actes, soit
indépendant de son trouble mental, justifie pleinement la condamnation
des malades mentaux aux peines ordinaires pour les actes délictueux
qu'ils ont commis, et la quasi disparition de l’irresponsabilité pénale
dans les tribunaux. Il ne viendrait à personne de considérer comme
irresponsable d'un homicide commis quelqu’un atteint de diabète ou
d'une malformation cardiaque. Ces troubles organiques étant dans la
même indépendance du sujet agent, comme la plupart des affections
organiques, que celle supposée du trouble mental par ce type
d'approche. Une remarque, que le sujet ne soit pas reconnu
irresponsable induit qu'il soit soumis au régime pénal ordinaire
c'est-à-dire avec la possibilité de liberté conditionnelle et de
remises de peine... Ce qui a pu faire dernièrement réagir très
négativement des politiques en cas de dangerosité importante et les
avait amené à demander l'instauration de régimes spéciaux. Or, et c'est
sans doute significatif, c'est oublier que ces régimes spéciaux
existent, où existaient, pour les malades mentaux. Mais cela suppose
que ne soit pas disjointe la responsabilité du sujet agent et le
trouble mental. Sarreguemines, Cadillac, étaient et sont des hôpitaux
psychiatriques spécialisés dans l'accueil des criminels reconnus
irresponsables, pour troubles mentaux, où ils étaient surveillés plus
strictement, plus attentivement qu'en prison, et dont la sortie n'était
pas due à une peine effectuée, mais à l'estimation d'un praticien quant
à une guérison ou à une disparition de toute éventuelle dangerosité.
Autrement dit, pour les plus dangereux, l'internement pouvait être
définitif...
Une remarque teintée d'humour noir, mais résonnant de façon paradoxale
avec ce qui précède... Les praticiens, dans les années 1970 - 1980
avaient pu estimer que la condamnation des malades mentaux selon le
régime pénal ordinaire pourrait alors être profitable de les inscrire
dans l'ordre symbolique... On entend là l’inspiration psychanalytique
qu’il pouvait y avoir.
-4) que l'autisme soit un handicap comme l'annonce la présidente
d'autisme France, mais surtout comme le reprend le président de la
haute autorité de santé, est un élément tout à fait cohérent avec cette
approche qui pose le trouble mental comme indépendant de la
subjectivité. On n'est pas autiste. On a un autisme comme on a un
diabète ou un handicap moteur. Il s'agit donc d'y porter remède, remède
au handicap. Pour le handicap moteur, il s'agit de la rééducation
motrice et, ou, l'appareillage adapté. Pour le handicap autistique, ce
serait la rééducation verbale, comportementale, d'apprentissage, etc.
On comprend dans ce contexte la haine de toute approche peu ou prou
psychanalytique. Celle-ci s'obstine à ne pas dissocier le trouble
mental du sujet, voire même à supposer qu'il y a des relations entre ce
trouble et la constitution du sujet lui-même...
-5) en élargissant ce qui précède, on peut peut-être faire l'hypothèse
que les nombreuses attaques auxquelles a à faire la psychanalyse depuis
quelque temps, mais on pourrait sans doute y associer aussi bien les
approches phénoménologiques, et, ou, la psychiatrie classique à la
façon de l'organo- dynamisme d'Henri Ey, auraient cette même origine. À
savoir ce maintien de la relation entre le trouble mental et la
dimension subjective, entre la souffrance mentale et le sujet, à
affirmer que ce soit comme sujet que l'individu y est impliqué...
Que cette approche a-subjective du DSM, quel sujet s'en dessine par
ailleurs? À partir de quel seuil, une joie, une tristesse, une idée
bizarre, une émotion, une angoisse, vont-elles être élément de ce
trouble mental et ne plus faire partie du sujet, en ce qu'il peut en
rendre compte à partir de ses coordonnés existentielles et historiques
? Ce n'est pas la division du sujet telle que la pose la psychanalyse,
entre un sujet conscient et un sujet inconscient, mais la présence d'un
corps étranger, le trouble mental, à côté même du sujet...
Qu'est-ce qui vient apparaître comme limites à cette approche ? De ces
éléments n'apparaissent en cohérence même avec la démarche qui prévaut :
-1) la question des passages à l'acte. L'acte, c'est le sujet comme
agent. À savoir qu'agissant, se resituant comme sujet il déborde le
cadre de la stricte observation. Homicide, suicide, passant à l'acte,
il vient déborder le cadre de l'état, le cadre de ce qui est,
réintroduisant un temps subjectif, un au-delà du présent, une
précipitation vers le futur, l'aboutissement de l'acte. Il n'est plus
seulement l'objet de l'observation. L'acte ne peut être intégré dans
les critères d'observation qu’au passé, élément comportemental ayant
été. Il ne peut pas l'être au futur, comme possibilité. Puisque le
traitement vise le trouble mental est eu en le sujet que l'acte
suppose. Que ce trouble mental a été diagnostiqué dans le présent et
que c'est à ce présent que le traitement se rapporte. Donc la dimension
de l'acte viendrait peut-être faire objection à cette approche, et
peut-être tout acte. Du passage à l'acte grave à l'acte manqué, de
l'acte de parole à l'acte névrotique.
-2) il est à noter que l'ambition énoncée dans l'avant-propos du DSM :
« qu'il n'y a pas de distinction fondamentale à établir entre les
troubles mentaux et les affections médicales générales » échoue. On ne
traite pas en médecine générale différents symptômes séparément, même
simultanément. C'est au contraire de leur rassemblement en entités
nosologiques plus vastes et cohérentes en quoi consiste la démarche
clinique. Que ce soit au temps de la recherche ou au temps
thérapeutique du diagnostic et du traitement. C'est parce qu'il a
cherché une cause commune aux divers symptômes qu'il observait que
Pasteur a pu découvrir la rage.
.......
J.J.L
Juin 2012