
L'Identification
Le séminaire Livre IX
1961-1962

Jacques Lacan / Epco
Leçons
Atelier "L'identification"
Saison 1 Leçons 1 à 9
21 Novembre 2020
Où on voit Jacques Lacan s'engager dans la quête du signifiant minimum
à partit duquel le sujet pourrait s'identifier comme tel.
Trace, marque, un comptable. S'y montrant structuraliste comme jamais,
poussant la linguistique dans ses conséquences extrêmes, il trouve le
trait de pure différence, issu de la structure différentielle du
signifiant, à partir duquel pourraitt s'ériger un sujet avant même
toute nomination. Sujet de l'inconscient, mais aussi sujet de
l'énonciation. Mais cela suffit-il?
C'est dans ce suspens qu'il nous laisse en attendant la saison 2 qui
aura lieu le 27 Février.
Mais déjà, voici les vidéos, de cette première saison, des leçons 1 à
5, ci-dessous.
Puis précédant la leçon 6,celle des leçons 6 à 9.
Elles sont accompagnées des retranscriptions, ou des textes originaux
des interventions de chacune et chacun s'étant attelé(e) à l'étude de
ce séminaire;
Pour télécharger la
vidéo (clic droit sur Pc)
Leçon 1 Marie-Christine Salomon-Clisson
Voici ma question pour introduire cette première leçon : pourquoi
est-ce qu’à chaque fois que je présente une leçon de Lacan, je
m’interroge sur la façon dont il s’y prend ? Je constate que ma lecture
singulière dépend de l’appui que j’y trouve. J’associe : « Tu t’y
prends comme pour tuer ton père ! » Entendez combien cette parole
réitérée vient figer l’entrée dans la parole et l’accès à une pensée
singulière. Je suis bien dans le vif du sujet de ce séminaire. S’il ne
s’agit pas de comprendre, il s’agit de pouvoir s’appuyer contre un
signifiant pour penser ce que Lacan appellera, dans son séminaire le
Sinthome, « l’appensée ».
Ce 15 novembre 1961, il ne s’y prend pas de la même manière que dans
ses précédents séminaires. Il n’annonce pas son programme, il va poser
des jalons avec les outils de la mathématique et son champ très large
d’expérimentation, notamment, la théorie des ensembles, l’algèbre, la
logique formelle et bien sûr la topologie, qui, à l’instar de la
linguisterie deviendra une topologie spécifiquement lacanienne
l’amenant à nous proposer une nouvelle écriture, le nouage borroméen,
pour penser la théorie psychanalytique. Il reviendra sur ces jalons
dans les leçons suivantes.
Le titre et le sujet de ce séminaire seront identiques. Lacan nous
indique déjà un redoublement nécessaire pour concevoir ce processus de
l’identification. (Ici, nous voyons poindre l’élaboration du nouage
avec le S surmontant par deux fois l’I et le R). Il nous prévient, cela
nous demandera un effort spécifique, qu’il qualifie d’effort de pensée,
parce qu’il ne souhaite pas s’en tenir aux effets sensibles de
l’expérience. Il souhaite nous parler autrement que sous une forme
mythique, comme il l’a fait précédemment (il emploie la négation pour
affirmer ce qui sera autre). Dans le « Transfert », s’appuyant sur le
Protée de Claudel (qui est une farce), il a mis en évidence les effets
narcissiques qui cernent le roc autoérotique symbolisé par le phallus
et a terminé sur une image de l’identification à laquelle il n’a pu
donner le même statut qu’à celle de la beauté dans « l’Ethique »,
conçue comme la limite du tragique avec ce point où la Chose
insaisissable nous ramène à la mort.
(Lacan espère un commentaire sur le transfert qui mettrait en évidence
le sens caché dans un comique à retrouver dans les cryptogrammes qui
s’y trouvent, comme Moustapha Safouan l’a fait sur le transfert.)
Lacan a donné une pulsation à ses séminaires faite de l’alternance de
deux thématiques : Le signifiant et le sujet. Pour ce neuvième, il
souhaite mettre en évidence le rapport du sujet au signifiant, en
dépliant la logique propre du signifiant dans le registre du Symbolique
et la mise en route de sa fonction dans notre praxis où la parole
adressée (le discours) vient initier la pensée.
A quoi pense-t-on d’abord quand on parle d’identification ? A l’autre à
qui l’on s’identifie. Il souhaite insister sur la différence qu’il y a
entre l’autre avec un petit « a » et l’Autre avec un grand A. Mais il
le fera ultérieurement (séminaire 68-69). Il va commencer par mettre
l’accent sur ce qui se pose comme « identique » dans l’identification,
et fondé dans la notion du même. Il va utiliser le raisonnement de la
logique mathématique et partir de cette difficulté sur laquelle butte
notre pensée : A est A. Il ajoute cette réflexion à la Einstein :
pourquoi séparer A de lui-même et ensuite l’y replacer ? Il souhaite
sortir de la pensée logico-positiviste pour poser un problème logique à
ce qui semble dépourvu de sens comme tel. Russel (1872-1970) va donner
une valeur cette équation et écrire A = A. Wittgenstein (1889-1951),
lui, va s’y prendre autrement pour trouver ce qui pourrait servir
d’équivalent à cette reconnaissance de l’identité : A est A.
Mais pour nous, va dire Lacan, il s’agit de nous interroger au niveau
d’une expérience de parole, nous fiant à ses équivoques et à ses
ambiguïtés pour aborder cette notion d’identification. Dans l’ensemble
des langues, nous pouvons observer des virages historiques généraux qui
nous permettent de parler de syntaxes modernes s’opposant à celles de
l’antiquité ainsi que des vacillations portant sur le lexique, propres
au génie de chaque langue, qui sont propices à mettre en évidence
l’histoire d’un sens.
Arrêtons-nous sur le terme identité. Comme dans Identification, nous
trouvons le terme latin idem qui a la même fonction signifiante que
celle que nous trouvons dans notre terme français le même. Ce terme
nous vient du latin populaire metipsimus, le met servant à renforcer
les pronoms personnels, le ipse à renforcer ce pronom personnel par une
double insistance exprimée sous la forme : « moi-même en personne ».
C’est par ce détour sur l’étymologie que Lacan nous suggère de chercher
le sens de toute identité au cœur de ce qui se désigne par une sorte de
redoublement du moi-même. Il nous fait remarquer que c’est précisément
notre langue qui nous permet de saisir cette tendance à référer notre
expérience au moi pour désigner l’identité (il utilise un néologisme,
le mihilisme), ce qui n’est pas le cas en grec, ni en allemand, ni en
anglais. Il s’agit, dans la locution française d’une sorte de
métaphore. Lacan met l’accent sur sa propre langue, le français, qui
l’amène à concevoir les choses d’une certaine façon et nous dit que
cela n’est pas sans rapport avec Descartes qui a pu penser l’être comme
inhérent au sujet avec sa formule « je pense, donc je suis ». Si Lacan
part de cette formule, c’est pour articuler plus finement sa thèse, à
savoir : « rien d’autre ne supporte l’idée traditionnelle philosophique
d’un sujet, sinon l’existence du signifiant et de ses effets ».
Comment concevoir cette dépendance de la formation du sujet par rapport
à l’existence d’effets du signifiant comme tel ? Pour lui, ce qui
s’appelle pensée* se loge à l’intérieur de ce problème. Toute
expérience de l’inconscient est quelque chose qui se place à ce niveau
de pensée, à partir de cette question incarnée : « qui suis-je ? ». Il
souhaite nous entrainer loin sur la piste de cette question légitime,
mais sans en garantir la vérité bien qu’il ne s’agisse que de la
vérité. Il ne dira jamais le vrai sur le vrai mais précise que la vraie
vérité a un sens sur lequel s’est édifié le crédit de la psychanalyse.
Il indique par un mot d’esprit, où nous pourrons la trouver : « la
vraie vérité, c’est le dessous des cartes ».
Il souhaite tirer parti des impasses de la formulation de Descartes en
objectant : « je pense n’est pas une pensée ». Il se décale : la pensée
de Descartes est une pensée de penseur mais n’est nullement requise
pour parler de pensée car une pensée n’exige pas qu’on pense à la
pensée. Cela lui permet d’affirmer sa proposition : la pensée commence
à l’inconscient.
*(pour AH : le mot pensée apparaît d’abord, en 1130 dans la locution «
être en pensée » qui veut dire « être en souci pour »).
Au passage il critique la position des psychologues qui amputent le
discours de Freud ne prenant en compte qu’une de ses formulations « la
pensée est une action à l’état d’ébauche » et éliminant « la pensée est
un mode efficace de satisfaction masturbatoire ».
Qu’avons-nous à interroger dans la formule de Descartes ? Tout d’abord,
le « je pense » qui est insuffisant à repérer la présence d’un « je
suis ». « Je pense » n’est pas plus soutenable logiquement que « je
mens » qui ne se déploie que d’un semblant de sens dans la logique
formelle. Si je dis « je mens », c’est vrai, donc je ne mens pas, mais
je mens bien puisqu’en disant je mens, j’affirme le contraire. Lacan
revient sur la difficulté de ce jugement qui tient en ceci qu’il porte
sur son propre énoncé et qu’il y a donc un collapse. Si nous ne
distinguons pas deux plans, il n’y a pas de véritable proposition.
Il nous faut donc procéder autrement. Lacan va utiliser l’aporie
d’Epiménide, qui est une forme développée du « Je mens ». Il la cite :
« Tous les Crétois sont des menteurs, ainsi parle Epiménide le Crétois
». Cela va lui permettre de démontrer la vanité de la proposition dite
affirmative universelle. Si l’on pose que la substance de cette
affirmative n’est autre que celle d’une universelle négative à savoir :
« il n’y a pas de Crétois qui ne soit capable de mentir », il n’y a
plus de problème. En effet, exprimé de cette façon, Epiménide ne dit
pas qu’il y ait quelqu’un qui puisse mentir en permanence, ce qui
impliquerait une mémoire telle que la vérité finirait par lui échapper.
Quel sens pourrions donner à ce : « tous les Crétois sont des menteurs
» ? La proposition de Lacan est la suivante : d’une part, Epiménide
s’en glorifie et d’autre part, il utilise un procédé pour nous faire
avaler ses bluffs. Il ajoute que toute affirmative universelle a les
mêmes finalités, ce que nous retrouvons dans les exemples classiques.
Avec Aristote qui révèle que Socrate est mortel, Lacan nous invite à
nous intéresser à ce qui pourrait donner prise à une interprétation. En
effet, si c’est en tant qu’animal humain que Socrate est assuré de la
mort, c’est en tant que nommé Socrate qu’il y échappe, pas seulement
parce que sa renommée dure, grâce à l’opération de transfert opérée par
Platon, mais en tant qu’ayant réussi à se constituer à partir de son
identité sociale que le nommé Socrate à Athènes a pu se soutenir dans
le désir de sa propre mort et qu’il en a fait l’acting out de sa vie.
Aristote pensait le transfert comme un obstacle au développement du
savoir. La science est née de cet hyper platonisme où la fonction du
savoir se fait selon le statut du concept. Il nous faudra attendre la
Renaissance pour que le verbe (la parole poétique) montrant sa vraie
vérité, dissipe les ténèbres du sens d’où surgit la science moderne.
Contrairement à ce que nous pourrions penser, le sens ne nous éclaire
pas…
L’intérêt du « je pense » dans la formule de Descartes est de nous
montrer la dimension volontaire du jugement. Il suffit de distinguer
deux niveaux, l’énonciation et l’énoncé pour affirmer que nous sommes
dans l’impasse quand ces deux plans se confondent. Ce dont il s’agit,
c’est que je peux à la fois mentir et dire de la même voix que je mens.
Quand je distingue les voix en disant « il dit que je mens », il n’y a
plus d’objection. Même chose pour le « il ment » ou le « je dis que je
mens ». Mais si je dis : « je sais que je mens », en tant qu’analystes,
cela doit attirer notre attention et nous permettre d’intervenir : «
Mais non, tu ne sais pas que tu dis la vérité ». Et ce qui va plus loin
avec la prise en compte de la dénégation : « Tu ne la dis si bien que
dans la mesure où tu crois mentir et quand tu ne veux pas mentir, c’est
pour mieux te garder de cette vérité ».
Fort de cela, nous pouvons dire que le « je pense que je pense » est un
« je pense » d’opinion ou d’imagination. Dans Descartes, nous trouvons
très souvent cette dimension imaginaire sur laquelle aucune évidence ne
peut être fondée. Car cela veut dire je suis un être pensant et nous
met en difficulté pour penser un statut sans préjugé à notre existence.
Si je dis : « je suis un être », cela veut dire que je suis un être
essentiel à l’être, où le doute n’a plus sa place.
Lacan revient sur ce troisième terme : « je sais que je mens ». Il
relève que ce préjugé concernant le sujet a été le support du
développement de la philosophie, et qu’il est la limite au-delà de
laquelle commence la possibilité de l’inconscient. Il s’agit de
subvertir ce préjugé en affirmant que le seul sujet qui s’est développé
à partir de la proposition de Descartes, n’a jamais été qu’un seul
sujet qu’il épingle sous cette forme : le « sujet supposé savoir ».
C’est de cette « disputatio » avec Descartes que Lacan en arrive à
penser cela.
Avec Hegel, le sujet supposé savoir prendra sa valeur dans la fonction
synchronique de son propos : sa présence toujours là. Et ce qui va nous
permettre de nous dégager du savoir absolu, c’est, d’une part, de ne
pas attribuer ce supposé savoir à qui que ce soit et, d’autre part, de
ne pas supposer de sujet au savoir.
Lacan affirme : le savoir est inter subjectif. Il n’est pas le savoir
de tous, il n’est pas non plus le savoir de l’Autre, l’Autre n’étant
qu’un lieu auquel on transfère le savoir du sujet. La supposition indue
de Hegel est qu’il y ait un Autre qui ait le savoir absolu (Dieu), mais
l’Autre n’est pas un sujet.
Qu’est-ce que l’Autre ? C’est le dépotoir des représentants
représentatifs de cette supposition de savoir, c’est l’Inconscient pour
autant que le sujet s’est perdu lui-même (aphanisis) dans cette
supposition de savoir. C’est à son insu. Ce sont des débris qui lui
reviennent : « c’est bien cela, ce n’est pas cela du tout, c’est tout à
fait ça tout de même ».
Pour la prochaine leçon, Lacan souhaite reprendre la fonction du sujet
dans Descartes avec les résonnances trouvées dans l’analyse. Il s’agira
de repérer ce qui a trait à la phénoménologie du névrosé obsessionnel
dans une scansion* signifiante où le sujet se trouve impliqué. La suite
dans quelques instants par la voix d’Elisabeth de Franceschi.
* Une scansion n’est pas une coupure mais la mise en évidence d’un
signifiant par la prononciation, par la voix de l’interlocuteur dans la
cure.
Leçon 2 Elisabeth de Franceschi
- 1° Lacan avait annoncé, à la fin de la leçon I, un développement
sur la fonction du sujet dans Descartes ;
- 2° difficulté de cette leçon : comme le dit Lacan à la fin, elle est
le « moment le plus difficile de la difficulté par laquelle j’ai à vous
faire passer » ;
- 3° difficulté quand il s’agit de distinguer des parties ou
articulations dans cette leçon : le tressage de la pensée est très
serré ; et ceci est vrai pour l’ensemble du séminaire.
- 4° importance des références linguistiques dans cette leçon ;
- 5° Lacan y jette les bases d’une réflexion qui sera développée au
cours des leçons suivantes, avec pour point culminant, me semble-t-il,
les développements consacrés au nom, voir la leçon VI par exemple.
Lacan commence par un rappel de la leçon I, concernant la réflexion
philosophique de Descartes.
L’ « identification » : au sens analytique, c’est une « identification
de signifiant » : voilà un principe de base, qui avait été en quelque
sorte dit à moitié au cours de la leçon I, et que Lacan va s’attacher à
éclairer dans les leçons suivantes : pendant la leçon I, avait été
soulignée la « dépendance de la formation du sujet par rapport à
l’existence d’effets de signifiant comme tel » (éd. ALI 2020, p. 12).
Arrivent alors les références aux linguistes : référence à Ferdinand de
Saussure (1857-1913 ; son Cours de linguistique générale, publié par
ses élèves en 1916, met l’accent sur la distinction entre le signifiant
et le signifié ; pour Saussure, le signifiant = Lautbild, « image
acoustique » ou symbole graphique ; le signifié = Vorstellung,
représentation mentale du « concept » ; le rapport entre les deux est
arbitraire et immotivé selon Saussure ; rappelons aussi que sur le
schéma de Saussure, le signifié est au-dessus de la barre, et que
signifié et signifiant sont les deux faces complémentaires du signe
linguistique), à Roman Jakobson (« école de Prague », note Lacan, en
soulignant que pour lui, Lacan, il y a primauté du signifiant sur le
signifié d’où une inscription différente sur les schémas : chez Lacan,
le « signifiant » est au-dessus de la barre) et à Louis Hjelmslev («
école de Copenhague », signale Lacan : c’est le cercle linguistique de
Copenhague, au sein duquel Louis Hjelmslev, 1899-1965, linguiste
danois, un des pionniers du structuralisme, a prolongé les recherches
de F. de Saussure en fondant la glossématique (laquelle prolonge le
concept saussurien de signe linguistique). Ouvrages de Hjelmslev :
Principes de grammaire générale (1928), puis Prolégomènes à une théorie
du langage (1943, traduction française parue aux éditions de Minuit,
2000) .
Donc : « primauté » donnée par Lacan « à la fonction du signifiant dans
toute réalisation du sujet ». fermeté dans l’énonciation de ce
principe par Lacan : il y a là un point de repérage auquel il se
tiendra désormais
En ce qui concerne l’identité fondée sur le signifiant (ce qu’il nomme
« identité de signifiant »), Lacan rappelle l’exemple saussurien de «
l’express de 10 h 15 » cf. Saussure, Cours de linguistique générale,
chap. III, « Identités, réalités, valeurs », p. 151 : « Le mécanisme
linguistique roule tout entier sur des identités et des différences …
Ainsi nous parlons d’identité à propos de deux express “Genève-Paris 8
h. 45 du soir” qui partent à vingt-quatre heures d’intervalle. À nos
yeux, c’est le même express, et pourtant probablement locomotive,
wagons, personnel, tout est différent ». Seul le signifiant reste
identique à travers la multiplicité des trains. De fait, pour Lacan,
l’identification symbolique (identification de signifiant) se
différencie ou se distingue de l’identification imaginaire,
c’est-à-dire de « l’effet d’image » ; cf. « l’effet organique de
l’image du semblable » sur l’évolution de l’individu dans sa forme, par
exemple dans le cas du criquet pèlerin ; la définition de l’image comme
« tout arrangement physique qui a pour résultat, entre deux systèmes,
de constituer une concordance biunivoque » , peut s’appliquer à la
formation dans la nature de toute image, même virtuelle, par
l’intermédiaire d’une surface plane (ex. de la surface du lac qui
reflète la montagne, dans le séminaire sur Le moi, leçon du 08-12-1954)
.
Comment s’effectue la liaison entre les deux systèmes que forment
symbolique et réel (l’un étant « l’image » de l’autre) ? Cette liaison
se fait-elle par l’idée de « l’information », par une « correspondance
biunivoque » ? Selon Lacan, il y a hétérogénéité entre la dimension
symbolique et celle du réel ; en particulier, Lacan signale
l’originalité qu’apporte le « trait de sérialité » (dans le registre de
l’information signifiante) ou « trait de discrétion » (= de coupure),
qui distingue chaque élément des autres.
La distinction entre diachronie et synchronie (simultanéité virtuelle,
dans quelque sujet supposé du code), est insuffisante pour constituer
l’identité : en effet, la synchronie pose comme possible un sujet
supposé savoir, tandis que la diachronie, qu’elle soit de fait ou de
droit, renvoie au symbolique (lois du signifiant ou structure).
Pour appréhender le lien de tout cela avec la question de
l’identification, il faut partir de la difficulté qui nous est proposée
du fait même de notre expérience, c’est-à-dire qu’il est impossible de
poser un quelconque savoir absolu dans le sujet. Lacan souligne qu’il
faut donc se passer constamment du « sujet supposé savoir » (cf. le
début du séminaire 1958-59 sur Le désir et son interprétation, tel que
résumé par J.B Pontalis dans le Bulletin de psychologie, 1960, vol.
XIII, n°s 5 et 6), voir à ce sujet le commentaire du rêve rapporté par
Freud dans la Traumdeutung, « Il ne savait pas qu’il était mort ».
Contrairement à ce que pense Politzer , c’est dans le « il » que nous
pouvons désigner le sujet de l’énonciation (mais celui-ci figure dans
la phrase en troisième personne, et comme non-sachant ; en première
personne, nous pouvons seulement dire, à la suite d’Andrew Marvell
(1621-1678) (non avec John Donne (1572-1631), comme le dit Lacan par
erreur), dans le poème « To his Coy Mistress » (“à sa timide
maîtresse”) :
« But at my back I always hear
Time’s winged chariot hurrying near »),
à l’instant ultime, « Je ne savais pas que je vivais d’être mortel »,
c’est-à-dire qu’à notre propre vie « nous aurons toujours été en
quelque mesure étranger ». Cf. « l’être pour la mort » (für den Tod
sein, en réalité Sein zum Tode chez Heigegger, “être vers la mort”,
dans Être et Temps) : fondement existentiel, par lequel nous sommes
inermes = sans aiguillon ni épines en botanique, sans crochets en
zoologie devant les questions dernières : c’est-à-dire face à ce qui
se présente au sujet, au premier abord, comme relevant du discours de
l’Autre selon Safouan, Lacaniana – Les séminaires de Jacques Lacan,
vol. I (1953-1963), p. 188. la thématique du sujet non-sachant
annonce d’une certaine façon les développements sur la négation, tels
qu’ils trouveront leur plus grand rayonnement par exemple au cours de
la leçon VIII ; cette thématique s’inscrit en faux contre le préjugé ou
l’illusion consistant à supposer qu’il y a un sujet du savoir, ou un
savoir du sujet.
Retour à Descartes : Descartes opère une remise en question totale ;
impossible du « je pense, donc je suis » (cf. leçon I) : il n’y a rien
sur quoi se fonder dans cette formule, aucune consistance à en attendre
plus grande que celle du rêve.
Reprise des termes principaux de la phrase de Descartes, l’être et le
je (ceci, en relation avec la question du sujet) :
- L’être : dire « j’êtrepense », comme on dit « j’outrecuide », « je
compense, je décompense », « je surcompense » ? ou « je penseêtre »
(leurre, apparence), du verbe « penseêtrer », à l’instar de «
s’empêtrer » ?
- Le « je » reste problématique, introduit par contrebande dans le « je
pense, donc je suis », estime Lacan.
Le doute cartésien se subsume dans la fonction du Dieu trompeur (ou du
malin génie : « doute hyperbolique ») : car le Dieu trompeur est encore
un Dieu qui existe (donc qui « berce d’illusions »).
Donc vacillation du je ; il y a deux façons de l’articuler :
- l’articulation de Descartes est classique : cf. la Psychologie de
Brentano , à rapporter à Thomas d’Aquin , selon qui « l’être ne saurait
se saisir comme pensée que (…) dans une succession de temps alternants
», sans jamais avoir de certitude à ce sujet.
- l’autre articulation, d’ailleurs proche de la démarche cartésienne,
consisterait à prendre connaissance du caractère « évanouissant » du je
: « je pense et je ne suis » Safouan fait observer dans Lacaniana, p.
189, que « le ne porte ici, non pas sur le suis, mais sur le je », «
je dé-pense à penser tout ce que je peux avoir d’être ». Autrement dit,
c’est en cessant de penser qu’on peut entrevoir qu’on est.
ceci annonce des leçons ultérieures dans ce séminaire même, et aussi
par exemple le séminaire XIV, La logique du fantasme, leçons des 11 et
18 janvier 1967 : « ou je ne pense pas, ou je ne suis pas » ; le cogito
et les problèmes qu’il pose reviennent régulièrement dans les
élaborations de Lacan depuis 1954 (séminaire II, leçon du 17 nov.
1954), jusqu’au séminaire XXIII, leçon du 13 janvier 1976, sur les
rapports entre le cogito et le corps : « je (le) panse donc je l’essuie
» ; dans le jeu de mots apparaîtra la distance prise alors par Lacan.
Au total :
- Mise en question du je ; à la question : « qui est-ce qui l’a fait ?
», la réponse est : « I (en anglais), Ich (en allemand), ego (en latin)
», mais en français, ce ne peut être « je » ; on dira « c’est moi », ou
« pas moi » ; je est autre chose, selon Lacan.
- Autre type de problème : les diverses formes de la négation : dire «
j’sais pas » et dire « je ne sais » (lequel est un « je sais sans
savoir », dit Lacan : « le ne du je ne sais porte non pas sur le sais,
ms sur le je »). Cf. Pichon , analyse concernant la négation, le
forclusif et le discordantiel , rappel du séminaire VII, Le désir et
son interprétation, 1958-59 (leçons des 10-12 et 17-12). Dans le
présent séminaire, Lacan reviendra sur cette thématique au cours de la
leçon VIII du 17-01-1962 : rapport de la négation avec le jugement,
avec l’intérieur et l’extérieur, avec la question de la vérité et avec
celle de l’identification ; pour l’heure, Lacan signale que ce genre
de réflexions est une voie d’approche linguistique des problèmes se
rapportant au sujet comme tel dans ses rapports au signifiant (voir
leçon I).
Conclusion (p. 29-32 dans édition ALI 2020) :
- le savoir absolu qui nous mettrait au repos et ferait cesser le souci
(cf. Heidegger, Sein und Zeit) est un « mirage » N.B. : embercailler =
f. rentrer au bercail. Descartes représente une des variations
possibles sur cette question, une « amusette » de « science-fiction » ;
cependant sa démarche initiale a une valeur particulière, reconnaît
Lacan.
- D’un point de vue psychologique, on peut reconnaître les
caractéristiques générales d’une psychasthénie (cf. le passage des
porte-manteaux humains dans la seconde Méditation).
Au total, pour Lacan, la thématique cartésienne du doute est
injustifiable logiquement, toutefois elle n’est pas pour autant
irrationnelle :
- Le doute cartésien n’est pas le doute sceptique (lequel porte sur le
réel, comme il apparaît dans la Phénoménologie de l’Esprit, et est le
temps du « savoir pas encore », qui de ce fait est un « savoir déjà »).
- Ce doute cartésien met en question le sujet lui-même comme acte
inaugural, et en particulier le sujet supposé savoir (ce, même si
Descartes ne le sait pas) : démarche « insensée » qui se présente comme
un passage à l’acte sujet évanouissant.
Le premier temps de la méditation cartésienne se situe au niveau de ce
qu’a de nécessairement insuffisant et primordial à la fois toute
tentative ayant le rapport le plus radical et originel au désir : en
effet, la démarche qui lui succède immédiatement concerne le Dieu
trompeur ; elle est appel au verissimum opposé à l’entissimum : Dieu
est « le plus être des êtres » (Saint Anselme ), le garant que la
vérité existe, vérité qui pourrait être autre – et pourrait même être
l’erreur –, si ce Dieu-là le voulait, le décidait : ce qui signifie que
nous nous trouvons dans la batterie du signifiant, et que nous sommes
confrontés au trait unaire « que nous connaissons déjà » ceci est un
rappel des leçons des 7 et 28 juin 1961 dans le séminaire VIII sur Le
Transfert ; dans ce séminaire IX sur L’identification, nous retrouvons
ce thème dans de nombreuses leçons : leçons des 22 et 29 novembre, 6,
13 et 20 décembre 1961, et, pour l’année 1962, leçons du 10 janvier,
des 21 et 28 février, des 7, 14 et 28 mars, des 9 et 16 mai, des 13 et
20 juin ; dès sa première occurrence dans le séminaire III, le 13 juin
1956, où il était mis en rapport avec le point de capiton, le trait
unaire a été lié par Lacan à l’identification. Or ce trait unaire
pourrait être substitué à chacun des éléments qui constituent la chaîne
signifiante.
En effet, le trait unaire est toujours le même, trait un car trait
unique (l’expression utilisée par Freud pour le désigner, einziger Zug,
met l’accent sur l’unicité), tout à fait dépersonnalisé (dépourvu de
tout contenu subjectif et de toute variation) ; pourquoi pourrait-il
être substitué à tous les éléments de ce qui constitue la chaîne
signifiante ? C’est dans la mesure où il est « ce qu’a de commun tout
signifiant » ; tout signifiant est constitué comme trait, a ce trait
pour support ; dans cette mesure-là aussi, le trait unaire, comme le
signifiant, peut fonctionner comme garant : il y a un point tout à fait
concret d’identification inaugurale du sujet au signifiant radical du
trait unique (non pas du Un plotinien, qui est unifiant ou réunifiant),
qui nous engage d’ailleurs sur la voie de l’idéalisation : en effet,
l’idéal du moi se déploie à partir du trait unique, à cause de la
question de la possibilité de substitution.
en filigrane : développements sur la fonction du nom, peut-être aussi
sur la fonction de la signature cette dernière ne joue-t-elle pas un
rôle de garant sur le plan juridique ? voir les problèmes relatifs à
l’authentification de signature par exemple
le trait unaire est donc à la fois identité et différence ; ce
développement sur le trait unaire annonce les leçons ultérieures, en
particulier la leçon III : en effet, c’est à partir du trait unaire que
« toute la perspective du sujet comme ne sachant pas peut se déployer
d’une façon rigoureuse », constate Lacan ; en ce sens, cette fin de la
leçon II peut être considérée comme une introduction à la leçon III.
Glossématique, du grec glôssa signifiant langue : théorie
de
linguistique structurale élaborée par Louis Hjelmslev à partir de la
pensée de Ferdinand de Saussure (fondateur du structuralisme).
« La langue est une forme organisée entre deux substances, dont l'une
lui sert de contenu et l'autre d'expression. Les éléments de cette
forme, ou glossèmes, sont donc, d'une part, les éléments servant à
former le contenu (...) et, de l'autre, les éléments servant à former
l'expression (...). Chacun des glossèmes et chacune de leurs catégories
est défini par sa fonction, c’est-à-dire par ses rapports
syntagmatiques possibles.... L. HJELMSLEV, Essais linguistiques, Essai
d'une théorie des morphèmes, Copenhague, 1959 [1938], p. 152.
Glossématique : doctrine formant la conclusion abstraite du
structuralisme de Saussure : forme de « linguistique à la fois
empirique et déductive, et qui par cette méthode s'oppose à la
grammaire et à la phonologie. La méthode glossématique ne vaut pas que
pour la linguistique. Elle est utilisable et nécessaire pour n'importe
quelle sémiologie, et c'est sur cette base élargie qu'il faut l'établir
(L. HJELMSLEV, Essais linuistiques., La Structure morphologique, 1959
[1939], p. 133).
Ici Lacan ne cite pas (c’est trop tôt) Émile Benveniste (1902-1976),
linguiste né à Alep, naturalisé français en 1924, qui s’est illustré
dans la grammaire comparée des langues indo-européennes (sa discipline
d’origine : l’iranien) et dans la linguistique générale ; Benveniste a
enseigné à l’EPHE (de 1927 à 1969), et au Collège de France (chaire de
grammaire comparée de 1937 à 1969) ; exclu du Collège de France par
Vichy, il se réfugie en Suisse en 1941 (il y reste jusqu’en 1945). En
1969, il subit une attaque cérébrale, et devient aphasique.
Citation de Benveniste : « Il est de la nature des faits linguistiques,
puisqu’ils sont des signes, de se réaliser en oppositions et de ne
signifier que par là » (conclusion de son article sur « actif et moyen
dans le verbe », article repris dans Problèmes de linguistique
générale, I, Gall., 1966, p. 168-175 (II Gall., 1974).
Selon Calvert Watkins (dans « Émile Benveniste aujourd’hui », p. 7),
Noms d'agent et noms d'action en indo-européen (Adrien Maisonneuve,
1948), serait « le plus beau livre de grammaire comparée qu’on ait
écrit au XXe siècl…. le chef-d’œuvre, la cime du structuralisme
classique européen ». Calbert Watkins (1933-2013) : linguiste et
philologue américain, How to kill a Dragon : aspects of Indo-European
Poetics (sur la tradition poétique indo-européenne), fut professeur de
linguistique à Harvard.
Les Problèmes de Linguistique générale de Benveniste (1966 et 1974,
soit après le séminaire IX) introduisent en France la linguistique de
l’énonciation (faut-il voir là une influence de Lacan ???).
Lacan ne cite pas non plus (c’est trop tôt aussi) le linguiste
américain Noam Chomski (né en 1928), fondateur de la linguistique
générative (il commence à développer sa théorie de la grammaire
générative et transformationnelle dans les années 1950 en cherchant à
dépasser aussi bien l’approche structuraliste, distributionnaliste que
comportementaliste dans l’étude du langage naturel). À partir du milieu
des années 1960, il déploie une intense activité militante (par exemple
Chomski est un opposant à la guerre du Vietnam), à tendance
anarcho-syndicaliste ; il est professeur au MIT.
Structures syntaxiques (ouvrage publié en 1957) introduisait la
grammaire générative. Cette théorie considère que les expressions
(séquences de mots) ont une syntaxe qui peut être caractérisée
(globalement) par une grammaire formelle ; en particulier, une
grammaire hors-contexte étendue par des règles de transformation. Les
enfants sont supposés avoir une connaissance innée de la grammaire
élémentaire commune à tous les langages humains (ce qui présume que
tout langage existant en est une sorte de restriction) cf. Anna
attendant vainement l’ascenseur et constatant : « elle vient pas,
l’ascenseur ». Cette connaissance innée est appelée « grammaire
universelle ». Il est soutenu que la modélisation de la connaissance de
la langue par une grammaire formelle explique la « productivité » de la
langue : avec un jeu réduit de règles de grammaire et un ensemble fini
de termes, les humains peuvent produire un nombre infini de phrases. Il
existe et il existera donc toujours des phrases qui n’ont jamais été
dites.
En revanche, Lacan cite Ferdinand de Saussure (1857-1913), linguiste
suisse reconnu comme le précurseur du structuralisme en linguistique ;
Saussure a aussi a réalisé des travaux sur les langues
indo-européennes. Son Cours de linguistique générale (1916) a été
publié après sa mort par ses élèves : concepts fondamentaux
(distinction entre langage (faculté générale de pouvoir s’exprimer au
moyen de signes), langue (ensemble de signes utilisés par une
communauté pour communiquer ; la langue est un système) et parole
(utilisation concrète des signes linguistiques dans un contexte
précis), distinction entre synchronie et diachronie ; caractère
arbitraire du signe linguistique ; signifiant (= image acoustique d’un
mot)/signifié (= représentation mentale d’une ch.)) ; linguistique et
sémiologie.
Lacan cite aussi Louis Hjelmslev (1899-1965), linguiste danois, maître
indiscuté du Cercle linguistique de Copenhague, un des pionniers du
structuralisme, fondateur de la glossématique, théorie linguistique de
tournure structuraliste qui porte à leurs ultimes conséquences les
postulats du Cours de linguistique générale de Saussure.
Ouvrages de Hjelmslev :
- Principes de gramaire générale (1928)
- Prolégomènes à une théorie du langage (1943)
La glossématique prolonge le concept saussurien de signe linguistique.
Lacan cite également Roman Jakobson (1896-1982) ; né à Moscou, il part
pour Prague en 1920, fonde (avec d’autres) l’école de Prague de théorie
linguistique, quitte la Tchécoslovaquie en 1939, se réfugie d’abord en
Scandinavie puis aux USA. Travaux de phonologie ; idées : 1° le langage
a six fonctions (a) fonction référentielle ou représentative = fonction
sémiotique ou symbolique (l’énoncé donne l’état des choses) ; b)
fonction expressive (attitude propre du sujet à l’égard de ce dont il
parle) ; c) fonction conative (l’énoncé vise à agir sur
l’interlocuteur) ; d) fonction phatique (liens entre locuteur et
interlocuteur) ; e) fonction métalinguistique ou métacommunicative (qui
fait référence au code linguistique lui-même) ; f) fonction poétique
(cf. le pouvoir créateur) ; 2° axe syntagmatique, axe paradigmatique
(donc influence sur l’étude des aphasies, et sur celle des figures de
rhétorique, dans la mesure où débouchent sur la polarité
métaphore-métonymie). Six éléments : a) le contexte (fonction
dénotative ou référentielle) ; b) l’émetteur (fonction expressive,
fonction conative) ; c) le récepteur (fonction expressive, fonction
conative) ; d) le canal (fonction phatique, fonction poétique) ; e) le
message (fonction phatique, fonction poétique) ; f) le code (fonction
métalinguistique).
Langage enfantin et aphasie (traduction française, Minuit, 1969).
Correspondance biunivoque (bijection) = correspondance « un à un »
entre éléments de 2 ensembles.
Georges Politzer (1903, né à Nagyvárad (Empire austro-hongrois) – auj.
Oradea, en Roumanie (région de Transylvanie) – et mort pur la France,
fusillé le 23 mai 1942 au Mont-Valérien) : philosophe, résistant et
théoricien marxiste français d'origine juive hongroise. S’exile à
Vienne en 1920, suite à l’écrasement de la République des Conseils de
Hongrie dirigée par Béla Kun. Participe aux séminaires de la société
psychanalytique de Vienne avec Freud et Ferenczi. S’installe à Paris en
1921, en cinq ans obtient tous ses titres académiques (agrégation de
philosophie en 1926). Critique des fondements de la psychologie (1928,
rééd. aux PUF en 1967 puis 2003 ; cf. rapport de J. Laplanche au
colloque de Bonneval sur « L’inconscient » en 1960, dans Jean Laplanche
et Serge Leclaire, « L'inconscient, une étude psychanalytique », texte
repris dans Jean Laplanche, Problématiques IV, L'inconscient et le ça,
P.U.F., 1981, p. 261-321. Premier paragraphe de la section I (écrit par
Jean Laplanche), a) Sens et lettre. Examen de la critique de Georges
Politzer). En 1929, adhère au P.C. Polémique avec Angelo Hesnard : pour
Politzer, la psychanalyse ménage la chèvre et le chou, elle est
opportuniste et scolastique : la Revue Française de Psychanalyse est un
verre grossissant des défauts du freudisme, « Les recherches positives
y sont presque inexistantes, il y a par contre beaucoup de théories,
dans l’élaboration desquelles les psychanalystes apportent la même
indulgence que vis-à-vis de leurs adversaires. » Politzer a été un des
critiques les plus redoutés du capitalisme de son époque et l’auteur
d’une tentative audacieuse de refondation de la psychologie en tant que
science, pour la sortir de son ère « mythologique et préscientifique ».
Il cherche à poser les bases d’une véritable psychologie matérialiste,
s’appuyant sur l’œuvre de Marx et Engels. Il appellera cette nouvelle
discipline la psychologie concrète. En faisant des événements de la vie
humaine l’objet d’étude de la psychologie, il souhaite dépasser l’âge
préscientifique de celle-ci, idéaliste et abstraite, sans pour autant
la réduire à un simple organicisme. Par ailleurs, Politzer récusera
l’hypothèse de l’inconscient sans pour autant affirmer l’exclusivité de
la conscience.
La référence est la suivante : Georges Politzer, Critique des
fondements de la psychologie, PUF, 1967, p. 151 sq
Franz Clemens Brentano (1838-1917), philosophe et psychologue
catholique allemand, puis autrichien (à ne pas confondre avec Clemens
Wenzeslaus Brentano, 1778-1842, poète et écrivain allemand, son oncle,
auteur de la ballade de la Loreley, 1801), surtout connu pour sa remise
au premier plan du concept médiéval d'intentionnalité, qu'il tire
notamment de l'interprétation d'Aristote par Thomas d'Aquin et les
philosophes médiévaux. Il tente à partir de ce concept de fonder la
psychologie comme science positive et empirique, s'interroge sur
l'immortalité de l'âme et développe une métaphysique de type réaliste.
Différend avec l’Église catholique sur la doctrine de l’infaillibilité
papale. A été le professeur d’Edmund Husserl et de Sigmund Freud.
Psychologie du point de vue empirique (Psychologie vom empirischen
Standpunkt, 1874-1911), cf. traduction française Aubier, 1944, puis
Vrin, 2008.
Cf. Thomas D’Aquin : Somme théologique, I, Q. 85, 86, 87.
Thomas d'Aquin (1225-1274), religieux dominicain, célèbre pour son
œuvre théologique et philosophique.
Considéré comme l'un des principaux maîtres de la philosophie
scolastique et de la théologie catholique, canonisé en 1323, proclamé
docteur de l'Église en 1567, patron des universités, écoles et
académies catholiques, des libraires. Est aussi qualifié du titre de «
Docteur angélique » (Doctor angelicus). Essai de synthèse de la raison
et de la foi : il tente de concilier la pensée chrétienne et la
philosophie d’Aristote, redécouvert par les scolastiques à la suite des
traductions latines du XIIe s. Il distingue les vérités accessibles à
la seule raison, de celles de la foi, définies comme une adhésion
inconditionnelle à la Parole de Dieu. Il qualifie la philosophie de «
servante de la théologie » (philosophia ancilla theologiæ) : les deux
disciplines collaborent de manière « subalternée » (= subordonnée à la
recherche de la connaissance de la vérité, chemin vers la béatitude).
É. Pichon, J. Damourette :
Ouvrage commun :
Des mots à la pensée. Essai de grammaire de la langue frçaise, éditions
d’Artrey, 1911-1940 ; rééd. Vrin (2000). Dans le vol. I (1911-1927), s.
d. 1930, ils abordent la négation dans les généralités (y
reproduisent presque littéralement l’article sur la négation
préalablement publié ; le vol. VI (1911-1940), s. d. 1943 contient
une étude très étoffée de la négation.
Articles communs :
- « La Grammaire en tant que mode d’exploration de l’inconscient »,
dans L’Évolution psychiatrique, n° 1, 1925, p. 237-257.
- « Sur la signification psychologique de la négation en français »,
dans le Journal de Psychologie normale et pathologique, vol. XXV, 1928,
p. 228-254.
Édouard Jean Baptiste Pichon (1890 -1940), médecin, linguiste et
psychanalyste français, cofondateur de la SPP (1926), atteint d’un
rhumatisme articulaire aigu (dont le traitement occasionnait des
épisodes délirants) ; neveu de Jacques Damourette, grammairien, avec
lequel il signera Des mots à la pensée, une grammaire en 7 volumes qui
tente de décrire de façon exhaustive l'état de la langue française
entre 1911 et 1940. Le titre de l'ouvrage s'inscrit contre le courant
dominant des grammairiens de l'époque, qui partent de l'idée pour
arriver au langage : Damourette et Pichon partent de la langue pour
montrer comment émerge la pensée ; Élisabeth Roudinesco fait remarquer
que cette position est contradictoire avec les positions que Pichon
tiendra à l'égard de la psychanalyse.
Ouvrages :
Le développement psychique de l'enfant, Masson et Cie, Paris, 1953.
Le bégaiement : sa nature et son traitement, avec Suzanne
Borel-Maisonny, Paris, Masson, 1936.
Articles :
« Mort, angoisse, négation », L’Évoluiotn psychiatrique, janvier-mars
1947, p. 19-46 : bel article posthume, dédié à « Mademoiselle Françoise
Marette » (= Françoise Dolto).
C'est à Pichon que Lacan empruntera le terme de forclusion qui définit
le mécanisme psychique caractéristique de la structure psychotique
(mécanisme nommé « scotomisation » par Laforgue). Hommage rendu par
Lacan à Pichon : "Cent psychanalystes médiocres ne feront pas faire un
pas à sa connaissance [de la psychanalyse], tandis qu'un médecin,
d'être l'auteur d'une œuvre géniale dans la grammaire (et qu'on n'aille
pas imaginer ici quelque sympathique production de l'humanisme
médical), a maintenu, sa vie durant, le style de la communication à
l'intérieur d'un groupe d'analystes contre les vents de sa discordance
et la marée de ses servitudes" (Écrits, p. 360-361).
Analysé par Eugénie Sokolnicka ; prend parti pour Anna Freud contre
Mélanie Klein. Maurrassien.
Jacques Damourette (1873-1943) reçut une formation d’architecte mais,
incapable d'exercer son métier, il se consacra avec son neveu Édouard
Pichon à la rédaction d'une grammaire du français, à orientation
psychologique, qui est un monument.
Ouvrages :
Sur la signification psycholog. de la négation en français (Félix
Alcan, 1928, 254 p.)
Traité moderne de ponctuation, Larousse, 1939.
Un projet de réforme orthographique, avec Albert Dauzat, Bibliothèque
du Français Moderne, 1940, 31 p.
Art.
La Grammaire en tant que mode d’exploration de l’inconscient, avec
Édouard Pichon, danss L’Évolution psychiatique., n° 1, 1925, p. 237-257.
Unité historique de la langue française, dans les Mélanges offerts à
Monsieur Pierre Janet, Paris, chez d’Artrey, 1939, p. 55-73.
Voir article de S. Lecoq « Le discordantiel et le forclusif », dans le
Bull. freud. (association freudienne de Belgique) n° 11, 1989 (l’ai
téléchargé). Voir aussi l’article de Daniel Feltin « (Dé)négation et
sujet de l’énonciation », dans la Revue lacanienne 2012/2 (n° 13), p.
61-72 (je l’ai téléchargé). Voir enfin l’article de Michel Arrivé
intitulé « Ce que Lacan retient de Damourette et Pichon : l’exemple de
la négation », paru dans la revue Langages, année 1996, n° 124, p.
113-124 (je l’ai téléchargé).
Cf. ouvrage de Jacques Damourette, Sur la signification psychologique
de la négation en français (Félix Alcan, 1928), et article de même
titre (par Damourette et Pichon, 1928, dans le Journal de psychologie
morale et pathologique, vol. XXV, 1928, p. 228-254), article quasiment
contemporain de l’article de Freud sur « La Négation » ; cet article
est reproduit en annexe du séminaire de Melman sur La linguisterie),
dans le Bloc-notes de la psychanalyse, n° 5 : « "Le mécanisme de
l'élocution est loin de ne comporter que des pensées conscientes, le
choix d'un mode grammatical, d'une tournure, d'un mot même nous est
inspiré par le sens que nous avons de notre langue beaucoup plus tôt
qu'il n'est effectué par un acte pleinement conscient et volontaire de
notre intellect. Si donc nous cherchons les éléments psychiques
représentés dans la structure du langage, nous jetterons de ce fait
même un jour sur le subconscient du sujet parlant". Damourette et
Pichon partent de l'idée que la négation est à la base de toute logique
et servait déjà dans l'Antiquité à classer les propositions. Ils
constatent par ailleurs qu'en français elle se présente en deux
morceaux : NE... PAS (et ses variantes "rien", "plus jamais",
"personne", etc.) En ce sens, disent-ils, "il n'y a pas à proprement
parler de négation en français". Ainsi, dans notre langue, ns n'avons
pas l'équivalent de l'allemand "ich komme nicht" ("je ne viens pas") où
tout le poids de la négation tombe en fin de phrase et vient écraser,
annuler l'affirmation posée et qui jusqu'alors maintenait l'auditeur en
position de créance. Pichon remarque que "la notion exprimée par ce
deuxième terme est plus voisine de la négation brute que le NE". Donc,
conclut-il, "le deuxième terme sert à nier la réalité en bloc".
Autrement dit, c'est vraiment lui qui vient barrer, annuler ce qui se
donnait presque jusqu'alors comme vérité. "Il a donc une signification
exclusive". Le NE, quant à lui, et surtout en dehors de son emploi avec
PAS, se rencontre dans toute une série de cas où son emploi n'est ni
tout à fait affirmatif, ni tout à fait négatif. Il introduit une
dissonance, une discordance, notamment dans certaines propositions
subordonnées. Ainsi, par exemple : "Je crains qu'il ne vienne" : ce
"ne" dit "explétif" introduit un flottement de sens, une ambiguïté que
nos maîtres d'école nous ont appris à lever : "je crains qu'il vienne"
et je me dis (inconsciemment !) "pourvu qu'il ne vienne pas".
L'explication a sans doute l'avantage, sur les bancs de l'école, de
laisser entrevoir un bout de l'existence de l'Inconscient mais sur un
divan d'analyse, il s'avérera que mon désir serait "qu'il vienne"...!
Revenons à Pichon avec cet autre exemple : "Il y a un arbre qui empêche
qu'on ne voie chez vous". Il y a, dit-il, "discordance entre le
phénomène qui devrait se produire et la force qui l'empêche".
Pichon fait encore remarquer qu'en proposition subordonnée, la négation
se vérifie souvent avec des verbes exprimant la subjectivité et
s'accompagne alors du subjonctif. Ainsi les verbes exprimant la
crainte, le doute, l'empêchement, la précaution, la tentative, etc.
Ainsi : "Tâchons d'avoir fini avant qu'il n'arrive". "On s'attend d'un
moment à l'autre à ce que Mr le Marquis ne passe" (On s'attend à ce
qu'il passe, mais le souhaite-t-on ?) (Rappelons ici qu'en latin,
l'emploi du "ne", dépourvu de signification négative, était obligatoire
en subordonnée après certains verbes, notamment ceux exprimant la
crainte : "Timeo ne hostis veniat": "Je crains que l'ennemi ne vienne".
Nos grammairiens ajoutent encore que "le discordantiel apparaît comme
un mécanisme très fin qu'emploie l'esprit pour se défendre contre la
grossièreté et l'insuffisance de la conception brute de la négation".
Leur conclusion est alors celle-ci : le français possède deux outils de
négation: - l'un, forclusif, nie sans ambiguïté, exclut la possibilité
de... - l'autre, discordantiel, exprime traduisons cela en termes
analytiques la division du sujet ; il est comme la trace du sujet de
l'énonciation dans l'énoncé.
Lacan, dans son séminaire sur l'identification du 17.01.62, reprendra
pour en souligner l'intérêt mais aussi les difficultés qu'elle pose
la distinction opérée par Damourette et Pichon entre la fonction
d'exclusion du réel exprimée par le "PAS" dans un énoncé et la
discordance plus ou moins perceptible introduite par le "NE" entre
sujet de l'énonciation et sujet de l'énoncé (division du sujet). Il en
retient que le je n'est pas seul à désigner ce sujet de l'énonciation.
Le ne peut faire cet office, notamment allié à certains verbes qui
expriment davantage la position subjective.
La réciprocité du « pas » et du « ne » est évidente si nous inversons
l’ordre des négations : « pas un homme qui ne mente » (avec emploi du
subjonctif) « il n’y a pas un chat ici ». Par conséquent la seule
négation, c’est le ne qui la supporte, même s’il est élidé.
Saint Anselme de Cantorbéry (Anselmus Cantuariensis) (1033 ou
1034-1109), dit aussi Anselme d’Aoste et Anselme du Bec (moine
bénédictin à l’abbaye Notre-Dame du Bec en Normandie), canonisé en
1494, proclamé docteur de l'Église (appelé « docteur magnifique ») en
1720. À l'origine de ce que Kant nommera argument ontologique, saint
Anselme est un des écrivains majeurs de l'Occident médiéval. Il est
regardé par d'aucuns, essentiellement à travers son Monologion (traité
de dialectique appliqué à la théologie, le Monologion de Divinitatis,
démonstration d'élégance dans le maniement de la technique du
raisonnement, 1076) ,et son Proslogion (« Supplément » au Monologion,
le Proslogion seu Alloquium de Dei existentia, dans lequel il utilise
les arguments non plus de l'exégèse, c'est-à-dire de l'autorité des
textes et de la Révélation, mais de la logique pour traiter la question
de l'existence de Dieu. En effet, l'influence scientifique d'Aristote
sur Anselme ne fait aucun doute : il emprunte en particulier au
philosophe grec le concept de nécessité qui devient une notion
fondamentale de sa théologie rationnelle), comme le fondateur de la
théologie scolastique2. Suivant le principe directeur de la Fides
quaerens intellectum, il inaugure au sein de l'Église une recherche de
conciliation entre foi en Dieu et raison humaine qu'exacerbera, à la
génération suivante, Abélard, et qui se résoudra dans le thomisme.
En tant que théologien, il élabore le dogme de la circumincession
(existence des personnes de la Trinité les unes dans les autres,
compénétration mutuelle fondée sur une unité d'essence. Cf. la
périchorèse, du grec περιχώρησις perikhōrēsis, « rotation », qui décrit
la relation entre chaque personne du Dieu trinitaire. Ce terme désigne
ce qui unit les Trois Personnes de la Trinité c’est-à-dire l’union
consubstantielle dans un mouvement incessant d’amour par lequel le Père
engendre le Fils dans l’Esprit ; une action trinitaire de grâce est
implicite dans l'art sacré de Sainte Anne trinitaire : le Père
créateur, le Fils rédempteur, la procession réflexive du Saint-Esprit,
avec le Christ-enfant divin pointant vers sa mère et sa grand-mère
humaine), adopté en 1442 au concile de Florence, à partir duquel il
jette les bases de la théorie de la satisfaction que précisera Thomas
d'Aquin et que Calvin interprétera dans un sens propitiatoire pour
fonder sa théologie de la grâce.
En tant qu'archevêque de Canterbury, il impose la réforme grégorienne,
transfère les investitures à Rome et donne à l'Église d'Angleterre la
direction que suivra Thomas Beckett.
Leçon 3 Jean-Jacques Lepitre
Le signifiant qu’il faut que soit le sujet pour que le sujet soit
signifiant c’est le Un comme trait unique, à savoir le un comptable et
non le un de l’universel, le un totalisant. Le trait unaire est comme
notation minimale. Le un serait l’instrument de l’identification. Mais
ce n’est pas si simple car l’être pensant, ce qui pense, cf Descartes,
reste au rang du réel de son opacité. Cela pense, c’est quoi ? Comment,
comme être, le déduire de l’être, en général, soit donc d’un autre être
que lui, cf Descartes, la question de la cause, de l’inclusion dans
l’antécédent ou le supérieur. Il ne reste qu’une palpitation, un
frémissement de l’être sur fond de mort, le monstre Chapalu, Le mythe
de Daphnée, la bombe atomique. Mais d’où se garantirait sa vérité ? A
cet être… De quel au-delà ? Au-delà de l’être ? Or c’est bien aussi de
cela qu’il s’agit dans la démarche analytique : la recherche de la
vérité, du vrai du vrai du sujet. Descartes a cet intérêt, même s’il
situe le garant de la vérité dans l’au-delà divin, en un second temps,
de poser la question non de trouver le vrai dans le réel, mais celle du
sujet décryptant la vérité du réel. Et le trait unaire, le trait
unique, se rappeler la démarche de Descartes de réduction à ce point
unique, seule certitude restante de ce qu’il faut qu’il y ait ce point
pensant, doutant, minimum pour que pensée ou doute soient. Cette
démarche concentre la fonction du signifiant comme garantie de
l’avènement de la vérité. Ce reste, ce signifiant, cela, dépouillé de
tout ce qui serait douteux. Il s’agit de cerner ce qu’est ce « un ».
Préalablement, il évoque qu’il est le maître heureux d’une chienne
boxer, ceci en vue d’approfondir la question de la parole, du langage
et du signifiant et répondre aux reproches qui lui sont faits de
négliger la dimension préverbale. Sa chienne lui parle, affirme-t-il,
ce qui est bien de l’ordre du préverbal. Elle s’adresse à lui par de
multiples petits bruits, gémissements, aboiements divers, avec des
frémissements de bajoues identiques à ceux de sa concierge, et des
regards semblables à ceux de telle femme du monde. Parler, ici, c’est
manifester par des signes de façon adressée à un autre, il précise
petit a. Alors qu’est-ce qui distingue cette parole d’une parole
humaine ? Même si certains sons émis, couinements, grognements, etc,
pourraient faire partie des sons répertoriés par l’abbé Rousselot,
créateur de la phonologie expérimentale, dont les travaux sont au
départ de l’orthophonie avec Borel Maisonny, sa chienne est incapable
de certains phonèmes, par exemple les occlusives, consonnes dont la
prononciation se produit de l’occlusion de la colonne d’air, p,b, t, d,
k, g, et qui ne seraient pas selon lui chantables, (nb : erreur de sa
part, il semble qu’elles le soient : cf les thérapies pour chanteurs et
chanteuses ayant des difficultés passagères des occlusives surtout dans
les aigus).. Du langage des animaux et de ses modulations, et de ses
manques, il associe au pidgin, à la créolisation, c’est-à-dire au
mélange des sonorités de langues multiples. Et continue en notant que
de façon quasi universelle le phonème « pa » s’attache à la référence
paternelle et le phonème « ma » à la référence maternelle. Une autre
différence entre la parole de sa chienne et la parole humaine est
qu’elle ne le prend jamais pour un autre. Elle est incapable du moindre
transfert. Il n’y aurait pas chez elle ce glissement de l’autre à
l’Autre, grand A, lieu des signifiants, comme dans la parole humaine.
Pour poursuive sur l’Un, même s’il dit manquer de temps, il raconte une
légende, une histoire où un serviteur, dont le maître vient de mourir,
voyant une petite souris parcourir, dans une grange, les divers outils
agraires dont se servaient quotidiennement son maître, l’identifie à
celui-ci venant visiter, toucher ses outils une dernière fois. Pour que
ce genre de légende puisse être audible, voire pensable, il ne suffit
pas comme le fait Levy-Brulh, anthropologue célèbre, de faire appel à
une « participation mystique » ou à une « mentalité prélogique ». Cela
n’explique rien. Il s’agit de cette possibilité d’identification, entre
la souris et le maître, en tant que vérité, notion qui n’existe que
dans et par le langage. La souris est le maître : vérité. C’est la même
chose que A = A. Cela a bien constitué tout un âge de la pensée, de
l’antiquité jusqu’à Kant… Mais avec l’avènement de la linguistique et
de l’usage étendu des signifiants, lettres et symboles, en
mathématiques s’en ouvre un autre. A est-il A ? Les formulations de de
Saussure précisent le signifiant comme défini de sa seule différence
avec les autres, tous les autres qu’il n’est pas. L’un, autour duquel
il promet de faire tourner sa démonstration concernant
l’identification, l’un, à partir de cette définition du signifiant, est
l’Autre. Le différent. Et c’est dans l’Autre que le A du A est A.
L’Autre comme lieu des signifiants contient A et lui donne son statut
de constance. Mais l’énoncé de A n’est pas la même chose. C’est à
partir de là que peut s’explorer l’identification qui n’a rien à voir
avec l’unification.
Leçon 4 Katia Mesmin
Lacan suit son idée de reprendre la question de l’identification en
passant par la notion du Un tout en annonçant que l’identification, ce
n’est pas faire Un. Ce n’est pas faire identité. Ce n’est pas éliminer
les différences. Au contraire, le Un va se positionner du côté du trait
non pas du tout. Le signifiant va venir tenir le fil conducteur et
dessiner les contours des opérations essentielles pour l’identification
du sujet : identifier, différencier, se différencier ; compter, se
compter pour enfin se décompter
Il sera question de passer de l’identité du Un à l’identification au «
un ».
Pour nous amener à cette question du Un, il utilise la formule A=A,
formule basique qui, au premier abord, ne semble pas poser de
questions. En tout point du premier A correspondrait en tout point le
2ème A. Il y aurait une identité totale, le deuxième A étant en tout
point identifié au 1er. Il n’y aurait pas de différence. C’est ce que
cette formule aurait l’air de vouloir dire.
Or, Lacan va nous démontrer que cette formule du A est A ne veut rien
dire en tant que tel. Il va nous démonter par l’abord de Freud et de De
Saussure que dans le même temps de cette formule, une autre coexiste :
A≠A.
1er temps de son élaboration : 2 exemples permettent d’approcher cette
première prise en main du 1er temps de l’identification, celle qui
consiste au repérage de traits en l’objet qui fonde l’objet.
L’expérience articulée autour du Fort-Da et l’histoire de la souris et
du serviteur.
Le fort-da : dans ce jeu d’aller et retour de cette balle, dans cette
expérience de prise et de rejet, de présence et d’absence d’un même
objet, il interroge la fonction de la disparition sur le statut de
l’objet en tant que constitutive de l’objet. Quand il réapparaît,
est-ce vraiment le même ? Oui et non. Une fois, il est l’objet parti,
une fois, il est l’objet là. Il est, en même temps, le même dans une
appréhension anticipée de la forme ; en même temps il s’en différencie
dans le discours ( fort≠da). Le même objet parti et revenu n’est pas
nommé de la même manière.
Le serviteur et la souris : C’est le même objet, c’est le même être
qui apparaît dans les deux apparitions (le fantôme et la souris). C’est
lui, c’est encore lui : formule simplifiée de l’identification
c’est-à-dire de l’attribution de traits d’un élément à un autre élément
qui viserait l’être dans sa globalité.
Lacan se pose deux questions :
1) quel rapport il y a entre ce «est» qui unit ces deux disparitions de
la balle et son absence intermédiaire ( qu’on retrouve aussi dans c’est
lui, c’est encore lui). Finalement, quelle fonction tient ce « est »
dans le A est A ?
2) dans le mécanisme de l’identification, s’agit-il de cette formule
simple de l’identification (attribution de traits identiques à un autre
qui viserait l’être)? L’identification se situe-t-elle uniquement au
niveau de l’imaginaire ?
Au-delà de l’identification imaginaire du stade du miroir, quelle
serait le fondement de notre être ?
Dans l’expérience du fort-da et dans l’histoire du serviteur, il est
question d’identifier l’autre. Cette identification se fait sur un mode
imaginaire. Qu’en serait-il de notre propre identification ? Passer du
verbe identifier à s’identifier.
Se rapportant à sa chienne et à sa différence fondamentale d’avec
l’humain, Lacan introduit le rapport au signifiant dans la mise en
œuvre de l’identification.
« Que notre expérience nous montre que les différents modes, les
différents angles sous lesquels nous sommes amenés à nous identifier
comme sujets, au moins pour une part d’entre eux supposent le
signifiant pour l’articuler, même sous la forme le plus souvent
ambigüe, impropre mal maniable que A=A ».
2ème temps de son élaboration : C’est en essayant d’articuler le statut
du signifiant comme tel à la question identificatoire que Lacan va
avancer dans ce champ et ainsi sortir du champ de l’imaginaire en
introduisant le registre symbolique au travers de l’équivocité du
signifiant.
D’emblée, il distingue le signifiant du signe. C’est dans cette
différence fondamentale qu’il va nous amener à repérer la place du
sujet. Pour Lacan, le sujet est un effet de signifiant qu’il distingue
en deux possibilités : effet métonymique, effet métaphorique. C’est
dans les effets de métaphore et de métonymie que le sujet se dévoile,
s’énonce voire se dénonce.
Le sujet devient donc dépendant du signifiant. Pour nous faire sentir
ce que recouvrirait cette phrase : le sujet est un effet du signifiant.
Il reprend cet exemple de la trace d’un pas et le pas de trace et
comment le sujet peut surgir entre les deux extrémités signifiantes de
ce pas (le pas comme substantif et le pas marquant la négation).
Il va nous montrer dans son cheminement de quoi est constituée cette
chaîne signifiante. C’est Saussure et sa linguistique qui va lui en
donner les bases.
Lacan reboucle sur cette fausse affirmation du A=A qui relève d’une
époque de pensée qu’il nomme l’ère théologique (croyance en la
consistance d’une identité en tout point). C’est en apportant une
certaine idée de l’identique qui transcenderait cette affirmation du
A=A qu’un pas va pourvoir être franchi en direction de ce que serait
l’identification.
Pour Lacan, c’est un fait objectif qui explique que A ne peut pas être
A. Ce fait objectif, il le récupère de De Saussure : aucun signifiant
ne peut être identique à lui-même. Il prend l’exemple de la formulation
la guerre est la guerre. Il précise que ce n’est pas une tautologie,
que justement nous ne sommes pas dans ce A=A.
Quand on dit la guerre est la guerre, on dit bien autre chose que cela.
Il relève que beaucoup de formulation de cette sorte ne sont pas des
tautologies pour la simple raison qu’un signifiant ne peut se définir
qu’en n’étant pas ce que sont les autres. Il n’est pas non plus
identique à lui-même. Pour Lacan, ce qui soutient l’identité c’est
cela. C’est marqué par une différence fondamentale, une équivocité du
signifiant.
3ème temps de son articulation : La lettre comme essence du signifiant
par où il se différencie du signe et l’introduction de la notion
d’einziger zug comme support de la lettre.
Suivons sa démonstration en reprenant son expérience de la calligraphie
chinoise
Lacan a reproduit en deux exemplaires une phrase : l’ombre de mon
chapeau danse et tremble sur les fleurs du Haï-tang. Au milieu et à
droite, vous avez la même phrase écrite. Nous avons une phrase
parfaitement identique et profondément différente. Différente au niveau
de l’écriture, au niveau du trait, de l’inscription.
Il va se servir de cette expérience pour nous indiquer que la fonction
du trait unaire n’est pas de réduire au maximum les différences comme
on pourrait le constater dans ces deux exemples d’écriture d’un même
texte (finalement, on est toujours sur le registre de l’imaginaire)
mais de fonctionner comme une pure différence.
4ème temps de son articulation : c’est au travers du trait comme unité
de comptage que Lacan conduit son cheminement.
Nous sommes donc partis de ce qui fait identité et donc différence pour
différencier et se différencier (registre imaginaire). Il va maintenant
être question de compter et donc de se compter et se décompter,
opérations essentielles dans l’identification du sujet.
Compter, voici la fonction du trait du bâton. Le bâton fait repère,
distingue l’avant de l’après dans l’exemple du chasseur de Lacan.
Ex de la côte du mammifère marqué du comptage des bêtes tuées.
C’est par le biais de la coche sur le bâton que le sujet va découper le
réel et ainsi le discerner. Le bâton, le trait va permettre de faire du
« un » comptable dans le Un totalité. (ex des coches sur le lit du
Marquis de Sade concernant ses différentes expériences sexuelles).
Cocher, c’est une première inscription permettant l’accrochage du
signifiant. C’est donc par le signifiant que le sujet va découper le
réel et sortir de l’immanence dont parle Lacan.
En cochant, le compteur se met à compter en tant que tel, différent de
l’autre et peut ainsi se décompter. Chaque trait est lu comme un « un »
et n’occupe pas la même place dans la sériation. Les mots dans la
chaîne signifiante seront « lus » comme des uns et leur place dans la
chaîne signifiante donneront la direction du sujet, son orientation.
Lacan accentue ce point en démontrant que ce qui différencie Lacan et
Laplanche, c’est justement qu’on peut les nommer ainsi. C’est en
nommant Lacan et Laplanche c’est-à-dire leur état civil, ce qui est
inscrit à la naissance sur un registre et qui les inscrit dans leur
filiation, qu’ils sont fondamentalement différenciés et prennent leur
identité. Ce n’est pas l’état de toutes leurs différences physiques ou
autres qui les spécifie. Il reprendra par la suite la question de
l’oralisation de l’écriture.
Lacan s’interroge sur la spécificité du trait unaire (p.58). Ce qui le
distingue, c’est que le signifiant n’est pas un signe. Il ne représente
pas qq chose pour quelqu’un. (le signe qui représente quelque chose
pour quelqu’un= la lumière rouge dans le système de pavlov ou ma paire
de basket orange pour mon chien).
Ce qui va permettre à l’enfant de sortir d’une subjectivité
rudimentaire c’est-à-dire du simple registre de la communication (le
registre du signe) pour entrer dans le langage, c’est justement
l’entrée en scène du signifiant par la mise en jeu du trait unaire.
Dans le signe, il n’y a pas d’objet. L’introduction du signifiant,
c’est l’introduction de l’objet en tant qu’il est perdu. Ainsi l’enfant
entrant dans le langage, se comptant et se décomptant, passe sous la
barre, s’efface au profit des signifiants qui le constituent.
C’est ce que Lacan va nous aborder, dans les prochaines leçons, dans
son néologisme concernant les différentes effaçons du signifiant de
rendre compte de la posture du sujet face au discours du grand Autre.
C’est dans l’automatisme de répétition, les plaintes itératives, les
redondances symptomatologiques que le signifiant insiste et signale le
sujet.
Je terminerai par cette petite anecdote clinique de cette petite fille
qui entre en séance et me dit avec une grande jubilation que la
dernière fois elle m’a bien ratatinée au 1/2/3 soleil (je pensais à la
girafe chiffonnée de Hans) tout en indiquant qu’elle a caché à sa mère
qu’elle ne voulait pas dessiner en apportant sa trousse de crayon dans
le bureau.
Mes questions en suspens :
Articulation trait unaire, refoulement originaire, signifiant.
Trait unaire, sujet de l’énoncé, sujet de l’énonciation
Temps logique du trait unaire (stade du miroir, avant stade du miroir)
Leçon 5 Rima Traboulsi
Plan de la leçon
I) Retour sur les notions d’unité et de l’un
II)
Reprise du terme trait unaire chez Freud pour nous en montrer
l’efficace dans l’abord de l’identification mais aussi dans son
ouverture sur le registre symbolique
III) Référence, apparition,
historique et dérives de la notion de symbolique, critique de son usage
uniquement dans le sens de symbole (donc comme signe) et critique des
théories de la forme qui ne renverraient exclusivement qu’à la
dimension imaginaire
IV) Abord du registre Symbolique, au sens
Lacanien et introduction de certaines notions qu’il développera plus
tard dans ce séminaire à savoir : les lois du signifiant, la question
du sujet de l’inconscient et de son savoir, l’articulation trait unaire
et sujet, les effets de coupure du signifiant dans le réel de la
structure, la répétition signifiante etc…
I) Retour sur les notions d’unité et de l’un
Lacan ouvre cette leçon par une citation d’Euclide, dans le livre VII
des « Eléments », dont la traduction serait :
« L’unité est ce selon quoi chacune des choses existante est dite une »,
« Un nombre est un assemblage composé d’unités ».
Parce que cette phrase exprimerait le mieux, sur le plan mathématique,
cette fonction de l’ «un » tel qu’il nous intéresse.
Si
selon Lacan, beaucoup de mathématiciens se sont occupés du statut de
l’unité et si certains ont abouti dans des directions opposées à ce qui
conviendrait, Euclide, lui, nous parle d’autant plus qu’il était
géomètre se situant dans les mathématiques de manière telle que
l’intuition conservait pour lui sa valeur originelle. Ce qui ne l’a pas
empêché d’être le 1er à introduire l’exigence de la démonstration
appliquée à l’expérience, à la familiarité de l’espace. (On entend là,
un point qui intéresse Lacan, qui lui-même utilise des notions
mathématiques pour appuyer et développer ses propres trouvailles ;
c’est d’ailleurs ce qui va se trouver confirmé dans les leçons
suivantes du séminaire et plus loin dans le séminaire avec la topologie
des surfaces.)
Lacan souligne que :
- dans la 1ère partie de la
citation, le terme « monas » utilisé par Euclide renvoie au trait
unaire comme support de la différence (cf les leçons précédentes), au «
un » qui désigne la fonction de l’unité, ce facteur de cohérence qui
fait que, quelque chose se distingue de ce qui l’entoure, fait « un »
au sens unitaire de la fonction.
- la suite de cette citation
énonce que le nombre n’est rien d’autre que cette sorte de multiplicité
qui surgit précisément de l’introduction des unités.
II) La notion de trait unaire
Lacan prend comme point de
départ, pour déployer son propos sur l’identification, la fonction de
trait unaire, dévoilée dans l’ « einziger zug » dans la 2ème
identification chez Freud.
Dans « Psychologie collective et analyse du Moi », dans Essais de
Psychanalyse, Freud décrira 3 identifications :
- la 1ère au père par incorporation
- la 2ème au trait unaire :
- la 3ème au symptôme
Rappel
: La 2ème serait liée à la perte de l’objet aimé, perte qui produit une
sorte d’état régressif qui fait surgir cette identification. Le Moi
copie dans cette situation de perte, tantôt l’objet aimé tantôt l’objet
non aimé, toutefois, dans les 2 cas l’identification est partielle à un
élément, un trait unique « einziger zug » de la personne, trait, comme
ersatz de la personne.
L’abord par cette 2ème identification
pourrait paraître limitant au regard de la portée de la 1ère, celle
ambivalente qui se fonde sur l’image de la dévoration assimilante
(incorporation) ; on pourrait, aussi, se poser la question de son
rapport avec la 3ème, identification hystérique par l’intermédiaire du
désir. Le désir supposant l’articulation des rapports du sujet à la
chaîne signifiante pour autant que cette relation modifie la structure
de tout rapport du sujet avec chacun de ses besoins.
Lacan va, par
l’exposé qui suit, légitimer son abord partial de l’identification par
le trait unaire et nous inviter à nous méfier du général, du genre et
de la classe dans le champ de la logique et de ce qui fait figure de la
communauté.
La logique de Lacan (qui se différencie d’autres
logiques) est celle des fonctions exercées par le langage sur le Réel
c’est-à-dire la logique des signifiants. (Ce qui nous place dans le
registre symbolique.)
Lacan avance que les 3 identifications de
Freud ne forment pas une classe même si elles portent le même nom,
induisant ainsi « l’ombre d’un concept ».
Il rappelle que la
fonction universelle surgit pour nous de l’individuel, du particulier.
(Dans les leçons suivantes, il abordera les systèmes formels des
propositions et de la classification classique des propositions :
universelle, particulières etc…)
En ce qui concerne la fonction de
l’identification, ce qui se passe, se passe au niveau de la structure
donc du registre Symbolique à distinguer de l’Imaginaire et du Réél.
Mais attention, ces 3 registres ne sont pas des champs de l’être que
Lacan sépare.
III) Le registre symbolique, apparition, historique et dérives
Ce
tiers élément, le Symbolique a été révélé par le champ de l’expérience
et donc de la technique, analytiques, comme face complémentaire de la
découverte de Freud. (Expérience comme expérimentation et non pas
expérience comme chose vécue).
Ce qui s’est révélé en tout premier
lieu c’est la fonction du symbole, sous la forme d’effet de choc,
caractéristique de l’émergence des relations Inconscientes, sortes de
flashs sur l’image, adhérences dans le champ imaginaire ouvrant sur une
certaine ambiguïté et impliquant un certain schéma d’évolution dans
notre doctrine, comme présent « naturellement » dans le champ de nos
découvertes.
Lacan, lui, nous invite à partir de principes sûrs car
des dérives sont survenues au fil du temps concernant certaines imagos
qui, lors de leurs surgissements premiers, étaient originaux et
efficaces mais qui se sont perpétuées dans une sorte de familiarité
banalisante et ce notamment au niveau des interprétations des symboles,
sortes de fantômes avec lesquels on vit ou devenant des objets
d’amusement. (Par ex : la figure du vampire ou de la pieuvre renvoyant
à la mère ou dans le tableau de Dali « La persistance de la mémoire »
la montre molle de Dali renvoyant à l’inutilité de la mesure du temps,
les fourmis à la putréfaction et la mort etc…).
Malgré tout, ces
imagos gardent en eux quelque chose de leur caractère d’alarme. Ce
phénomène s’est illustré par la suite dans la cure par l’apparition
d’archétypes (par exemple chez C.Jung)
Lacan ne nie pas les
apports de la fonction de Gestalt (forme), dans la compréhension de la
pensée mais il nous incite à distinguer :
- ce qu’il en est de la
Gestalt « cristallographique » qui met l’accent sur les points de
parenté entre les formations naturelles et les organisations
structurales quand celles-ci sont définies à partir de la combinatoire
signifiante. Qui met en avant la force subjective rendant compte de
l’effet du signifiant dans le réel. En d’autre terme celle qui prend en
compte le degré de naturel dans la physique moderne mais ceci n’est pas
notre question,
- et la Gestalt « anthropomorphique » contre
laquelle il nous met en garde car elle induit de la confusion en
faisant une analogie entre macrocosme et microcosme et se réfère à
l’homme universel.
Ce rappel, pour montrer le vif de ce qu’a
apporté la découverte de Freud et qui ne consiste pas en un retour des
vieux fantômes (sus évoqués).
IV) Le registre symbolique chez Lacan
Lacan
poursuit son propos en évoquant un passage d’un de ses textes dans «
Propos sur la causalité psychique » qui disait à propos de l’imago : «
plus inaccessible à nos yeux, faits pour les signes du changeur, que ce
dont le chasseur du désert sait voir la trace imperceptible : le pas de
la gazelle sur le rocher, un jour se révèleront les aspects de l’imago
». (La question du signe de la trace, du symbole, du signifiant…)
Questions : qu’est-ce que les signes du changeur ? Quels signes ? Quel
changement ? Quel changeur ?
Réponse
: ces signes ce sont les signifiants en tant que signes opérant par
leur association dans la chaine, par leur commutativité ou par leur
fonction de permutation.
C’est là où se situe la fonction de changeur.
Le signifiant, de par cette fonction, introduit dans le Réel un
changement. Dit autrement, du fait de la combinatoire et de la
topologie de la structure, le signifiant peut opérer un changement dans
le Réel. (Effet de coupure du signifiant qui peut changer la structure).
Lacan
revient sur le terme « pensée », très présent chez Freud car
probablement inévitable, pour désigner ce qui se passe dans
l’Inconscient . Lacan préfère aller le chercher chez Descartes et pas
chez Platon, Kant ou Hegel, car il aide à désigner là où est le
problème de l’Inconscient, à savoir l’autonomie du sujet accentuée par
ce paradoxe : que le savoir du sujet ne progresse vers rien et en rien,
il ne se révèle qu’à partir de sa méconnaissance première et toujours
dans l’après-coup.
C’est ceci qui distingue le champ de
l’Inconscient, impossible à formaliser si on n’y voyait pas l’autonomie
du sujet. (Pour nous, le sujet est toujours le sujet de l’Inconscient.)
Lacan
nous pointe ici la permanence de la référence au sujet, dans cette
fonction de trait unaire, de bâton figure de l’un, en tant qu’il n’ait
que trait distinctif, d’autant plus distinctif qu’en est effacé tout ce
qui le distingue ; sauf d’être un trait. Plus il est semblable, plus il
fonctionne, non comme signe mais comme support de la différence.
Mais
à la vérité, il n’y a pas de « plus, plus, » il n’y a pas d’idéal
d’effacement des traits, des similitudes. L’effacement des distinctions
qualitatives n’est là que pour nous permettre de saisir le paradoxe de
l’altérité radicale désignée par le trait. (Peu importe que les traits
se ressemblent ou pas)
La fonction d’altérité radicale réside donc
ailleurs, Lacan revient à ce qu’il avait évoqué dans la leçon
précédente concernant la répétition pour souligner que la fonction
d’altérité permet à cette répétition d’échapper à l’identité de son
éternel retour par le comptage des traits. (Illustration des traits sur
l’os).
Lacan insiste sur ce comptage car c’est ici qu’il peut désigner ce à
quoi on a affaire dans l’automatisme de répétition.
A
savoir, le cycle ; peu importe qu’il soit amputé, déformé, abrasé, du
fait qu’il est cycle et qu’il comporte le retour à un point terme, nous
pouvons le concevoir sur le modèle du besoin et de la satisfaction.
La
répétition du cycle, malgré les différences et par ces différences, se
rapportent à un certain type par quoi tous les cycles précédents
s’identifient comme étant le même.
Question : est-ce que
l’automatisme de répétition et la répétition d’un automatisme c’est
pareil ? Ex dans la digestion, ici le cycle est toujours le même
quelques soit les aliments , les moments, les troubles contingents.
La
question reste ouverte puisque cette comparaison n’avance à rien car
l’automatisme de répétition auquel nous avons affaire est un cycle
déterminé par l’unicité d’un certain signifiant désigné par une lettre,
le grand A, l’A initial en tant :
- qu’il est numérotable (1,2,3…)
- que ce cycle et pas un autre équivaut à un certain signifiant
C’est à ce titre que le comportement se répète pour le faire surgir
ainsi que ce numéro qui le fonde (le S1 ?).
En
conclusion, la répétition symptomatique n’a pas pour fonction de
seulement faire signe, c’est-à-dire de représenter l’actualisation de
quelque chose, dans l’ici et maintenant, mais et surtout de
présentifier le signifiant que cette action est devenue.
C’est en
tant que ce qui est refoulé est un signifiant que ce cycle de
comportement réel se présente à sa place, comme effet de ce signifiant
refoulé.
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Leçon 6 Isabelle Pagnon
Ce chapitre découle de l’annonce faite par LACAN dans le chap 4
des diverses effaçons dont apparait le signifiant à partir de la chose
effacée. Ce n’est sans rappeler le chap 13 de l’éthique, dans lequel le
poète de l’amour courtois vient évider la chose, en l’occurrence
l’intimité charnelle de la Dame et sublimer le désir en faisant surgir
une anamorphose.
Ce coté charnel, LACAN le rappelle dans ce qui est
la fonction du cycle besoin-satisfaction et de ce qui entraine
l’automatisme de répétition avec son coté toujours identique. Le
paradoxe de l’automatisme, est de faire surgir un signifiant
radicalement différent, distinct et uni au caractère du trait unaire.
C’est ce qui distingue le signifiant du signe. Ce rapport du sujet au
signifiant permet l’ancrage du sujet dans le champ symbolique et le
détachement d’avec la chose maternelle
.A travers une révision du
savoir analytique, Lacan propose d’examiner les conséquences de
l’identification du sujet au signifiant à travers le trait unaire, la
lettre et l’utilisation du nom propre.
Lacan va évoquer le processus
du refoulement avec l’effacement du traumatisme initial, puis la mise
en place de l’automatisme de répétition avec un cycle de comportement
dont le numéro tant est perdu pour le sujet. Cette série comptable
représente le trait unaire. Exemple des accès de toux hystérique de la
jeune Dora qui frustrée de sa demande d’amour à son père, régresse dans
une identification. Elle emprunte à son père atteint d’une maladie
pulmonaire, sa toux, qui devient la vorstellungrepresentanz d’un désir
incestueux effacé.
Puis Lacan passe à la phobie, définie comme la
plaque tournante des signifiants. Dans la phobie du petit Hans,
celui-ci est menacé d’une disparition psychique car sous le coup d’une
séduction incestueuse à l’égard de sa mère. L’invention d’un signifiant
par le petit Hans, le tire de ce mauvais pas. C’est celui de la girafe
chiffonnée, dessin sur lequel il s’assoit, qui lui permet de ne plus
être le phallus de la mère. Hans symbolise ainsi sous la forme du
chiffonnement de la girafe, le signifiant de son désir. Lacan souligne
que c’est par l’analyse de la structure de la phobie de Hans qu’il a pu
repérer la différence radicale du signifiant, ce que n’avait pas pu
dégager Freud, en l’absence de référence aux travaux de Saussure.
Par
la suite, Lacan va évoquer l’instance de la lettre et le roman d’Edgar
Poe, la lettre volée qui est aussi un peu comme la girafe , malmenée ,
fripée et déchirée , dont la détention en série par les différents
protagonistes exercent sur eux une identification forte à leur insu
avec le refoulement du contenu de la lettre.
Lacan poursuit son
analyse structurale du langage toujours pour cerner la naissance du
signifiant à travers l’étude du nom propre.il souligne l’importance
dans la pratique de l’analyste de toujours faire préciser les noms
propres par le patient afin d »’éviter que toutes sortes de choses
peuvent se cacher derrière cette sorte d’effacement qu’il y aurait du
nom. »
Qu’est qu’un nom propre ? C’est un signifiant original, nous
dit Lacan Son ambigüité le place à un carrefour ce que vient illustrer
la querelle entre les logiciens et les linguistes. Le nom propre est un
signe de quelque chose pour quelqu’un, mais aussi un signifiant qui est
capable d’effacer la chose. Mais il n’est pas desséché comme les autres
signifiants car il peut être rattaché à une jouissance liée à sa
matérialité sonore.
L’importance linguistique majeure du nom propre
a suscité un problème philosophique dans les années 1950 avec Bertrand
RUSSEL. Ce dernier mathématicien, moraliste issu d’une tradition
puritaine et athéiste, a développé une école de pensée « la philosophie
analytique ». Il va chercher à purifier la langue de toute imperfection
logique telle que le nom propre, les pronoms ou, les lapsus, pour la
mettre en adéquation avec une logique pseudo scientifique. RUSSEL a
voulu ramener le nom propre à un nom commun en effaçant les
caractéristiques symboliques au profit d’une dénotation faite de
paraphrase.
Ainsi il va émettre deux façons de distinguer les choses :
• soit les décrire par leurs qualités, leurs coordonnées géographiques,
leur saturation, etc, et on utilisera un nom commun.
•
Soit on désignera une chose comme particulière quand il n’y a pas de
description possible, et on utilisera alors un nom propre. Pour RUSSEL,
le premier nom propre « c’est le this. This is the question, le
démonstratif peut passer au rang de nom propre ; il peut designer un
point du tableau par le prénom John. A l’autre extrême de sa logique ,
RUSSEL démontre que le nom de SOCRATE ne peut plus être considéré comme
un nom propre , que ce nom n’est plus particulier car SOCRATE peut être
décrit par plusieurs particularités « : maitre de PLATON, l’homme qui a
bu la cigüe » . Le nom propre peut être remplacé pour RUSSEL par
d’autres dénotations une paraphrase, ou un numéro de fiche de police
Ce
redressement du langage prônée par Russel aboutit à une telle
atomisation logique du langage qu’il n’ya plus de dénomination
possible, donc plus de sujet, ni de signifiants puisque tout est limité
aux constats de perception, à du réel.La chose est attachée au signe.
Mais qui peut parler d’une telle théorie puisque même le nom de
l’auteur est voué à disparaitre ?
Un
linguiste GARDINER va se rebeller contre cette logique russellienne et
cette méconnaissance de la fonction de la lettre. Il va écrire la
théorie des noms propres en 1954. Sa qualité d’égyptologue, spécialiste
des hiéroglyphes va lui permettre de contre formuler ce qui lui parait
essentiel de la fonction du nom propre
Gardiner se réfère à un
autre philosophe Mill qui distingue le nom propre du nom commun du côté
de quelque chose qui est au niveau du sens. Le nom commun concerne
l’objet, en tant qu’il lui amène un sens.Par-contre, le nom propre
n’amène pas de sens à l’objet, mais quelque chose de l’ordre d’une
marque appliquée sur l’objet.
Gardiner va aller plus loin dans la
spécification du nom propre que Mill. Ce n’est pas tellement l’absence
de sens dont il s’agit dans l’usage du nom propre car beaucoup de noms
propres ont un sens ou plutôt une marque qu’un sens et que le sens
appliqué à la marque s’est perdu (ex forgeron ou , la ville de
Darmouth). Ce qui fait l’usage du nom propre, c’est l’aspect distinctif
du son du nom propre. Mais n’est ce pas une caractéristique qui s’étend
à tout le langage des phonèmes qui se distinguent les uns des autres ?
Malgré sa position de linguiste qui se doit d’écarter toute référence
psychologique, GARDINER est obligé d’introduire la notion subjective de
l’attention apportée à la dimension signifiante du matériel sonore du
nom propre.
En même temps, LACAN nous dit que nous ne sommes pas
particulièrement avertis d’un accent sonore quand nous entendons ou que
nous appelons des noms propres ; Il nous renvoie à l‘instance de la
lettre dans l’inconscient.et à sa définition de la lettre en
1957.Celle-ci est indiquée comme la structure localisée du
signifiant.il compare les lettres à la casse d’une imprimerie, aux
caractères mobiles d’un journal imprimé. Pour renforcer cette
conception de la lettre comme matériel réel du trait unaire, il se sert
du nom propre. La matérialité du nom propre n’est pas liée a la
conscience d’un sujet et à un sens psychologique, comme l’a dit
GARDINER, mais comme un rapport du sujet à une structure .La structure
sonore devient cruciale en raison de l’affinité du nom propre à la
marque écrite.Il va illustrer son propos par les origines de
l’écriture. Il cite un idéogramme sumérien qui désigne le ciel par un
phonème an, repris par les akkadiens qui désignent le ciel autrement,
mais l’idéogramme reste et se prononce toujours an. Tout se passe comme
si l’écriture attendait d’etre phonétisée.Il ya un retournement de
l’utilisation d’un phonème associé à un objet figuratif refoulé,
rejeté. , trait unaire, à l’utilisation de l’écriture qui attendait
d’être phonétisée à partir de ces traits.
LACAN parle de la
matérialité de la lettre. Il y a un déplacement imaginaire à partir du
trait unaire sur le réel et constitution d’une boucle topologique qui
se redouble à un huit du côté de la lettre. (Car il y a une affinité
entre le phonème et la marque écrite) Ce serait mis en évidence par le
nom propre.C’est un indicateur rigide d’une marque ancienne, déposée
par les générations d’une autre civilisation, le nom se conserve d’une
langue à une autre et permet de déchiffrer une langue inconnue, à
l’instar des souverains égyptiens retrouvés dans différentes langues ;
grâce à la conservation d’une structure écrite.
II y a donc un lien
entre nom propre, trait unaire et sujet. Le nom propre en tant que
signifiant archaïque nous fait supposer qu’il est à l’origine de
l’inconscient, de la substitution entre le « ca parle », à un sujet qui
devient grâce à l’émergence d’un trait unaire , » je suis un être
parlant et désirant » , mettant en route une chaine signifiante. Le
sujet vient élider quelque chose qu’il ne peut savoir _ à savoir le nom
de ce qu’il est en tant que sujet de l’énonciation.
Questions liens entre nom propre et nom du père, nom propre, pseudo,
prénom
Leçon 7 Isabelle Prudhome
Trois parties apparaissent dans cette leçon, au terme d'une lecture
accrochée au plus près du texte, en tentant de suivre le fil lacanien,
malgré ses sauts et détours multiples.
La première, portant sur le
nom propre et son rapport au sujet, sa fonction en tant que signifiant
à l'état pur, sa fonction distinctive singulière du matériel sonore.
Elaboration ouvrant sur la fonction de l'écriture, du signe et de la
lettre.
La seconde prend appui sur la topique freudienne
Inconscient-Préconscient-Conscient, en en proposant un remaniement, en
articulation avec la question de l'identification.
Une troisième
reprend l'analogie avec le cogito cartésien déjà abordée dans les
leçons précédentes, le mettant en perspective avec la logique formelle
et la logique mathématique.
Une problématique générale est
présentée autour de la question de savoir d'où vient la marque, le
trait : attaché au réel, à l'objet, et/ou inhérent au langage, au
rapport du sujet au langage ?
Lacan commence cette séance du
séminaire en mentionnant son manque de désir, « jamais je n'ai eu moins
envie de faire mon séminaire » , énonce-t-il. En place d'analysant, de
sujet, qui dit aussi ce qu'il ressent, ce qu'il pense, avec des «
moments de tassement, de lassitude », lui jouant des tours sans doute,
et nous entraînant, lecteurs à sa suite, à défaut d'être auditeurs.
Passé
ce préambule, il va reprendre la question ouverte lors de la dernière
séance du séminaire, à savoir, le nom propre, question rencontrée « sur
notre chemin de l'identification du sujet, second type
d'identification, régressive au trait unaire de l'Autre » , Autre en
tant que trésor des signifiants.
Second type d'identification en question donc, dans ce premier temps du
séminaire, l'identification au signifiant.
En
vue de définir le nom propre, Lacan revient sur les points déjà
abordés, sollicitant des linguistes et mathématiciens, qui confèrent au
nom propre « la fonction du signifiant, sans doute à l'état pur » . Le
nom propre, « c'est quelque chose qui vaut par la fonction distinctive
de son matériel sonore » .
(Ce qui rejoint les prémisses de
l'analyse saussurienne du langage, quant au trait distinctif qu'est le
phonème - « comme couplé d'un ensemble d'une certaine batterie, pour
autant uniquement qu'il n'est pas ce que sont les autres ».)
Trait
spécial au final qu'est « l'usage d'une fonction du sujet dans le
langage, souligne Lacan : celle de nommer par son nom propre » .
Ce
début de définition du nom propre ouvre sur la voie de la forme «
latente » au langage lui-même, et « la fonction de l'écriture, la
fonction du signe, en tant que lui-même il se lit comme un objet »
(identification à l'objet ?).
Une mise en abime semble être
déployée du fait que les lettres ont elles aussi des noms, des noms qui
« n'ont aucun sens dans la langue grecque où ils se formulent » (alpha,
bêta...), mais dont nous pouvons en retrouver les formes signifiantes
dans la langue phénicienne (possédant son propre alphabet, à l'origine
par conséquent de l'alphabet grec, et par là-même de l'alphabet latin ;
langue sémitique du sous-groupe cananéen, groupe dont descend
l'hébreu).
Les noms de ces lettres « reproduisent les noms
correspondant aux lettres de l'alphabet phénicien, d'un alphabet
protosémique » (2nd millénaire à peu près avant notre ère), « cette
langue protosémique d'où serait dérivé un certain nombre (…) des
langages à l'évolution desquels est étroitement liée la première
apparition de l'écriture ». Exemple de notre A majuscule et la forme du
crâne d'un boeuf, renversée, avec les cornes qui le prolongent ;
exemple aussi de Bet (Béta), qui est le nom de la maison.
Pour
rappel également, les signes et leur lecture « apparaissent avant tout
usage d'écriture » : on retrouve les mêmes signes dans des alphabets
différents, ancêtres directs du nôtre (latin, étrusque...), mais aussi
sur des poteries prédynastiques de l'antique Egypte, loin de tout usage
alphabétique (l'écriture étant loin d'être née – elle a commencé en
Egypte avec les hieroglyphes, datés de 3000 an av. JC). Egalement ces
signes peuvent faire penser à ceux retrouvés sur les cailloux du Mas
d'Azil (site préhistorique ariégeois).
«(...) la présence de ces
éléments est là pour nous faire toucher du doigt quelque chose qui se
propose comme radical dans ce que nous pouvons appeler l'attache du
langage au réel. »
Ce constat étant posé, il vient s'opposer à
la logique structuraliste, du structuralisme en linguistique qui
ordonne le langage dans une référence à lui-même, sa propre structure
en tant que telle, « qui nous montre le langage comme un ordre, un
registre, une fonction dont c'est toute notre problématique qu'il nous
faut la voir comme capable de fonctionner hors de toute conscience de
la part du sujet (…). Dès lors il faut bien, pour nous, établir la
jonction de son fonctionnement avec ce quelque chose qui en porte, dans
le réel, la marque. D'où vient la marque ? Est-elle centrifuge ou
centripète ? » . Problématique en question ici.
L'écriture
phonétique, c'est l'usage combiné de ces dessins simplifiés, ou
abrégés, ou effacés, qu'on appelle aussi idéogrammes, avec un usage
phonétique. « La combinaison des deux apparaît par exemple évidente
dans les hiéroglyphes égyptiens » . Dont le bagage témoigne de leurs
objets d'intérêts résidant dans les animaux, les formes instrumentales
agraires et autres et quelques signes utiles sous leur forme simplifiée
de tout temps (trait unaire, barre, croix). Sans proportion toutefois
avec la diversité effective des objets.
Par exemple, revient
extrêmement souvent la figure du grand duc/ hibou dans les inscriptions
classiques sur pierre, car le nom de cet animal est le support à
l'émission labiale d'un « m ». « Le « m » signifiera plus d'une chose
(…), une fonction introductrice du type : « voyez... », une fonction de
fixation attentionnelle (…) un « voici » (…). Ou encore, dans d'autres
cas où très probablement il devait se distinguer par son appui
vocalique, représenter une des formes, non pas de la négation, mais (…)
de quelque chose comme « il est dit que non » .
Lacan souligne à ce
propos que ce n'est pas un hasard, que se manifeste cette « coalescence
la plus primitive du signifiant avec quelque chose qui tout de suite
pose la question de ce que c'est que la négation » . Simplement une
connotation, un mot outil ? Est-ce comme une émission pure, un «
n'est-ce pas ? »? Ou est-ce qu'elle s'impose par la nécessité de la
disjonction ?
« Le problème de la négation est quelque chose qui se pose comme celui,
à proprement parler d'un saut, voire d'une impasse » .
Autre
manière de la concevoir si on prend en compte que la genèse du
signifiant « est problématique, nous porte au niveau d'une
interrogation sur un certain rapport existentiel, celle qui comme telle
déjà se situe dans une référence à la négativité » .
Le signe est
lu, avec du langage, bien avant l'advenue de l'écriture. Ce qui fait
dire à Lacan que « la structuration du langage s'identifie, si l'on
peut dire, au repérage de la première conjugaison d'un émission vocale
avec le signe comme tel, c'est à dire avec quelque chose qui déjà se
réfère à une première manipulation de l'objet » , objet qui représente
ce qu'il y a de plus effacé, détruit (« si c'est de l'objet que le
trait surgit, c'est quelque chose de l'objet que le trait retient :
justement son unicité » , est-ce que son effacement, son aspect inanimé
lui conférerait son unicité ?).
Du rapport à l'objet nait le signe,
lu avec du langage, quand il n'y a pas d'écriture encore. C'est « de ce
rapport de lecture au signe, que peut naître ensuite l'écriture pour
autant qu'elle peut servir à connoter la phonématisation » .
Le nom
propre qui spécifie comme tel l'enracinement du sujet ne se traduit pas
d'une langue à l'autre : « il se transpose littéralement, il se
transfère. Et c'est bien là sa caractéristique (...).» .
Le sujet
peut s'avancer dans des énoncés, mais son énonciation élidera toujours
« le nom de ce qu'il est en tant que sujet de l'énonciation » , cette
nomination restant latente. Elle est concevable, précise Lacan, « comme
étant le premier noyau, comme signifiant de ce qui ensuite va
s'organiser comme chaîne tournante, (…), ce coeur parlant du sujet que
nous appelons l'inconscient ».
Freud, à partir de sa première
topique, sa représentation du premier système psychique «
Inconscient-Préconscient-Conscient », va déployer une topologie des
couches (à la fin de la Traumdeutung), couches au travers desquelles
peuvent se passer des franchissements, des seuils, des irruptions d'un
niveau dans un autre, notamment le passage de l'inconscient dans le
préconscient (allusion au texte de Laplanche et Leclaire =>
hypothèse d'une double inscription). Pour Lacan, « si nous devons
considérer que l'inconscient c'est ce lieu du sujet où ça parle, nous
en venons maintenant à approcher ce point où nous pouvons dire que
quelque chose, à l'insu du sujet, est profondément remanié par les
effets de rétroaction du signifiant impliqué dans la parole. C'est pour
autant, et pour la moindre de ses paroles, que le sujet parle, qu'il ne
peut faire que de toujours une fois de plus se nommer sans le savoir,
et sans savoir de quel nom » . Le sujet est identifié par le langage de
l'Autre, qu'il a fait sien. (première identification ? Incorporation
des signifiants de l'Autre ?). « (…) nous savons bien que ce qui est
parlé, le discours effectif, le discours préconscient, est entièrement
homogénéisable comme quelque chose qui se tient au-dehors. Le langage,
en substance, court les rues (...) »
« Le préconscient, pour tout
dire, est d'ores et déjà dans le réel, et le statut de l'inconscient,
lui, s'il pose un problème, c'est pour autant qu'il s'est constitué à
un tout autre niveau, à un niveau plus radical de l'émergence de l'acte
d'énonciation » .
Il ajoute : « Ce dont il s'agit, c'est de voir que
le langage articulé du discours commun, par rapport au sujet de
l'inconscient en tant qu'il nous intéresse, il est au-dehors ». Il
précisera un peu plus loin, que le préconscient est dans le réel, dans
la circulation du monde et le statut de l'inconscient « à un niveau
plus radical de l'émergence de l'acte d'énonciation ». Si l'inconscient
pousse pour se faire reconnaître, c'est qu'il est comme chez lui dans
un univers structuré par le discours.
Lacan remet en question
l'ordre qui serait celui de l'inconscient au préconscient puis
arriverait à la conscience. Ce qui se passe au niveau du préconscient
fonctionnant sur la même base évoquée pour la lecture du signe. « Qu'au
niveau du préconscient ce que nous cherchons ce soit à proprement
parler l'identité des pensées, (…) c'est à proprement parler réduire le
divers à l'identique » .
Ce qui renvoie Lacan à la recherche
épistémologique depuis Platon, et à la logique formelle. Et parfois à
une vision idéale de l'édifice de la science, « comme pouvant ou
devant, même virtuellement, être déjà achevé » , ce qui pose la
question de la tautologie au regard de tout savoir, toute science,
toute saisie du monde d'une façon ordonnée et articulée (selon son
étymologie : qui dit la même chose).
Lacan pointe à ce propos que ce
qui est paradoxal, c'est de retrouver sous la plume de Freud, « que ce
que cherche l'inconscient, ce qu'il veut, si l'on peut dire, que ce qui
est la racine de son fonctionnement, de sa mise en jeu, c'est
l'identité des perceptions, c'est à dire que ceci n'aurait
littéralement aucun sens si ce dont il s'agit ce n'était pas que ceci :
que le rapport de l'inconscient à ce qu'il cherche dans son mode propre
de retour, c'est justement ce qui dans l'une fois perçu est
l'identiquement identique si l'on peut dire, c'est le perçu de cette
fois-là » .
Et Lacan, d'ajouter, « Et c'est justement cela qui
manquera toujours, c'est qu'à toute espèce d'autre réapparition de ce
qui répond au signifiant originel, point où est la marque que le sujet
a reçue de ce, quoi que ce soir, qui est à l'origine de l'Urverdrängt,
il manquera toujours... à quoi que ce soit qui vienne le représenter …
cette marque qui est la marque unique du surgissement originel d'un
signifiant originel qui s'est présenté une fois au moment où le point,
le quelque chose de l'Urverdrängt en question est passé à l'existence
inconsciente, à l'insistance dans cet ordre interne qu'est
l'inconscient, entre, d'une part ce qu'il reçoit du monde extérieur et
où il a des choses à lier, et du fait de les lier sous une forme
signifiante, il ne peut les recevoir que dans leur différence » .
L'inconscient
ne peut être satisfait par cette recherche de l'identité perceptive, «
si c'est ça même qui le spécifie comme inconscient » . Lacan aboutit à
proposer la triade «conscient-inconscient-préconscient » dans un ordre
légèrement modifié, positionnant l'inconscient entre perception et
conscience.
Il prolonge son propos en revenant à Descartes, évoquant
son expérience philosophique singulière de la recherche du sujet et de
sa vérité. Et particulièrement, de « savoir si on peut se fier à
l'Autre, si comme tel ce que le sujet reçoit de l'extérieur est un
signe fiable » . Revenant sur le non-sens du « je pense » égal à celui
d'un « je mens », il remarque que « ce « Je pense » impossible passe à
quelque chose qui est de l'ordre du préconscient, qu'il implique comme
signifié que ce « Je pense » renvoie à un « …je suis » qui désormais
n'est plus que le « X » de ce sujet que nous cherchons, à savoir de ce
qu'il y a au départ pour que puisse se produire l'identification de ce
« Je pense » » .
Un signifiant représente le sujet pour un autre
signifiant. Est-ce à dire que Descartes s'identifie au « je pense »? Le
processus d'identification se faisant inconsciemment à partir du
préconscient vers l'inconscient, sans nécessairement passer au
conscient ?
Après un détour supplémentaire par son écrit « Le temps
logique et l’assertion de certitude anticipée », et le problème de
logique formelle dit des prisonniers, que nous pouvons rappeler :
«
Un directeur de prison doit libérer un prisonnier. Il en choisit trois
et leur pose un problème qui réglerait la question du choix, à laquelle
il ne peut manifestement pas répondre. Le prisonnier qui découvrira la
couleur du rond dans son dos et donnera sa conclusion « fondée sur des
motifs de logique » sera libéré. C’est le directeur qui le dit. Il y a
trois prisonniers, trois ronds blancs et deux noirs. Chacun voit les
ronds des deux autres. Donc trois ronds sur cinq sont utilisés. La
parole leur est interdite. Première solution : si l’un des prisonniers
voit deux ronds noirs il sort. Personne ne sort, donc il reste deux
autres possibilités : un noir et deux blancs, ou trois blancs. Du point
de vue de la logique formelle, il y aurait un indécidable. Lacan en
fait l’exposé critique en réponse à un contradicteur. En voici la
synthèse : s’il y a un noir dans un des dos, les deux autres devraient
sortir. Ils ne sortent pas. Le contradicteur dit que les prisonniers se
trouvent devant un indécidable. La critique de Lacan est la suivante :
« Ce n’est pas le départ des autres, mais leur attente, qui détermine
le jugement des sujets. » Et Lacan de souligner que la critique de son
contradicteur ne fait qu’illustrer ce qu’il veut montrer, « la fonction
de la hâte ». C’est là que s’introduit la logique subjective. C’est du
fait que les autres ne sortent pas que chacun peut s’autoriser à faire
le pas vers la sortie. Le premier temps vient faire trou dans le
raisonnement de chacun : il y a une bascule subjective. En vérifiant
l’hésitation des deux autres par un arrêt et un nouveau départ, chacun
peut apporter la conclusion (ce sont les trois temps logiques : voir,
comprendre, conclure). Le regard leur a permis de constater qu’ils
étaient les mêmes, c’est-à-dire blancs. Encore fallait-il le vérifier,
passer de l’incertitude à la certitude. Il s’agit de logique subjective
parce qu’elle fait l’objet d’une déduction à partir de ce que chacun
repère des autres. Il faut souligner ce que les trois prisonniers
introduisent de déplacement : il faut ce pas des trois, le pas qui
temporalise la position des prisonniers, sans quoi rien ne se passe. » .
L'analogie
que souligne Lacan avec le cogito cartésien, tient en cette limite
qu'il énonce : nous ne pouvons pas tout de suite si facilement dire et
savoir.
Les trois prisonniers auront la même réflexion, les mêmes
hésitations oscillantes (identification), basées sur leurs observations
extérieures des uns des autres.
Descartes, doutant de la fiabilité
de la pure élaboration, « va bien être amené comme tout le monde à
essayer de se débrouiller avec ce qui se vit à l'extérieur, mais dans
l'identification qui est celle qui se fait au trait unaire ». Lacan
nous propose en somme de considérer ce « Je pense » sous sa forme de
différence radicale, qu'il va représenter par un « 1 » (« c'est par « 1
» que nous le figurons ce « Je pense » » ). Rappelant que notre intérêt
consiste dans le fait qu'il a rapport d'une part avec ce qui se passe à
l'origine de la nomination, et que d'autre part, avec la naissance du
sujet car « le sujet est ce qui se nomme » , ce que Lacan va figurer en
tant que l'inconnu posé (i) « de ce qui est à l'origine sous la forme
du sujet ».
Pour finir, il a recours à la logique mathématique - qui
n'est pas sans m'échapper je l'avoue... comme notre 'sujet' parfois –
logique mathématique avec la notion de série, se demandant si nous
aurions affaire à une série convergente, « jusqu'à venir converger sur
une valeur parfaitement constante qu'on appelle une limite », qui
ferait que « le sujet est une fonction qui tend à une parfaite
stabilité » .
Un saut dernier est fait par Lacan dans ce chapitre
(saut qui m'a laissée en plan) quand il nous propose de considérer (i)
notre inconnu en tant que nombre imaginaire, ayant pour valeur
imaginaire, √-1. C'est un algorithme, nous précise-t-il, en aucun cas
un nombre réel.
Pour connoter de même que 1, « la fonction de
l'unité comme fonction de la différence radicale dans la détermination
de ce centre idéal du sujet qui s'appelle idéal du moi », « nous
l'identifierons (petit i) à ce que nous avons jusqu'ici introduit dans
notre connotation à nous personnelle comme ϕ, c'est–à–dire la fonction
imaginaire du phallus ».
En substituant à petit i, √-1, « vous
voyez apparaître une fonction qui n'est point une fonction convergente,
qui est une fonction périodique, qui est facilement calculable : c'est
une valeur qui se renouvelle, si l'on peut dire, tous les trois temps
dans la série.Vous retrouverez périodiquement, c'est-à-dire toutes les
trois fois dans la série, cette même valeur, ces mêmes trois valeurs
que je vais vous donner :
la première (…) le point d'énigme où
nous sommes pour nous demander quelle valeur nous pourrons bien donner
à « i » pour connoter le sujet en tant que le sujet d'avant toute
nomination. (...)
La deuxième valeur (…) c'est que le rapport
essentiel de ce quelque chose que nous cherchons comme étant le sujet
avant qu'il se nomme à l'usage qu'il peut faire de son nom tout
simplement pour être le signifiant de ce qu'il y a à signifier,...
c'est–à–dire de la question du signifié justement de cette addition de
lui–même à son propre nom c'est immédiatement de splitter, de diviser
en deux.
La troisième valeur… c'est-à-dire quand vous arrêterez
là le terme de la série …ce sera « 1 », tout simplement, ce qui par
bien des côtés peut avoir pour nous la valeur d'une sorte de
confirmation de boucle. (…) c'est au troisième temps (…) c'est-à-dire
au temps du « je pense », en tant qu'il est lui-même objet de pensée et
qu'il se prend comme objet …si c'est à ce moment-là que nous semblons
arriver à atteindre cette fameuse unité, dont le caractère satisfaisant
pour définir quoi que ce soit n'est assurément pas douteux, mais dont
nous pouvons nous demander si c'est bien de la même unité qu'il s'agit
que de celle dont il s'agissait au départ, à savoir dans
l'identification primordiale et déclenchante » .
Ce qui n'est
pas sans suggérer, des mouvements oscillatoires, de variation, dans les
processus d'identification. Entre signifiant, sujet (sujet divisé),
objet, phallus (-Phi), dans le rapport au grand Autre (A puis A barré).
A la faveur d'une sorte de prisme ? Mouvement qui sera repris dans la
leçon
Pour un éclairssissement sur le nombre imaginaire dont il est
question dans cette leçon.
Leçon 8 Alain Harly
Leçon 9 Jean-Jacques Lepitre
Il évoque une conférence qu’il a donnée la veille où il a parlé de la
fonction de l’objet a dans l’identification du sujet à propos de
l’article de Freud : « Les 3 coffrets », où il identifie les coffrets à
la demande et leur contenu à l’objet a. Objet a qui ne correspond pas
vraiment à la demande mais qui n’est pas non plus sans y correspondre.
S’il sort cela du thème des « 3 coffrets », on peut se demander
comment, il ne l’explicite pas ici, et tout au plus Freud indique que
les coffrets pourraient figurer des femmes… Mais aussi il se moque
gentiment de Freud, or cet article est structuraliste avant la lettre,
il ne le relève pas, lui qui s’y veut tellement. Freud y dégage la
structure commune de différents mythes pour cerner ce dont il s’agit !
Au passage, en incise, il indique le caractère plat, de surface, de
l’inconscient selon la description freudienne, et du moi également. Il
revient ensuite à sa chère négation, dans une phrase ambiguë de de
Gaulle : « on ne peut pas ne pas croire que les choses se passeront
sans mal », puis à celle-ci : « Vous n’êtes pas sans ignorer que.. »
pour dire ce qu’on veut dire, faisant la liaison avec « il n’est pas
sans l’avoir » du névrosé concernant le phallus, mais précisant que
cela ne veut pas dire qu’il l’ait. Il poursuit sur ce fil de la névrose
avec le fait que l’obsédé est un annaliste, c’est-à-dire celui qui
tient ses annales dont il aimerait effacer les traces. Cf la tâche de
Lady Macbeth. Tout cela pour arriver à la trace, à celle de Vendredi
sur l’ile de Robinson, qu’il semble vouloir donner comme exemple de ce
qu’un signifiant représente le sujet pour un autre signifiant. Trace à
elle seule insuffisante, un animal sait « lire » une trace. C’est un
signe. Il y ajoute l’effacement de la trace par celui qui l’a laissée,
(nb : on peut y entendre la négation discordantielle), acte par lequel
se manifeste un sujet réel. Et dans l’effacement de sa trace, le sujet
s’efface rejoignant ainsi les moments de fading dus à son rapport au
signifiant. Il y ajoute le temps où se cerne d’un trait le lieu de
l’effacement où était la trace, et il voit là l’illustration de la
naissance du signifiant. Ces trois temps lui semblent significatifs.
Puis il joue sur l’ambiguïté de la « trace de pas » au « pas de trace
», comme il a joué sur le « pas de sens » du mot d’esprit, comme sur
Pi*R, « Pierre », du cercle, qu’il rapproche du √(-1) , dans un envolée
lyrique, où celui-ci représenterait « l’angle vectoriel du sujet par
rapport au fil de la chaîne signifiante », métaphore ayant sans doute (
?) un rapport avec les trois temps qu’il décrit : le sens (la trace),
se transforme en équivoque (l’effacement) et retrouve son sens comme
signifiant ( lieu de l’effacement cerné). Cela va ensemble, dit-il,
sujet et signifiant, mais sans s’égaler, ni coïncider.
Il fait retour, semble-t-il pour illustration, aux caractères chinois.
Mais il ne me semble pas qu’il y ait là grande nouveauté, ceci par
rapport à la linguistique. Des caractères, qui dans ce cas sont
d’origine idéographique, se combinent avec d’autres pour former divers
mots, divers signifiants, avec diverses combinatoires phonétiques
correspondantes. C’est la structure différentielle du signifiant
s’exerçant aussi bien dans l’écriture que la phonétisation. Le chinois
n’excepte pas à la linguistique. Il en conclut en final que ce serait
l’illustration du rapport de la lettre au langage qui ne serait pas
d’épuration, d’abstraction, mais plutôt d’un rebattement, de la lettre
et du langage, comme la roue du moulin battant l’eau. (nb : il ne
semble pas remarquer que l’alphabet occidental, surtout dans sa version
imprimée, représente une économie de traits, de moyens donc : avec un
cercle et un barre, presque tous les caractères peuvent être dessinés,
b, d, p, q, si on inclut le cercle partiel : c, e, n, o, r, u, … et
donc irait vers une certaine épuration et abstraction).
Pourquoi de là, revenir à la logique formelle ? Pour être dans la suite
de la leçon précédente ? Ou plutôt parce que la lettre y a une
importance prépondérante ? On y raisonne sur des éléments nommés par
des lettres, et c’est la lettre qui va y apporter en quelque sorte la
solution. Il examine le paradoxe de Russel, qui a donné du fil à
retordre à de nombreux logiciens : « L’ensemble de tous les ensembles
qui ne se contiennent pas eux-mêmes. » Alors cet ensemble en fait-il
partie ? Oui, puisque il est l’ensemble de ces ensembles. Mais alors il
se comprend lui-même. Contradiction. Et s’il n’en fait pas partie : il
n’est plus l’ensemble de tous les ensembles. Contradiction aussi. La
solution qu’y donne Lacan, je l’avais moi-même illustré il y a quelques
années avec des pochons, c’est de remarquer que Russell égalise les
différents ensembles de son énoncé. Lacan dit les lettres et montre que
si on nomme les différents ensembles des lettres de l’alphabet : a, b,
c, d, e, … et a l’ensemble des ensembles, ces deux a sont différents,
ne sont pas de même niveau. C’est l’égalité A = A mise en question.
C’est aussi bien le paradoxe du menteur, etc…
Puis il revient à ce qu’il a évoqué au début de la leçon concernant
l’objet a et l’identification. L’objet métonymique du désir, ce qui
dans tous les objets représente ce petit a où le sujet se perd, qui se
substitue au sujet, S barré, en syncope, dans la demande, cet objet est
donc ici métaphorique du sujet. Cet objet, c’est quoi ? C’est le sein
de la mère. C’est ce qui donne leur valeur à toutes les unités de la
demande, à leurs signifiants, autrement dit à chaque demande : a
(1+1+1+1+1 …). Bien sûr, ce sein, cette mamme, même semblable, n’a rien
à voir avec ce qui caractérise les mammifères. C’est le A différent de
A. D’autant que dans les uns de la demande : a (1+1+1+1 …) y a t-il
forcément le sein ? Non, car ce sein peur être aussi un phallus, avoir
valeur phallique. C’est pour ça d’ailleurs que M.Klein situe si tôt
l’apparition du phallus. C’est cela ajoute-t-il qui, refoulé, ré-émerge
dans le symptôme, ou se manifeste dans la perversion comme évocation de
l’objet phallus. Le processus métaphorique s’écrit : S barré/ sein
-> sein(a)/phallus. Si on met à la place de « a » la balle de
ping-pong illustrant le for-da, on s’aperçoit que ce n’est rien, ou
plutôt n’importe quoi, n’importe quel objet, qui peut faire ce passage
du phallus de +a à –a. Et on entrerait là dans le rapport
d’identification puisque ce que le sujet assimile, dans sa frustration,
c’est lui. Soit donc du refus de sa demande : -a. Le rapport de S, le
sujet, à 1/A, où 1 est lui-même, dit Lacan, comme assumant la
signification de l’Autre, c’est-à-dire comme Un, comme lieu des
signifiants ou comme refus de la demande ? ( et le 1 du sujet a-t-il à
voir avec le un du signifiant minimum des leçons précédentes : marque,
trait unaire, etc… ?). Le rapport de S à 1/A a lui-même le plus grand
rapport avec l’alternance +a, -a ; dont le produit est -a2. Cette
négation est irréductible. Il prend appui de l’algèbre : + par -, et –
par + = moins. Et réintroduit √(-1) comme nécessité par la racine de
–a2, mais n’en dit pas plus. Plus important est la phrase de conclusion
: ce n’est pas de la présence ou l’absence de a dont il s’agit, mais de
la conjonction des deux, qui entre +a et –a produit une disjonction où
le sujet vient se loger et où l’identification a affaire avec ce
quelque chose qui est l’objet du désir. (Nb : Y a-t-il là un tournant ?
Il semblait jusque- là sur la piste de ce qui faisait le point, la
trace, l’un, le signifiant minimum à partir duquel se fondait le sujet
de l’inconscient, le sujet de l’énonciation aussi bien. Là, il y a
l’introduction de l’objet a, comme étant, dans son alternance, en jeu
dans cette identification ?)
Deuxième Saison. Leçons 10 à 18. 28 Février 2021.
Nombreuses sont les leçons faisant appel à des figures topologiques,
elles sont reproduites ci-dessous, en cas de nécessité.
Les
images des leçons 10 à 18
Pour s'éclairer mathématiquement en ce qui concerne le tore:
Sur le superbe site des courbes et surfaces "mathcurve.com" de Robert
FERRÉOL
Tore:
géométrie
Tore: topologie
Tore à n trous
Tore de
dimension n
Et pour s'éclairer en ce qui concerne le
cross-cap ou bonnet croisé
Et également les interventions de Jean Brini aux "mathinées lacaniennes"
Pour télécharger la
vidéo
(clic droit sur Pc)
Et puis Lacan y faisant référence:
La
critique de la raison pure d'Emmanuel Kant
Première Division: Théorie transcendantale des éléments / Première
partie: Esthétique transcendantale.
Il
s'agit d'une traduction de Jacques Auxenfants dans le cadre de la
bibliothèque des Sciences sociales de l'Université de Chicoutimi au
Québec.

Séminaire d'Hiver de l'ALI 23 et 24 Janvier 2021 Identification
ou Subjectivité
Samedi matin 23 Janvier
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Samedi après-midi 23 Janvier
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Dimanche matin 24 Janvier
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Dimanche après-midi 24 Janvier
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Leçon 10 Laurence Desprat
Lacan va reprendre dans cette leçon des points déjà abordés
précédemment comme la logique Kantienne et la négation pour soutenir la
question du trait unaire . Il nous précise que La visée de ce séminaire
est de nous amener progressivement à la fonction privilégié du phallus
dans l’identification du sujet
Pour avancer dans son élaboration Lacan se soutient du paradoxe de
Russell et de la théorie des ensembles pour penser le signifiant comme
support de la loi dite des contradictions à savoir que A est utilisable
en tant que signifiant pour autant que A n’est pas A. Comme il en est
pour le sein, qui quand il est érotisé, (dans l’érotique orale) il
devient autre chose qu’un sein.
Ce qui amène à la question suivante : Dans ces conditions le phallus
est-il phallique ?
Le phallus vient à cette même place que le sein sur la fonction
symbolique et le pénis n’est donc pas plus phallique que le sein n’est
mammaire, mais il tombe sous le coup de cette menace de castration car
c’est une partie du corps réel.
Et alors…
Lacan nous rappelle que cette question de l’identification vient au
premier plan pour Freud à partir d’un certain moment , que cela va
remanier toute la théorie freudienne et que la question du sujet va se
poser ainsi :
Qu’est ce qui est là ?
Qu’est ce qui fonctionne ?
Qu’est ce qui parle
Et comme cela se joue dans une communication, dans une adresse de l’un
à l’autre, dans un rapport entre deux , il s’agissait de savoir :
Qui est ce qui parle ? et à qui ?
Donc cela parle d’une logique, mais laquelle ?
Ce n’est pas la logique formelle, ni la logique de concept ou
transcendantale au sens Kantien, mais une logique de fonctionnement du
signifiant.
Lacan fait un détour par cette référence à La Critique de la Raison
pure de Kant et plus particulièrement au chapitre « Introduction à
l’analyse transcendantale » ; Il critique cette position philosophique
de Platon à Kant vis à vis de la fonction de l’Einheit, l’unité, le
grand Un, qui apporterait la fonction d’une norme, d’une règle
universelle.
Or la fonction de l’un, avec un petit u, dans l’identification, dans
l’expérience freudienne n’est pas celle de l’einheit mais celle que
Lacan a appelé Trait unaire, ce trait épuré, simplifié qui va se
réduire à 1 et non à un cercle qui rassemble comme dans Kant.
Lacan fait un renversement de la position autour de l’Un qui entraine
que nous passons de l’unité kantienne à l’unicité Einzigheit ;
Ce un supporte la différence comme telle ; il spécifie , il un-carne ;
et c’est par cette fonction du un qu’il s’agirait d’attraper le désir
par la queue,
Expression choisie par Lacan en référence au titre de la pièce de
théâtre surréaliste ,écrite par Picasso en 1941 et qui pose la question
:Que faire avec son désir dans une époque où règne l’absurde et la
stupeur ? Cette pièce est une sorte de variation picassienne du Banquet
sur le thème de la faim, du froid, de l’Amour. Lacan faisait partie du
public de la représentation privée qui avait eu lieu en 1944 chez
Michel Leiris.
Donc pour attraper ce désir , ce renversement de la fonction du un
permet de passer des vertus de la norme à celles de l’exception et
c’est ce qui est la nouveauté de l’analyse.
D’où la nécessité de partir de la deuxième identification freudienne,
celle qui rend compte du symptôme par une substitution du Sujet soit à
la personne qui suscite son hostilité, soit celle qui est l’objet d’un
penchant érotique comme c’est le cas pour Dora . Freud avait bien
insisté sur le caractère partiel de ce type d’identification . ( le
sujet s’identifie au TU)
Certes, Kant avait déjà abordé la distinction entre jugement universel
et jugement singulier, mais en les rassemblant alors que le jugement
singulier a bien son indépendance. Mais on voit quand même une ébauche
de ce renversement chez le philosophe .
Dans une leçon précédente, Lacan évoquait le paradoxe à ce que Kant
mette la négation(la négation affirme quelque chose du cote du zéro )
dans les catégories désignant la qualité ( la qualité s’intéresse à
notre faculté d’isoler un objet comme une entité distincte de son
environnement ) entre la première qui est la réalité( jugement
affirmatif, qui nie) et la troisième ,la limitation . En la mettant
ainsi du coté de la qualité cela la confondrait avec le zéro .
Ce que dénonce le linguiste Otto Jespersen . Pour lui, la négation
s’enrichit d’adjonctions successives comme va nous le montrer
l’histoire du fonctionnement de la négation .
Après avoir été cette fonction primitive de discordance ,déjà évoquée
dans les leçons précédentes, il faut qu’elle s’appuie sur quelque chose
qui est justement cette nature de l’un telle que Lacan essaye de la
cerner .
Donc, la négation , linguistiquement, n’est pas un zéro, mais un » pas
un ».
Au départ il y a le » ne « de la forme latine ,renforcée par un
indéfini ayant le sens de « l’un quelconque « ne oinum :unum qui vient
de l’indo européen .
Le « ne » supporte la négation ; c’est déjà un « pas un »
Puis on ajoute un élément séparé du premier terme un « pas » ,un «
point » …; ce deuxième mot peut être ressenti comme porteur en lui de
la négation ; ce qui n’empêchera pas qu’il puisse subir le même sort
que le mot d’origine . (Cycle de Jespersen)
Je ne dis
Je ne dis pas
Je dis pas
Toujours pour serrer la fonction du sujet , Lacan reprend aussi les
remarques de Pichon qu’en français avec ce jeu des deux éléments de la
négation , le ne et le pas , finalement il n’y a pas de négation en
français ;
La Négation soutiendrait l’entrée dans la subjectivation ; Elle met en
relief le signifiant d’une certaine façon .
Le trait unaire support du signifiant peut être effacé , refoulé mais
ne disparaît pas et reste constitutif du Sujet .
exemple d’une analysante qui ponctue son association d’idée par un «
c’est surement pas important «
Après ce détour par la négation, Il reprend la fonction du un ,du côté
de l’unicité . A quoi pourrait servir cette fonction ou quel serait son
rapport avec le désir ?
Freud dans » Introduction au narcissisme « a montré l’équivalence entre
la libido narcissique et la libido d’objet et Lacan va nous en proposer
un schéma .

Nous aimons l’autre de la même substance humide qui est celle dont nous
sommes le réservoir qui est donc la libido. Elle mouille l’objet d’en
face ;
Lacan a pris cette référence à l’amour humide dans Le Banquet de Platon
.
L’ autre étant soumis à cette condition hydraulique d’équivalence de la
libido ; quand ça monte d’un côté, ça monte aussi de l’autre.
Avec ce schéma, Ce qui s’appelle aimer , serait n’aimer que son corps,
même transféré sur le corps de l’autre. Tout en en gardant une dose sur
son corps .
Mais Ce qui nous intéresse, c’est le phallus.
D’où la proposition de Lacan , je le cite « ce que je désire ,ce qui
est différent de ce que j’éprouve, c’est ce qui, sous forme du pur
reflet de ce qui reste de moi investi en tout état de cause, est
justement ce qui manque au corps de l’autre, en tant que lui est
constitué par cette imprégnation de l’humide de l’Amour.
Ce qui expliquerait la façon dont le névrosé constitue son désir
hystérique ou obsessionnel , face à la femme castrée d’un point de vue
pénien qui peut faire peur .
Mais chez certains qui peuvent avoir un rapport normal , satisfaisant
de désir, avec son partenaire, non seulement cela ne lui fait pas peur,
mais cela l’intéresse car ce n’est pas parce que le pénis n’est pas là
que le phallus n’y est pas , voire même au contraire .
Ce que cherche le désir , dans l’autre, nous dit Lacan c’est le
désirant et non le désirable, c’est à dire ce qui lui manque . Je
désire l’autre comme désirant , pas comme me désirant car c’est moi qui
désire et désirant le désir, ce n’est pas désir de moi ;En effet si je
m’aime dans l’autre donc si c’est moi que j’aime, j’abandonne le désir
.
Nous sommes sur la frontière qui sépare le désir de l’amour même s’ils
se conditionne l’un ,l’autre bien souvent ;
En français le désir vient de désiderium ce qui signifie regret . Ce
qui est à désirer est toujours ce qui manque ; dans la langue française
de nombreuses expressions l’attestent.
laisser à désirer (: pouvoir être amélioré, être médiocre ;)
se faire désirer : (se faire attendre ;)
prendre ses désirs pour des réalités : (s’illusionner)
Definition du Larousse :Aspirer instinctivement à quelque chose de non
défini dont le manque est senti comme une imperfection de l'être.
Ce dont il s’agirait dans le désir, c’est d’un objet et non d’un sujet ;
l’amour se rattache à cette question posée à l’Autre de ce qu’il peut
nous donner, mais le désir se situe dans un au-delà de cette demande en
tant que l’Autre peut ou non nous répondre .
Le rapport qui lie cet Autre auquel est adressé la demande d’amour,
avec l’apparition de ce terme de désir en tant qu’il n’est plus cet
Autre de l’amour , notre égal , mais qu’il est quelque chose qui est de
la nature de l’objet .
C’est ce qui est en jeu dans l’amour courtois , développé dans
l’Ethique .Le désir ne vise pas la dame, mais l’objet, au-delà, restant
inaccessible .
Le désirant se substitue au désiré.
De façon plus contemporaine, C’est l’expérience du transfert où ce
n’est pas l’analyste en tant que personne qui est visé ou qui serait
comme un support du narcissisme ,mais ce qu’il représente au-delà .
On en trouve une illustration dans le Banquet de Platon , qui porte sur
Eros, l’amour et sur son objet , le Beau. Lacan s’attarde plus
particulièrement sur le dialogue entre Socrate et Alcibiade suite à son
éloge de Socrate ;
Ce dernier va faire une interprétation analytique de cette longue
déclaration exhibitionniste d’Alcibiade et lui pointer que celui qu’il
désire est en fait Agathon , cet homme , un pur esprit qui compare
l’amour à la paix des flots.
Socrate ,s’interrogeant sur son propre désir, dit aimer chez Agathon ce
qui lui manque à lui-même : la bêtise ; c’est peut-être cela
qu’Alcibiade aime aussi chez Agathon bien qu’il n’en sache rien, se
laissant abusé par sa maitrise et tous ses atouts. Car d’Alcibiade nous
pourrions dire « qu’il a tout pour lui « .
Comme Socrate ,il est accueilli partout , par pour les mêmes raisons
mais pour sa forme d’extravagance , ce fait de n’être pas en son lieu
et place . Ce qui l’amena par exemple à faire un enfant à la femme du
roi de Sparte ce qu’il pensait être un grand honneur pour ce dernier .
Alcibiade est un dur, trop encombrant, nous dit Lacan . il finira
cerner par le feu et abattu à coups de flèches.
Mais pour Socrate ce qui est important c’est ce qu’il en est de la
nature de l’Éros et c’est lui, qui ,le premier a saisi quelle était la
véritable nature du désir .
Et malgré Spinoza qui affirme que »le désir est l’essence de l’homme «
et qui soutient qu’il n’y a pas de désirable en soi, ;que c’est le
désir qui est la source de la désirabilité des objets ; il n’y a que du
désirable pour chacun de nous du fait que chaque nature est singulière .
et malgré les travaux de Freud , le désir est resté une fonction
occultée dans l’histoire de la connaissance.
Le sujet dont il s’agit, celui qui nous intéresse est le sujet du désir
et non pas le sujet de l’amour car on n’est pas sujet de l’amour , mais
plutôt sa victime . Dans le christianisme ce pauvre amour a été même
mis en position de devenir un commandement « « aime ton prochain comme
toi-même « . Quid du désir ?
C’est bien éloigné de la position de Socrate ;
Nous l’entendons bien dans les cures , en tant qu’analystes que l’amour
est la source de tous les maux, que l’amour de la mère est la cause de
tout .
Ainsi, Lacan termine la leçon en rappelant que dans l’analyse , le
sujet dont il est question , ne peut être identifié, que du côté du
sujet du désir .
Le phallus est en tant que signifiant dans le désir
Leçon 11 Carine Boutoundou
Lacan aborde cette leçon avec la question du désir. Il emploie
notamment le terme de « nœud ». Cela indique en premier lieu la
complexité du désir mais me pose d’emblée la question du nœud borroméen
: d’une part, est-ce déjà une référence ou une réflexion qui est en
arrière-plan chez Lacan ? D’autre part, comment situer la complexité du
désir dans le nœud borroméen.
Lacan interroge cette question du désir dans le champ de la philosophie
(il en viendra à Kant) et revient sur le désir en tant qu’il concerne
la vérité. C’est pourquoi le psychanalyste, tout comme le philosophe,
s’emploie à cerner cette dimension du désir : la technique analytique
(dit Lacan) a une fonction de vérité. C’est-à-dire qu’elle s’emploie à
mettre à jour la vérité du sujet (de l’inconscient).
Cette question de vérité fait échos à la clinique contemporaine :
clinique des fakes news, des faux profils, fausses vidéos sur les
réseaux sociaux, ou encore exigence scientifique qui dirait une vérité
absolue, clinique autour du journalisme (BFM) qui cherche à épingler
des faits vraie, objectifs où chacun pourrait venir pointer l’autre du
doigt et bien sur sa jouissance « honteuse . Qu’est-ce que tout ça, ça
dit du statut de la vérité aujourd’hui. Y a-t-il un malaise dans la
civilisation autour de cette question de la vérité ?
On retrouve également ces questions dans le champ des institutions :
clinique des personnes âgées où un énoncé faux serait le signe d’une
démence, de la folie. Également dans les institutions éducatives où il
s’agit de tout contrôler, de tout savoir des jeunes qu’on accueille
sans admettre (sans supporter) qu’il y a une part qui échappe
nécessairement dans la vérité. Et surtout de quelle vérité parle-t-on,
celle des faits qui vise à dénoncer la jouissance ; ou celle du sujet,
de son désir « caché », inconscient ? Celle qui opère un écart entre
l’énoncé et l’énonciation, ou si on peut le dire de cette manière entre
les dits et le dire ?
L’usage que le psychanalyste fait de la vérité diffère des philosophes
notamment avec Descartes qui pose une garantie transcendantale qui
fonde le savoir. C’est la garantie divine d’un grand Autre (en
l’occurrence dieu) qui ne ment pas et qui ne trompe pas qui nous
donnerait accès à la vérité.
Mais c’est plus précisément sur les propositions de Kant que Lacan va
s’attarder dans cette leçon. Kant interroge ce que la raison est
capable de savoir en distinguant notamment la connaissance et le savoir
(on peut savoir qu’il existe un objet sans le connaître. Exemple de
Dieu) : l’entendement humain est-il ainsi limité ? quel rapport y
a-t-il entre la représentation, le concept et la chose qui permettrait
un accès à la vérité ?
En tant qu’êtres désirants et soumis à cette fonction de vérité,
l’expérience analytique nous confronte à ce qui ne peut être objectivé.
Ce que Lacan appelle la conjoncture subjective et son calcul (approche
mathématique). Comment se calcule la position d’un sujet, via quelles
opérations d’identifications et via quelles déterminations initiales ?
Lacan discute l’approche de Kant et de la raison pratique (et
l’universalisation de la loi moral) en rapport avec ce qui nous
intéresse de ce calcul, à savoir le désir. Quelle est ; selon Lacan, la
fonction du désir ? La fonction du désir nous dit-il , est de passer
des compromis. Ces compromis sont à mettre en perspective avec
l’instinct de vie et l’instinct de mort chez Freud, au sens où il
s’agit de penser non pas une opposition mais une dialectique, une
alternance. Comment tout cet aspect pulsionnel vient-il s’articuler
avec le signifiant ?
L’alternance se situe donc entre l’instinct de mort que Lacan définit
comme le signifiant de la vie (la répétition du même pour en revenir à
l’inanimé) et l’instinct de vie qui est réduit à l’éros et à la libido,
donc au phallus. Ces considérations, la délimitation de ce qui fait et
de ce qui préserve la vie n’est pas sans rapport avec le champ des
embryologistes (c’est une remarque de Lacan). Cela peut aussi faire
penser à la clinique des personnes dans le coma (de longue durée,
qu’est-ce qui fait que quelqu’un se réveil après des années de coma).
Il y a le champ de la biologie et il y a ce qui le dépasse ce champ ; à
savoir le narcissisme, l’investissement sur le corps et la relation aux
objets, au désir.
C’est en évoquant notre rapport au corps que Lacan va revenir à la
critique de la raison pur. Kant se base sur une esthétique
transcendantale : c’est-à-dire que pour qu’il y ait connaissance, il
faut au préalable une intuition sensible : on connait que ce qui est
dans le temps et/ou dans l’espace ; ce qui peut être constaté, perçu
dans notre géométrie « classique ». Et il ne peut y avoir de
connaissance au-delà du temps et de l’espace sensible même si on peut
le penser. Ce n’est pas le réalisme qui dicte les conditions mais c’est
le sujet qui constitue, décrit l’objet (ex : table.
Lacan met cette proposition en perspective et prenant plusieurs
exemples. Et il va évoquer la situation d’apesanteur :
« Le cosmonaute est dans une gravitation qui ne lui pèse pas. (…) Que
transporte-t-il avec lui d’une intuition, pure ou pas, mais
phénoménologiquement définissable, de l’espace et du temps ? »
A partir de cet énoncé plusieurs questions s’ouvrent : les dimensions
de l’espace et du temps ne peuvent pas être réduites à leurs
perceptions naïves (gauche/droite, de bas en haut, etc ; dans l’espace,
tous ces repères sont chamboulés). Que peut-on en déduire de
l’intuition (ou de l’identification, si on peut le formuler ainsi) au
temps et à l’espace au regard de l’esthétique transcendantale ? Autre
question que je me suis posée : y a-t-il une théorie psychanalytique de
l’espace et du temps, par le moyen de la topologie ? (Spontanément
concernant l’espace ça m’a fait associé au plan projectif) Qu’est-ce
que la psychanalyse peut nous enseigner sur l’espace ? (Par exemple, il
y a ce qu’on appelle les trous noirs, qui sont justement structuré
comme un tore)
Lacan remarquera également que la situation d’apesanteur n’empêche pas
le cosmonaute de toucher ou tourner les boutons, d’être en pleine
possession de sa motricité. La « maitrise » du corps reste préservée
dans une certaine mesure (qu’est-ce qu’il en est des rapports sexuels
dans l’espace, est-ce que c’est possible, comment etc… C’est important
notamment pour les voyages dans l’espace, pour assurer la reproduction
de l’espèce). Il y a , par exemple un ingénieur Ken Jenks qui a écrit
un document « Cosmic Love » ou il étudie les meilleurs positions pour
que l’acte sexuel soit possible. Il semblerait qu’en l’absence de
gravité, les fluides ont tendance à aller le bas du corps donc est-ce
qu’une érection est possible ? Ça reste un mystère, d’autant plus que
la NASA dément formellement qu’un acte sexuel ait pu avoir lieu, même
si des couples mariés ont déjà été ensemble dans l’espace.
D’autre part ça questionne également la motricité de manière plus large
: ça m’a fait penser aux mouvements et la motricité chez le nouveau-né
voir même d’ailleurs dans le ventre de la mère ? Peut-on penser une
analogie entre ces mouvements désordonnés et ce cosmonaute en état
d’apesanteur, de flottement ?
A la fin de cette leçon, il développe la question du nombre et du trait
unaire que j’ai peiné à articuler au reste de la leçon. Mais j’ai pensé
que ça pouvait être en lien avec la détermination de la conjoncture
subjective qu’il évoque plus tôt, notamment son calcul. Lacan évoque la
primauté de l’écriture, qui est la forme de ce trait unaire et qui
marque le statut du sujet et sa « petite » différence. De là, plusieurs
questions me sont venues : De quelle écriture est-il question ?
L’inconscient compte-il avec l’autre pour se constituer lui-même comme
différent ? Comment le trait unaire peut nous interroger sur cette
conjoncture subjective étant donné que le sujet va se marquer lui-même,
(se compter) du trait unaire ? Mais il se compte à partir d’un vide :
(de Kant) « leerer Gegenstand ohne Begriff. » c’est-à-dire un objet
vide sans signification / sans poignée, qu’on ne peut pas attraper,
saisir (griff = poignée, begreifen). Mais c’est surtout sur le vide, le
rien que Lacan va insister : ce n’est que d’un vide et donc d’un réel
inaugural qu’un sujet peut se constituer.
Leçon 12 Alain Harly
Leçon 13 Elisabeth de Franceschi
Rappel de Lacan : la veille au soir, à la SFP, Daniel Lagache a
présenté une communication sur la sublimation . Son intervention reste
présente à l’esprit de Lacan durant toute cette leçon d’où la structure
de cette leçon : d’abord une partie introductive sur le lien entre
psychanalyse, érotique et névrose ; ensuite la poursuite de la
présentation de la genèse du sujet, à travers les trois « manques »
d’objet (ou : de l’objet) : privation (suite directe de la leçon XII)
et frustration (la castration étant abordée dans la leçon XIV).
I Psychanalyse, érotique, sublimation et névrose
Il y a un lien entre la « recherche » poursuivie par Lacan dans son
séminaire donc un lien entre la psychanalyse et la visée d’une «
érotique ».
La chrétienté entretient un rapport notoire avec les difficultés de
l’érotique, même si la révélation paulinienne (laquelle fait valoir la
grâce, succédant à la Loi ) porte sur l’amour voué au père (ce qui
constitue un dépassement de la religion juive, à laquelle Freud s’est
rattaché jusqu’à la toute fin de sa vie, voir la fin de son Moïse) ;
dans notre société, les principes du droit sont « issus directement
d’un catéchisme qui n’est pas sans rapport avec cette révélation
paulinienne », estime Lacan. Selon ce dernier, pour les chrétiens,
l’accès à la jouissance, en 1962, consiste principalement à faire
l’amour, or cela se passe « assez mal » ; et il en va de même dans les
zones géographiques ayant subi l’influence de notre société, marquée
par « l’acculturation chrétienne ».
En matière d’érotique, que penser des normes de la tradition dans notre
société ? Elles s’incarnent dans la subsistance du mariage en tant
qu’institution sociale. Le mariage persiste même dans la société
communiste, où il revêt des traits petits-bourgeois : on peut donc
considérer le mariage comme un trait social de notre conditionnement ;
les insatisfactions qui en découlent pointent le conflit permanent du
sujet humain avec les effets de cette loi du mariage (voir de même
l’existence de la névrose dans toutes les sociétés humaines).
Mais « que veut dire la névrose » c’est-à-dire : qu’est-ce que la
névrose cherche à nous dire ?, et de quoi est faite son « autorité » ?
demande Lacan en réalité, ici, Lacan s’intéresse davantage au névrosé
qu’à la névrose. Le névrosé doit-il être considéré comme un « inadapté
» (qui témoignerait en fait des faiblesses existant dans l’organisation
sociale) ?
Le névrosé nous révèle une structure : son désir est le même que le
nôtre. La « dignité du névrosé » consiste en un point : « il veut
savoir » De fait, l’inventeur de la psychanalyse est Anna O., non
Freud. Selon Lacan, le névrosé « veut savoir ce qu’il y a de réel dans
ce dont il est la passion, à savoir, ce qu’il y a de réel dans l’effet
du signifiant ». Le désir de l’être humain est proprement impensable
sinon dans ce rapport au signifiant et aux effets qui s’y inscrivent ;
en tant que « névrose vivante, le névrosé est lui-même ce signifiant »
: la névrose est un cryptogramme à déchiffrer ; par conséquent, le
névrosé est « un signifiant, rien de plus. Le sujet qu’il sert est
ailleurs, c’est son inconscient le sujet au sens propre, c’est le
sujet de l’inconscient.
En tant que névrose, le névrosé est donc un signifiant cette
affirmation renvoie à la définition lacanienne du signifiant : « ce qui
représente un sujet pour un autre signifiant » : le névrosé représente
un sujet caché, pour un autre signifiant, et « sa névrose vient
contribuer à l’avènement de ce discours exigé, d’une érotique enfin
constituée. Lui … n’en sait rien et ne le cherche pas ». Et en ce qui
concerne la signification de la psychanalyse par rapport à cet
avènement « exigé » d’une érotique, Lacan renvoie aux poètes qui ont
rêvé « convenablement » à une érotique future par exemple Arnaut
Daniel pour ce qui est de l’amour courtois , et ont abouti à des
singularités bizarres, mais éclairantes quant à la sublimation.
Suit un rappel fait par Lacan :
- la sublimation, pour Freud, est inséparable d’une contradiction :
dans toute activité sublimatoire, la visée de jouissance subsiste et
est en un certain sens réalisée.
- la sublimation ne comporte ni refoulement, ni effacement, ni même
compromis avec la jouissance.
- mais il y a paradoxe et détour : dans la sublimation, la jouissance
est obtenue par des voies en apparence contraires à la jouissance.
En effet, le médium qui intervient dans la jouissance pour donner accès
à son « fond » (c’est-à-dire à la Chose) ne peut être aussi qu’un
signifiant. D’où « l’étrange aspect » pris par la Dame dans l’amour
courtois : il y a identification de la Dame à un signifiant.
Mais qu’est-ce qui définit le névrosé ? Le névrosé veut savoir cf.
Œdipe dans Œdipe Roi, cf. aussi la leçon XI. Le névrosé veut savoir le
pourquoi et le comment ; pour ce faire, il se livre à une
re-transformation de ce dont il subit l’effet :
il veut re-transformer le signifiant en ce dont il est le signe signe
= ce qui représente quelque chose pour quelqu’un.
Le névrosé ne sait pas :
- que c’est en tant que sujet qu’il a fomenté l’avènement du signifiant
en tant que le signifiant est l’effaçon principal de la Chose N.B. :
la transcription de Valas p. 91 et l’édition ALI 2000 p. 179, écrivent
toutes deux : « la ch. », sans majuscule, tandis que l’édition ALI 2020
inscrit une initiale majuscule
- que « c’est lui, le sujet, qui, en effaçant tous les traits de la
Chose idem en ce qui concerne la majuscule ou pas au terme “Chose”,
fait le signifiant ».
Le névrosé veut effacer cet effacement, il veut faire que cet
effacement ne se soit pas produit ; cf. le comportement de
l’obsessionnel : « ce sur quoi il revient toujours …, c’est de faire
que cet avènement à la fonction de signifiant ne se soit pas produit »,
et « qu’on retrouve ce qu’il y a de réel à l’origine, à savoir, de quoi
tout ça est le signe », mais cela ne fait que renforcer cet avènement «
et il ne peut en abolir l’effet » (Lacan annonce qu’il reviendra sur ce
point en distinguant les trois espèces de névroses : phobie, hystérie
et obsession).
Cf. la double visée de la recherche faite par le séminaire, en ce qui
concerne l’identification :
- il est impossible de ne pas poursuivre sur l’arête suivie : l’analyse
a pour visée eschatologique une érotique.
- mais il s’avère impossible aussi sans maintenir la conscience du sens
de cette visée, de « vous débrouiller avec ce fait que même chez les
gens les plus normaux et en appliquant pleinement les normes, ça ne
marche pas. » C’est ainsi qu’aujourd’hui N.B. : ceci est proféré par
Lacan en 1962 ; cependant la situation a-t-elle vraiment changé depuis
lors ?, dans la perspective du désir, il n’y a même pas de bons
mariages.
II Privation et genèse du sujet
Lacan reprend alors le fil de son discours au niveau de la privation
cf. la leçon précédente ; rappel : la privation se définit comme le
manque réel d’un objet symbolique, l’agent de la privation étant le
Père imaginaire : à « l’étape » de la privation, le sujet est
symbolisé par ( 1) N. B. : il s’agit d’un sujet qui n’est pas encore
venu au jour, ce qui renvoie au tour forcément pas compté (compté en
moins dans la meilleure hypothèse) que le sujet a fait (tour du vide
intérieur qui se trouve au centre du tore).
La fonction de ce ( 1) soit du sujet comme négation se rapporte au
fondement logique de toute possibilité d’une affirmation universelle
(c’est-à-dire à la possibilité de fonder l’exception : l’exception ne
confirme pas la règle mais l’exige transcription Valas p. 92, cf.
aussi l’édition ALI 2000 p. 181 : « et c’est ça d’ailleurs qui exige la
règle », ou plutôt, la règle exige l’exception cf. l’édition ALI 2020
p. 201, dernière ligne : « et c’est ça d’ailleurs qu’exige la règle ».
cf. aussi un propos tenu par Lacan au cours de la leçon X : dire que «
c’est l’exception qui justifie la règle » est une connerie « profonde
». De même, sur le quadrant de Pierce, la seule véritable assurance de
l’affirmation universelle est l’exclusion d’un trait négatif (« il n’y
a pas d’homme qui ne soit mortel »), juge Lacan.

en haut : schéma Valas bas p. 91 ; au-dessous : schéma ALI éd 2020 p.
202 : sur le quadrant de Pierce, le quart en haut et à droite, où il
n’y a pas de traits, est dit « 1 ».
Cette référence ne doit pas être comprise comme une déduction du
processus tout entier à partir du symbolique : à ce niveau, la part
vide du quadrant de Pierce (la part 1, en haut et à droite) doit être
encore considérée comme détachée, fait observer Lacan ; et le sujet
comme ( 1) en lui-même n’est pas subjectivé ; il n’est donc encore
question ni de savoir, ni de non-savoir : pour que se produise quelque
chose de l’ordre de « l’avènement » du sujet, il faut que « tout un
cycle soit bouclé », et le privation est le « premier pas » de ce cycle
: privation réelle selon la tradition voir le tableau des trois
manques de l’objet, tel qu’il se constitue au cours du séminaire IV, ou
tel qu’il figure à titre d’illustration dans le texte de la leçon XI du
présent séminaire, le 28 févr. 1962, dans l’édition ALI 2020, p. 173 ;
« ce n’est qu’après un assez long détour que le sujet » peut accéder à
ce savoir de son rejet originel édition ALI 2020, bas p. 202, savoir
qui le rejette et savoir à rejeter, dans la mesure où il est toujours
en-deçà ou au-delà « de ce qu’il faut atteindre pour la réalisation du
désir ».
Par conséquent, « si le sujet parvient à l’identification »,
c’est-à-dire « à l’affirmation que c’est τὸ αὐτό [to auto] le
même, que de penser et être », νοεῖν καὶ εἶναι [nœïn kaï eïnaï] , à
ce moment-là, « il se trouvera lui-même irrémédiablement divisé entre
son désir et son idéal. »
Selon Lacan, ceci démontre la structure « objective » du tore (N. B. :
le terme « objectif » est d’usage classique en ce qui concerne le
domaine des idées, et il est employé dans ce sens jusqu’à Descartes)
cf. dans le présent séminaire le début de la leçon IV du 06-12-1961,
qui renvoie à Descartes, « Méditation troisième », dans Œuvres et
Lettres, Gallimard, « Pléiade », p 284-300 ; ceci au cours d’un
développement de Lacan sur « le fait objectif que A ne peut pas être A
», voir l’édition ALI 2020 p. 51, l’édition ALI 2000 fin p. 50 et p.
51, la transcription Valas p. 21 : le tore apporte une dimension de
réel, à savoir de « parfaitement touchable », et dans le tore, chacun
des tours se définit comme un 1 « irréductiblement différent » : pour
que cette vérité symbolique (dans la mesure où elle suppose le comput,
c’est-à-dire le comptage) soit fondée dans le réel (« s’introduise dans
le monde », déclare Lacan), il faut et il suffit que « quelque chose »
(c’est-à-dire le trait unaire) soit apparu dans ce réel N.B. : dans
tout ce passage, le terme « réel » est employé par Lacan au sens de «
réalité » me semble-t-il. Ce 1 « donne toute sa réalité à l’idéal » :
selon Lacan en effet, l’idéal se définit comme « tout ce qu’il y a de
réel dans le symbolique » ajout pendant la discussion : en effet,
l’idéal du moi est lié au trait unaire, ainsi que Lacan l’a dit au
cours de la leçon II, le 22 novembre 1961, affirmant que l’idéal du moi
se déploie à partir du trait unique ; ceci, à cause de la possibilité
de substitution liée au trait unique.
Aux origines de la pensée (à l’époque de Platon), le 1 a entraîné
l’adoration, la prosternation ; dans une élation affective, il était le
bien, le beau, le vrai, l’être suprême. Or ici Lacan opère un
renversement : en fait le 1 n’a que « la réalité d’un assez stupide
bâton » donc il n’est pas à glorifier.
Le premier chasseur qui fit des encoches sur une côte d’antilope ne
savait pas compter, il devait donc nécessairement graver des coches
pour que toutes les fois où il avait chassé ne se confondent pas. Par
conséquent, le sujet (non subjectivé dans un premier temps) est
d’abord objectivement la privation dans la Chose du tour non compté la
transcription Valas écrit « la chose » avec une minuscule, idem pour
l’édition ALI 2000 p. 182, mais l’édition ALI 2020 p. 204 porte, elle,
une majuscule : « cette privation qu’il ne sait pas qu’il est », dit
Lacan.
À partir de là, selon Lacan, « le sujet va se constituer comme désir,
et il y a rapport de cette constitution à cette origine, ce qui va nous
permettre de commencer d’articuler quelques rapports symboliques
concernant la structure de désir du sujet » nous allons mettre le
sujet « en équation de désir », écrit la version Staferla, « en
fonction de notre expérience » (cf. le sous-titre de la Phénoménologie
de l’esprit, de Hegel : Wissenschaft der Erfahrung, “science de
l’expérience”), « ce qui risque de modifier la notion que nous avons de
la fonction du sujet ».
III Frustration et genèse du sujet
rappel : la frustration se définit comme le manque imaginaire d’un
objet réel, l’agent du manque étant la mère symbolique ; la privation
est définie comme manque réel d’un objet symbolique, l’agent du manque
étant le père imaginaire ; la castration est le manque symbolique d’un
objet imaginaire, l’agent du manque étant le père réel.
La frustration introduit la possibilité pour le sujet d’un nouveau pas
« essentiel », nous avertit Lacan : en effet, le 1 du tour unique, qui
distingue chaque répétition dans sa différence absolue, vient au sujet
non pas du ciel, mais d’une expérience constituée pour ce sujet :
- 1° par l’existence, avant sa naissance, de l’univers du discours.
- 2° par la nécessité, impliquée par cette expérience, du lieu de
l’Autre tel que défini par Lacan antérieurement cf. le schéma L,
introduit dès 1955 dans le séminaire II, Le moi dans la théorie de
Freud et dans la technique de la psychanalyse, et repris au cours du
séminaire IV sur La relation d’objet et les structures freudiennes.
Ici le sujet va conquérir « l’essentiel », c’est-à-dire ce que Lacan a
appelé la « seconde dimension » (à savoir le manque imaginaire de la
frustration, après le manque réel de la privation), qui est fonction
radicale de son propre repérage dans sa structure, « si
métaphoriquement nous appelons structure de tore cette seconde
dimension en tant qu’elle constitue l’existence de lacs irréductibles à
un point ».
C’est dans l’Autre que cette irréductibilité (ou duplicité) des deux
dimensions vient s’incarner, et s’expérimenter par le sujet, du fait
qu’elle n’est sensible (le sujet étant celui de la parole) que dans le
domaine du symbolique.
Le schématisme du tore aide à l’appréhension de ce phénomène, et est
utilisé par Lacan pour ce faire.
L’objet de son désir, le sujet ne cesse de le dire : acte d’imagination
davantage qu’acte d’énonciation selon Lacan, ce qui suscite en lui une
« manœuvre » de la fonction imaginaire, fonction présente dès
qu’apparaît la frustration.
Rappel : dans Les confessions (Livre I, chap. 7, 9) de Saint Augustin,
le passage sur l’invidia « Un enfant que j’ai vu et observé était
jaloux. Il ne parlait pas encore, et regardait, pâle et farouche, son
frère de lait. » N. B. : à mon sens, l’invidia (littéralement :
“l’envie”) est quelque chose de différent de la jalousie, sentiment qui
renvoie directement à l’œdipe ; l’envie suppose une relation à l’objet
« antérieure » à celle qui existe dans la jalousie : l’objet de l’envie
est réifié, l’objet de la jalousie est humanisé ; dans les familles
incestuelles ou incestées, il y a souvent une importance déterminante
de l’envie : ceci dans le cadre d’une relation particulière,
préœdipienne, à l’objet de la convoitise et/ou du désir ; le texte de
Saint Augustin montre bien l’importance de la perte (essentielle à la
métonymie) et du moment d’éveil de la passion jalouse dans la
constitution de l’objet de satisfaction (le sein) et du vœu de
possession de cet objet.
Lacan souligne que la révélation imaginaire
fait le sens et la fonction de la frustration : l’autre (petit autre)
dont je suis jaloux est mon frère, non pas mon semblable mais mon image
(et c’est cette image qui est l’image fondatrice de mon désir) ; si la
privation réelle sert à la fondation du symbolique, l’image de la
frustration imaginaire, en tant qu’elle est fondatrice, révélatrice du
désir, va se placer dans le symbolique (c’est-à-dire dans l’Autre et
dans le discours déjà constitué avant la naissance de l’infans : par
l’intermédiaire de sa mère, de sa nourrice, on lui parle).
Donc : un « croisement » se produit, du fait de la dimension de
l’Autre, entre le désir et la demande : le névrosé va tenter de faire
passer dans la demande ce qui est l’objet de son désir, d’obtenir de
l’Autre la satisfaction de son désir (au lieu de la satisfaction de son
besoin), à savoir d’en obtenir l’objet, alors que l’objet du désir ne
peut se demander : le désir échappe à la demande idée qui sera reprise
au cours de la leçon XIV.
En conséquence, le sens de l’existence du surmoi (découvert par Freud)
s’affiche dans les phénomènes névrotiques de dépendance au sein des
rapports du sujet à l’autre, ainsi que dans les tentatives, par le
sujet, de conformer son désir à la demande de l’Autre.
L’impasse du névrosé réside dans le fait que pour son désir, il lui
faut la sanction d’une demande. La demande adressée à l’autre (sa
conjointe, ses parents, etc.) se renouvelle tour plein après tour
plein, insérée par les édition ALI 2020, p. 207 ; la transcription de
Valas porte le p. 94, et il en va de même dans l’édition ALI 2000, p.
185 lacs de la demande, en fonction de la revenue du besoin. Le cercle
élidé (cercle vide) vient matérialiser l’objet métonymique présent sous
toutes ces demandes.

schémas Valas p. 94 ; cf. éd. ALI 2020, fig. XIII-2 et 3 p. 207
La construction topologique d’un autre tore permet d’imaginer
l’application de l’objet du désir (symbolisée par le cercle interne
vide du premier tore) sur le cercle plein du second tore qui constitue
une boucle, un de ces lacs irréductibles.

schémas Valas p. 94, et édition ALI 2020, fig. XIII-4, haut p. 208
Inversement, le cercle (plein) d’une demande sur le premier tore vient
se superposer dans le second (c’est-à-dire dans le tore support de
l’autre imaginaire de la frustration) au cercle vide.

il n’y a pas de schéma dans la transcription de Valas ici ; voir éd.
ALI 2020, fig. XIII-5, bas p 208
Il y a donc une interversion (le désir chez l’un correspond à la
demande chez l’autre, le désir chez l’autre correspond à la demande
chez l’un) qui forme le nœud où se coince toute la dialectique de la
frustration ; et cela entraîne une possible dépendance des deux
topologies.
En conséquence, l’espace de l’intuition kantienne doit être annulé
(aufgehoben) comme illusoire : en effet, la topologie du tore est une
topologie des surfaces (tout en conservant la notion de volume du
système), qui ne recourt pas à l’intuition de la « profondeur ». Du
point de vue de transcription de Valas, p. 94 : « l’espace exigé », et
édition ALI 2000, fin p. 186 l’espace, exigé éd. ALI 2020, p. 209,
les deux espaces (l’intérieur et l’extérieur), dont la substance est
uniquement topologique, sont les mêmes cf. ici la figure de la « mise
à plat des 2 tores », transcription Valas fin p. 94, édition ALI 2000
p. 186, et édition ALI 2020 p. 209, fig. XIII-6 ; ci-dessous :
seulement le schéma de Valas.
Déjà dans le rapport de Rome , la propriété de l’anneau (qui symbolise
la fonction du sujet dans ses rapports à l’Autre) cf. leçon XII était
la suivante : l’espace de son intérieur et l’espace extérieur sont les
mêmes cf. leçon XVII : à partir de là, le sujet construit son espace
extérieur sur le modèle d’irréductibilité de son espace intérieur.
Un tel schéma montre la carence de l’harmonie idéale entre objet et
demande (ou entre demande et objet) : selon Lacan, entre les deux, il y
a une « nécessaire discordance » ou dysharmonie, que démontre
l’expérience.
L’objet du désir est l’effet de l’impossibilité pour l’Autre de
répondre à la demande : l’Autre, quel que soit le désir, ne saurait y
suffire, laissant « à découvert » la plus grande part de la structure,
assure Lacan ; le sujet n’est pas enveloppé dans le tout (ce serait une
illusion que de le croire) : au niveau du sujet qui parle, l’Umwelt
n’enveloppe pas son Innenwelt.
Lacan présente ensuite un développement sur la relation du sujet avec
le grand Tout.
Si l’on imagine le sujet par rapport à la sphère idéale cosmique
infinie (modèle intuitif et mental de la structure du cosmos), l’image
intuitive du sujet serait celle d’un trou dans cette sphère, et son
supplément serait représenté par deux sutures : voici un trou
quadrangulaire dans un plan indéfiniment prolongé, lequel serait
l’image de la sphère.

schéma Valas p. 95, ou édition ALI 2020 XIII-7, p. 210
Première suture : coudre ensemble un bord avec le bord opposé, en
laissant libres les deux autres bords : on obtient deux trous qui
restent dans la sphère de surface infinie
fig. Valas p. 95, ou édition ALI 2020 p. 210, XIIII-8
Deuxième suture : on tire sur chacun des bords de ces deux trous, ce
qui constitue « le sujet à la surface infinie, comme constitué en somme
par ce qui est toujours un tore, même s’il a une besace de rayon
infini, à savoir une poignée émergeant à la surface d’un plan »

en haut : Valas fig. p. 95 ; au-dessous : éd. ALI 2020 p. 211, XIII-9,
XIII-10 et XIII-11
Cela vient imager la relation du sujet avec « le grand Tout » : pour ce
« recouvrement de l’objet », à la demande, si l’autre imaginaire est
ajout de l’édition ALI 2020, p. 211 ainsi constitué dans l’inversion
des fonctions du cercle du désir avec celui de la demande, l’Autre,
pour ce qui est de la satisfaction du désir du sujet,
doit être défini
comme sans pouvoir c’est-à-dire que l’Autre ne peut pas satisfaire le
désir du sujet.
Or, selon Lacan, « avec ce sans émerge une nouvelle forme de la
négation où s’indiquent à proprement parler les effets de la
frustration. Sans est une négation mais pas n’importe laquelle, c’est
une négation-liaison » que matérialise bien, dans la langue anglaise,
l’homologie conformiste des deux rapports des deux signifiants within
“à l’intérieur de” et without “à l’extérieur de”, “en dehors de”,
“sans”. Cette négation peut être définie comme une « exclusion liée
qui déjà en soi seule indique son renversement », observe Lacan.
Un pas de plus conduit au pas sans : dans la dialectique du désir,
l’Autre transcription Valas p. 96 : « l’autre » est à la fois sans
pouvoir et pas sans pouvoir.
- 1° L’Autre n’a pas le pouvoir de satisfaire le désir du sujet.
- 2° Cet Autre est la métaphore du trait unaire (c’est-à-dire le lieu
où se succèdent ces 1 tous différents les uns des autres dont le sujet
est la métonymie) ; en conséquence, il est « comme-un » édition ALI
2020, p. 212 ; Lacan signale ici un jeu de mots : l’expression est
aussi à entendre « commun » « comme 1 » transcription Valas p. 96 ;
il n’est pas sans pouvoir, car il a cette valeur unique de remplacer
tous les 1, en une régression infinie ; d’autre part lui seul est à
l’origine possible du désir comme condition, même si cette condition
reste en suspens.
Pour cela, il est « comme pas un » : il donne au (1) du sujet une
autre fonction, qui s’incarne d’abord dans la dimension de la métaphore
présentifiée par le « comme » ; « comme pas un » est le niveau de la
troisième dimension c’est-à-dire la dimension symbolique, celle de la
« conditionnalité absolue du désir », cf. prochaine leçon, portant sur
le niveau du troisième terme donc sur le champ du symbolique, avec la
castration, introduction de l’acte de désir comme tel, de ses rapports
au sujet, à la racine de ce pouvoir, et à la réarticulation des temps
de ce pouvoir ; Lacan va revenir en arrière sur le pas possible pour
marquer le chemin qui a été accompli dans l’introduction des termes
pouvoir et sans pouvoir.
Discussion : dans la genèse du sujet, il faut concevoir une
temporalité logique et non forcément chronologique
Cf. Daniel Lagache, « La sublimation et les valeurs », dans
Œuvres,
vol. V, PUF, 1984 : il s’agit d’une conférence initialement prononcée
le 13 mars 1962 à l’une des séances « scientifiques » de la SFP.
Cf. Lacan, séminaire V, 1957-58, Les formations de l’inconscient, leçon
du 02-07-1958.
Cf. Lacan, séminaire II, 1954-55, Le moi dans la théorie freudienne et
dans la technique de la psychanalyse, leçon du 08-06-1955.
Cf.
Edward Westermarck (1862-1939), anthropologue finlandais, élabora des
théories sur le mariage, sur l'exogamie et sur l'inceste (ce qu’on
nomme « l’effet Westermarck » est décrit dans sa thèse comme un
mécanisme naturel d’évitement de l’inceste : c’est un phénomène
d'empreinte sexuelle inversée, se produisant lorsque deux personnes
vivent en étroite proximité domestique au cours des premières années de
la vie de l'une ou de l'autre : toutes deux deviennent insensibles à
l'attraction sexuelle) ; opposé aux théories de Freud concernant
l’Œdipe, Westermarck, arguant qu'en fait historiquement la monogamie
avait précédé la polygamie, s’est inscrit en faux contre l'opinion,
alors dominante, selon laquelle les premiers êtres humains vivaient
dans la promiscuité sexuelle.
Entre autres ouvrages, en français :
Origine du mariage dans l’espèce humaine, Guillaumin, 1875 ; sa thèse :
Histoire du mariage humain (The History of Human Mariage, 1891,
traduction française Payot, 1934-1945) ; Études de sociologie sexuelle,
1935 ; Les cérémonies du mariage au Maroc (Londres, 1914), traduction
française parue aux éditions Jasmin en 2003.
Définition du signifiant : cf. Lacan, séminaire VII, 1959-1960,
L’éthique de la psychanalyse, leçon du 9 mars 1960.
Cf. Lacan, séminaire VII, 1959-1960, L’éthique de la psychanalyse,
leçon du 09-03-1960, Seuil, 1986, p. 192 : poème d’Arnaut Daniel.
Cf. Parménide, Diels B III, « Τὸ γὰρ αὐτὸ νοεῖν ἐστίν τε καὶ
εἶναι » to gar auto noeïn estin té kaï eïnaï.
Note de l’édition ALI 2020, p. 208 : les termes « application » et
(plus loin) « superposition » ne sont pas à prendre au sens géométrique
mais au sens de « correspondance biunivoque » (sans implication
métrique cependant).
Cf. Lacan, Écrits, p. 320-321 ; le rapport
de Rome, intitulé « Fonction et champ de la parole et du langage en
psychanalyse », date de 1953 (Écrits, p. 237-322).
Les leçons 14 & 15 par N Delafond et J Quilichini
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Leçon 14 Katia Mesmin
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Leçon 15 Marion Goupy
Leçon 16 Isabelle Prudhomme
Cette leçon pourrait s'intituler « rapport sur l'angoisse ».
Quelques points essentiels, collectés ainsi, sont mis en question :
− la notion de rapport
− le serrage de la notion d'angoisse
− « la distance (soulignée) qui sépare l'Autre de La Chose » en
définissant chaque terme.
− le champ du désir et celui de la demande, avec le medium du phallus
− l'identification au désir de l'Autre, au mort, au phallus et les
structures psychiques
Lacan débute cette leçon par un aparté, s'adressant aux membres de son
auditoire présents à un congrès, qui s'est tenu peu de jours avant (la
dernière réunion de la société provinciale). Il souhaite revenir sur
son insatisfaction à l'endroit de ses élèves, qu'il semble s'être
abstenu de formuler lors de ce congrès. Forme d'auto-reproche qu'il
s'adresse à lui-même en plus de s'adresser à ses élèves. Je reprends
son propos, « chacun sait que quelque chose qu'il dise (à ces congrès)
il participe de quelque indécence, de sorte qu'il est bien naturel
qu'il ne s'y dise que des riens pompeux, chacun restant pour
l'ordinaire vissé dans son rôle à garder » . Son insatisfaction porte
plus particulièrement sur l'intervention d'un de ses élèves, au sujet
de la question de l'angoisse. Je le cite, « qui de l'angoisse, a fait
le support et le signe et le spasme, de la jouissance d'un soi
identifié (...) identifié exactement comme s'il n'était pas mon élève
(…) avec ce fonds ineffable de la pulsion comme du coeur, du centre de
l'être, justement où il n'y a rien ! » .
Il me semble que Lacan reprend là la division du sujet, par opposition
à la perspective soutenu par son « élève », perspective qu'il définit
comme jungienne, où le sujet rejoindrait l'être, où l'être serait
possiblement unifié (par différenciation avec ce qu'il définira plus
tard comme le parlêtre : il n'y a de l'être que parce qu'on parle).
Lacan va débuter dans cette leçon donc par la question des rapports -
rapport qui introduit un écart. Un rapport sur l'angoisse, plutôt que
discours, qui fait précieux dit-il, rapport du tore, au vide qui est au
centre, rapport sexuel au manque, soutenu par le signifiant phallique.
Rapports « pas sans » l'avoir, qu'il s'agisse de l'angoisse ou du désir
: « l'accès du désir exige que le sujet ne soit pas sans l'avoir » ; «
l'accès au désir réside dans un fait, dans ce fait que la convoitise de
l'être dit humain ait à se déprimer inauguralement » , répondant ainsi
« au vide constitutif du centre d'un sujet »6, comme dit plus loin
Lacan.
Il évoque au passage le mythe de la vierge folle dans la tradition
judéo-chrétienne (parabole, d'après l'évangile selon Matthieu, au terme
de laquelle les vierges folles sont condamnées à veiller, ne
connaissant ni le jour, ni l'heure, n'ayant pas anticipé leur passage
dans le royaume en se dotant d'huile pour s'éclairer, notamment, à la
différence des vierges sages). Mythe qui répond à celui de la misère
dans le Banquet de Platon : lors du festin donné chez les dieux pour la
naissance de Vénus, Pénia vint demander quelque chose et s'avisa que
Poros s'était retiré endormi dans le jardin de Jupiter ; elle décida
dans sa détresse d'avoir un enfant de Poros, ainsi naquit l'amour,
conçu le même jour que la naissance de Vénus, son compagnon et
serviteur ; pauvre, maigre, défait, sans domicile, quasi mourant,
toujours misérable, en digne fils de sa mère, et aussi, robuste,
entreprenant, habile, enchanteur, florissant, plein de vie, suivant le
naturel de son père. « Tout ce qu'il acquière lui échappe sans cesse »
, si bien qu' « il tisse perpétuellement quelque invention » .
Autant de figures composant avec le manque, ou le manque du manque, au
travers par exemple de la passion de la vérité dans la tenue
universitaire, le mirage d'un trop désirer ou bien la crainte de
l'aphanisis, qui ne sont toutefois pas à craindre selon Lacan : « il
n'y a qu'une chose à redouter, c'est cette obtusion (manque du manque
?) à reconnaître la courbe propre de la démarche de cet « être
infiniment plat » dont je vous démontre la propulsion nécessaire sur
cet objet fermé que j'appelle ici le tore, qui n'est à vrai dire que la
forme la plus innocente que ladite courbure puisse prendre » . Un
passage à une 3ème dimension à laquelle il nous invite, concomitamment
à la reconnaissance du vide au centre du sujet.
Annonçant que son séminaire de l'année suivante porterait sur
l'angoisse, il précise le point de défaillance de la présentation faite
sur l'angoisse au congrès, défaillance étant celle d'un centre, ne
venant pas recouvrir toutefois le vide du centre.
Lacan formule cette boussole, du « rapport de l'angoisse au désir de
l'Autre ».
Ainsi que par la suite, il vient « ponctuer un certain nombre de
repères premiers » :
− « la jouissance en tant que jouissance de la Chose est interdite en
son accès fondamental » - enseignement de l'année du séminaire sur
l'Ethique,
− dans cette suspension, suspension de jouissance, « gît le point
d'appui où va se constituer comme tel et se soutenir le désir »
− l'Autre se présente comme métaphore de cette interdiction, en tant
que son support c'est le signifiant pur, le signifiant de la loi : «
dire que l'Autre c'est la loi ou la jouissance en tant qu'interdite,
c'est la même chose »
Lacan précise à la suite de cela, la causalité de cette erreur de son
élève, évoquée plus avant : « C'est un extrême auquel on peut être
amené quand on est dans une certaine erreur qui repose toute entière
sur l'élision de ce rapport de l'Autre à la Chose en tant
qu'antinomique» .
Distinction posée ensuite plus précisément : « L'Autre est à être, il
n'est donc pas. (La dimension symbolique est toujours à être, autrement
dit, elle est susceptible d'être écrasée, collapsée ?) Le seul Autre
réel… puisqu'il n'y a nul Autre de l'Autre, rien qui garantisse la
vérité de la loi …le seul Autre réel étant ce dont on pourrait jouir
sans la loi. Cette virtualité définit l'Autre comme lieu : la Chose -
en somme - élidée, réduite à son lieu, voilà l'Autre avec un grand A »
. (L'Autre réel serait ainsi la Chose, tandis que la Chose réduite à
son lieu, la Chose symbolique somme toute, deviendrait Autre ?) L'Autre
est à être, il n'est donc pas, il renvoie toutefois à cette réalité «
du lieu où se déploie la chaîne signifiante » .
Une fois cette distance réaffirmée entre la Chose et l'Autre, il va
serrant son propos sur l'angoisse, énoncer : 1) cela passe par le désir
de l'Autre ; 2) il nous rappelle que « le désir de l'homme c'est le
désir de l'Autre » ; 3) « le produit de mon désir par le désir de
l'Autre, ça ne donne (…) qu'un manque, (-1) : le défaut du sujet en ce
point précis. » .
Cela veut dire, avance Lacan, « qu'il ne peut y avoir aucun accord,
aucun contrat sur le plan du désir » dans cette identification du désir
de l'homme au désir de l'Autre (contrairement au scénario pervers, qui
fait accroire au sujet un contrat possible) ; « ce dont il s'agit dans
cette identification du désir de l'homme au désir de l'Autre, c'est
ceci, que je vous montrerai dans un jeu manifeste : en faisant jouer
pour vous les marionnettes du fantasme, en tant qu'elles sont le
support, le seul support possible de ce qui peut être, au sens propre,
une réalisation du désir » . L'Autre a « un autre » derrière lui ou
au-delà, petit autre, dans cette configuration, de « réalisation » du
fantasme.
Rencontrer le désir de l'Autre réel, c'est en ce point que nait
l'angoisse :
« l'angoisse c'est la sensation du désir de l'Autre » . Après une
illustration de ce propos par la mante religieuse de 3 m de haut face à
son mâle d'un petit peu plus de la moitié de sa taille qui mire son
image dans l'oeil à facettes de sa femelle : Lacan dit, c'est ça
l'angoisse. (Cela n'est pas sans rappeler l'angoisse de certains
enfants face aux adultes, qui peinent à ratatiner ce grand Autre
imaginaire). Lacan propose au sujet de revêtir la dépouille et les
insignes du mâle : l'angoisse c'est quand les insignes du sujet sont
méconnues du sujet lui-même, quand « je ne sais pas ce que je suis
comme objet pour l'Autre » (le manque d'objet est du côté du je).
« Si je ne me sais plus objet éventuel de ce désir de l'Autre », le
danger apparaît en somme, la figure de l'Autre devient mystérieuse,
l'Autre ne peut plus être constituée en objet. Mais peut y apparaître
un désir, dans ce lieu de l'Autre. C'est cela l'angoisse, nous dit
Lacan.
Dernier point abordé dans cette leçon : les différents biais que trouve
le névrosé pour s'en arranger du rapport au désir de l'Autre. Ce désir
est inclus d'abord nécessairement dans la demande de l'Autre.
« Ce qui est angoissant, presque pour quiconque, pas seulement pour les
petits enfants, mais pour les petits enfants que nous sommes tous,
c'est - dans quelque demande – ce qui peut bien se cacher de cet X, de
cet X impénétrable et angoissant (...) qu'est-ce qu'il peut bien à cet
endroit vouloir ? » C'est la fonction phallique qui donne la mesure de
ce champ à définir à l'intérieur de la demande, c'est-à-dire le champ
du désir.
Je ne connais pas le désir de l'Autre, angoisse ! Mais j'en connais
l'instrument, le phallus. Qui sert donc de medium entre demande et
désir. Ce qui peut signifier continuer les principes de papa, ne pas
faire d'histoires, comme dit Lacan, mais comme papa n'a plus de
principe, ça se complique. Tant que papa est là, autour de lui
s'organise le transfert, autour de 1/phi, « unité de toute articulation
du champ du désir », « le prolongement vivant de la loi du père, du
père comme origine de tout ce qui va se transmettre comme désir » .
La femme, ne l'a pas, le phallus et n'a qu'à le désirer. Toute la
dialectique du complexe de castration chez elle introduit l'Oedipe. La
voie nécessite moins de détour que pour l'homme.
L'homme, pour que son phallus puisse servir à ce fondement du champ du
désir, il va falloir qu'il le demande pour l'avoir, demande
s'inscrivant dans un « passage transitionnel à travers cette
habilitation par la loi » .
« Cette préservation nécessaire du champ de la demande qui humanise,
par la loi, le mode de rapport du désir à son objet, voilà ce dont il
s'agit à ce point et ce qui fait que le danger pour le sujet est, non
pas (…) comme on le dit dans toute cette déviation que nous faisons
depuis des années, (…) que le danger pour le sujet n'est pas d'aucun
abandon de la part de l'Autre, mais de son abandon de sujet à la
demande » . La demande humanise.
Le sujet en somme « développe la constitution de son rapport au phallus
étroitement sur le champ de la demande » , demande qui n'a pas de
terme. Pour instaurer ce champ du désir, il faut que le phallus soit
demandé. L'Autre ne peut en faire le don sur le plan de la demande.
C'est dans la mesure où la thérapeutique ne permet pas de « sortir du
cercle propre à la demande, qu'elle bute, qu'elle se termine à la fin
sur cette forme revendicatoire, cette forme inassouvissable »28,
c'est-à-dire Penisneid chez la femme et angoisse de castration non
résolue chez l'homme.
Lacan s'interroge dans cette fin de la leçon sur ce que font
l'hystérique et l'obsessionnel en cet endroit du désir de l'Autre comme
tel, dans ce champ phallique qu'il définit à l'occasion comme
l'intersection de deux frustrations.
L'hystérique sait que le désir de l'homme est le désir de l'Autre, et
donc l'Autre peut parfaitement dans cette fonction du désir, la
suppléer, elle. « L'hystérique vit son rapport à l'objet en fomentant
le désir de l'Autre - avec un grand A - pour cet objet » . Voire la
figure de l'intrigante raffinée : la fonction du phallus peut toujours
ici « passer de l'un à l'autre des deux partenaires de l'hystérique » .
Pour l'obsessionnel, le « champ du désir est constitué par la demande
paternelle, en tant que c'est elle qui préserve, qui définit le champ
du désir comme tel en l'interdisant » . « Le sujet a le phallus, il
peut même à l'occasion l'exhiber, mais c'est le mort qui est prié de
s'en servir » . Ce qui produit des affects d'angoisse beaucoup plus
fréquemment chez l'obsessionnel que chez l'hystérique, pouvant compter
plus aisément sur la complaisance de l'Autre, que sur celle d'un mort.
Chez le phobique, l'angoisse semble « maitrisée », « par
l'intermédiaire de cet objet dont déjà l'ambiguité, à lui, nous a déjà
été assez soulignée entre la fonction petit (a) et la fonction petit
(phi) » .
Le sujet demande le phallus et le phallus désire ; « ce qui en effet
dans l'expérience se modèle, se module autour de ce rapport du sujet au
phallus en tant que, vous le voyez, il est essentiellement de nature
identificatoire, et que s'il y a quelque chose qui effectivement peut
provoquer ce surgissement d'angoisse lié à la crainte d'une perte,
c'est le phallus » .
« Il y a la crainte de perdre le phallus, parce que seul le phallus
peut donner son champ propre au désir. »35
Séminaire « L'identification », téléchargé sur le site
http://www.valas.fr/IMG/pdf/S9_identification.pdf, p. 326.
Ibid., p. 321.
Ibid., p. 327.
Ibid., p. 322.
Ibid., p. 323. 6 Ibid.
Jacques Dufresne, article sur le site :
http://agora.qc.ca/documents/desir_amour_beaute_dans_le_banquet_de_platon,
consulté le 26/2/21.
Ibid.
Séminaire « L'identification », téléchargé sur le site
http://www.valas.fr/IMG/pdf/S9_identification.pdf, p. 324.
Ibid., p. 326.
Ibid., p. 327.
Ibid.
Ibid.
Ibid., p. 328.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Ibid., p. 329.
Ibid.
Ibid.
Ibid., p. 330.
Ibid., p. 332.
Ibid., p. 333.
Ibid., p. 334.
Ibid., p. 334.
Ibid., p. 335.
Ibid., p. 335. 28 Ibid.
Ibid., p. 336.
Ibid., p. 337.
Ibid.
Ibid.
Ibid., p. 338.
Ibid., p. 339. 35 Ibid.
Leçon 17 Rima Traboulsi
Plan de la leçon
A - Intro
a) de la nécessite d’un 2ème tour
b) impasses de la logique propositionnelle et celle d’Euler, quand on
introduit la négation. Intérêt du 8 inversé ou 8 intérieur
c) usage de la topologie des surfaces pour sortir de la captation
imaginaire du plan à 2 dimensions.
B – Tracés sur le tore et mises à plat
Le tore comme lieu possible d’inscription des différentes sortes de
cercles, lacs et coupures, illustration de la demande et du désir.
a) tracé du huit inversé
b) tracé de différents cercles d’Euler
c) répétition de la demande et du désir, réversibilité des 2
C- caractéristiques du tore et impasses
a)
irréductibilité structurale et importance du trou ne permettent pas de
rendre compte de la dissymétrie entre les cercles D et d. Nécessité
d’introduire autre chose.
b) L’introduction de la sphère comme 3ème dimension ne résout pas la
non symbolisation de la dissymétrie du tore.
c) Recours utile au 8 intérieur et premiers pas vers la construction du
cross-cap.
A- Intro
Lacan,
débute la leçon en nous informant qu’à la différence de ce qu’il avait
annoncé dans la fin de la leçon précédente, il n’évoquera pas le
phallus si ce n’est sous la forme de huit intérieur, forme peu
tranquillisante.

Fig. 1 : le huit intérieur
Il insistera sur
la nécessité d’y revenir à ce signifiant évoqué précédemment mais cette
fois-ci pour montrer ce dont il s’agit, ce qu’il veut dire quand on
l’utilise sur le tore.
Revenant sur ce qu’il avait développé
concernant l’angoisse et son lien au désir de l’Autre, il admet qu’il «
répète », en quelque sorte, ce que Kierkegaard avait dit et il souligne
que répéter est différent de dire.
(Idée de la nécessité d’au minimum un 2ème tour pour que ça se boucle).
Pour
démontrer son usage de la topologie comme nécessité incontournable,
Lacan prendra appui sur l’usage du « ou » non traité de manière adaptée
par les logiciens, jusqu’à une époque récente, ce qui suppose que les
effets des avancées ne nous soient pas encore parvenus. Preuve en est
que, dans le moindre texte analytique, la pensée achoppe encore dès
qu’il s’agit du terme « identification » ou de la pratique d’identifier
quoi que ce soit dans notre champ d’expérience.
Il faut, dit-il, repartir des schémas inébranlés de la pensée intuitive
pour se rendre compte :
-
qu’ils sont très saturés par le sens visuel et nous mettent face à
notre propre impuissance visuelle. C’est aussi le cas avec le tore, «
il nous embrouille », il a fallu à Lacan de l’exercice pour tirer du
tore (figure simple de l’anneau) une quelconque suggestion ou pratique.
(nécessité de faire et répéter, encore et encore… )
- de leur
liaison avec « l’instruction ». En effet, toute la théorie d’Euler au
lieu d’ouvrir la logique classique, l’a rendue évidente (donc fermée).
La faute en revient à tout ce qui a entouré l’entité « princesse », qui
renvoie aux lettres adressées aux princesses qui tiennent une place
très présente dans la culture, sorte de suppléance de la Dame et
approche de la structure de la sublimation courtoise que Lacan nous
avait développé dans l’Ethique. Euler en a écrit 241 à une certaine
princesse, pour expliquer (mais pas que, on peut supposer que quelque
chose de son désir y est impliqué!!!) par l’intermédiaire de ses
cercles, les règles du syllogisme, de l’exclusion, de l’inclusion et du
recoupement de 2 champs.
Cercles et règles applicables à la
logique propositionnelle (quand P est V…), à la logique relationnelle
(où une relation existe) ou à la logique de classe ou simplement à
l’existence (où un objet existe)
et permettant leur appréhension par le support d’une démonstration.
Exemple de la logique des classes :

Fig 2 : les mammifères font partie des vertébrés.
Or
si on introduit la négation : si A’ est non A, il faut préciser dans
quoi il est non A, par ex dans B. En d’autres termes par rapport à quel
ensemble quelque chose est nié.

Fig 3 : A’= non A dans B
Lacan
pointe la nécessité de séparer la négation au niveau de l’énonciation
(elle est constitutive), de la négation au niveau de l’énoncé.
Toutefois,
le statut de la négation est à définir ailleurs que dans la distinction
de la logique des relations d’avec celle des classes. La logique qui
nous intéresse c’est celle du signifiant.
Boole et Morgan,
successeurs d’Euler, ont néanmoins introduit une originalité
primordiale quant à la distinction de la fonction de la négation ; dans
leur usage des cercles, ils ont permis une symbolisation, en fonction
de la position des cercles, à savoir :

Fig 4 : les cercles Fig 5 : leur réunion Fig 6 : leur
intersection.
A noter que :
- La réunion est différente de l’addition
- Le champ de l’intersection se trouve inclus dans le champ de la
réunion
-
Dans l’algèbre de Boole, la réunion jusqu’à un certain point peut être
« analogue » à l’addition, d’où la possibilité d’utiliser le symbole +.
L’intersection, elle, est structurellement analogue à la
multiplication, symbolisée par x.
Tout ceci est un rappel
simplificateur pour introduire ce qui était, jusqu’à Morgan, éludé mais
qu’il a mis en évidence et qui nous intéresse à savoir le champ
constitué par l’extraction de la zone d’intersection, dans la réunion
de 2 ensembles.

Fig 7 : C’est ce qu’on appelle la différence
symétrique qui marque un « ou » d’exclusion. Idem dans la Fig 9 : A ou
B. (L’appellation « différence symétrique » ne dit rien d’autre que
l’exclusion de l’intersection)
Fig 8 : C’est le vel, A ou B dans le
sens d’un ou A ou B, impliquant la possibilité d’une identité locale
(L’intersection est incluse).
Lacan rappelle que le champ visuel
nous réduit toujours à 2 dimensions, l’usage du cercle permet de
délimiter un intérieur et un extérieur, ceci étant le ressort simple de
l’usage des cercles d’Euler dans la logique.
A partir de là, Lacan
pose la question de ce qui se passerait si à la place d’un cercle on
utilisait le huit intérieur ? Celui-ci peut par exemple, nous permettre
de sortir du paradoxe de Russel introduit par la classification des
ensembles « qui ne se comprennent pas eux-mêmes » paradoxe relatif à la
fonction du signifiant et dont la difficulté logique est :

Fig 11 : Sachant que :
- EE = ensembles qui se comprennent eux-mêmes
- E-E = ensembles qui ne comprennent pas eux-mêmes
On
aboutit au fait que le recouvrement d’une classe, d’une relation portée
à la puissance 2, la rend « plus pesante , plus accentuée » et a pour
effet de la rendre homogène à ce qui est à l’extérieur. Ce qui nous met
fasse à une impasse logique.
(On y entend bien cette dimension de s’inclure et en même temps de
s’exclure.)
C’est
à ce point précis, que Lacan propose d’utiliser, intuitivement, sa
représentation sur le tore, étant donné que ce dont il s’agit est un
certain rapport du signifiant à lui-même. Le signifiant ne saurait se
signifier lui-même, pour le faire, il doit se poser comme différent à
lui-même.
(A = A et A ≠ A)
C’est ce qu’il s’agit de symboliser en
1er et qu’il s’agit, par extension, de retrouver dans toute structure
subjective et même dans le désir. (p276)
Illustration chez un patient obsessionnel… (Pour qui la demande ne se
boucle pas et ne permet donc pas de définir son désir.)
B- Tracés et mises à plat
Retour sur le tore, pour y inscrire par étapes, les cercles d’Euler
puis le huit intérieur (Exercices démonstratifs).
Lacan
rappelle que d’un point de vue topologique, il n’y a aucune nécessité
que le tore soit régulier, c’est une surface constituée selon certaines
relations fondamentales (de voisinage, peu importe les déformations
introduites, tant qu’elles conservent ces relations).
Il existe plusieurs espèces de cercles ou « lacs » pouvant être
dessinés :
1°)
cercles réductibles à un point, ils ne traversent aucun trou. Fig 12 et
13. Si on découpe selon ces tracés, on se retrouve avec 2 morceaux.

2°)
cercles irréductibles à un point, ils traversent le trou central du
tore (où se trouve l’axe) appelés cercles pleins car persiste toujours
l’épaisseur du tore : Fig 14. Si on découpe Fig 15 : on a une manche,
ici pas de morceau qui reste, la manche obtenue est un tore (avec
allongement des dimensions). (Pas de changement dans la structure).

3°)
cercles irréductibles à un point, ils ne traversent pas le trou central
mais en font le tour (idem l’âme qui fait le tour de l’axe) appelés
cercles vides : Fig 16. Si on découpe, Fig 17 : la ceinture obtenue est
une manche, avec dimensions très courtes et très larges, donc un tore.

Donc avec 2 cercles différents, cercle plein et cercle vide, on a la
même structure qui ne définit ni intérieur ni extérieur.
1ère étape :
Si
on fait les 2 coupures à la suite sur le tore, (cercle plein et vide
qui se recoupent), celui-ci reste bien tout entier, symboliquement
représenté par un rectangle.
Fig 18, 19, 20 et 21


On peut reconstituer le tore en recollant AB à DC puis AD à BC.
La mise à plat permet d’étudier ce qui se passe géométriquement sur le
tore.
1 : c’est un type de cercle et 2 : l’autre.
x et x’, ainsi que y et y’ étant des points opposés mais équivalents
(on peut les coller).
Question
: où, nous mène, tout ceci ? Réponse : au fait que ces 2 sections qui
se recoupent ne changent rien à la structure. Il n’y a aucune
fragmentation dans la structure. (Cf remarque bas de page 281: on
appelle genre, le nombre maximale de coupures fermées disjointes
faisables sans que la surface soit séparée en plusieurs morceaux).
2ème étape :
Si
on fait 2 sections autour du trou central (de l’axe) qui se recoupent,
nous voyons apparaître la différence symétrique Fig 22. (Intersection
exclue)

Mais est-ce que le champ de la différence symétrique existe
? Fig 23 nous montre que non car (1) et (2) sont d’un même tenant, en
continuité et correspondent au complémentaire de la différence
symétrique tracée sur le tore.

A plat, Fig 24 : On a cercle A,
cercle B et AB. Si on appelle A1, la négation de A (se situant dans la
demi-lune de B ) et B1, la négation de B (dans la demi-lune de A )
alors A1B1 est le champ extérieur dans le dessin.

Démonstration que
2 champs qui se recoupent et qui peuvent définir leur différence
symétrique n’en sont pas moins 2 champs qui ne peuvent se réunir, ni se
recouvrir, ni introduire un « ou… ou » ni servir à une multiplication
par soi-même ; ils ne peuvent se réfléchir l’un dans l’autre, ils n’ont
pas d’intersection, celle-ci est exclusion d’eux-mêmes ; on est donc
dans le non champ.
Etape suivante :
Remplacement des 2 cercles
par le huit intérieur, Fig 25. On a là 2 cercles qui font le tour du
trou (central) du tore, cercle qui se reprend lui-même à l’intérieur de
lui-même, cercle qui à la limite se redouble et se ressaisit dans son
auto-différence. C’est-à-dire cercle qui symbolise cette limite en tant
qu’elle s’identifie à elle-même et qui a rapport (cf leçons
précédentes) avec l’objet métonymique, objet du désir.

La double boucle enserrant le vide où se niche l’objet a du désir.
Fig 25 ici le champ définit par a2 est le même que non a ou (-a).
Lacan
propose là, « un modèle », support intuitif qu’on pourrait appliquer à
la constitution du désir, support de l’auto-différence du désir à
lui-même.
C’est dans le redoublement du désir à lui-même que nous pouvons saisir
que ce qu’il enserre, se dérobe.
Lacan
précise que son intention, dans l’introduction de la double boucle,
n’est pas de symboliser, réellement le désir mais la conjonction du
petit a, de l’objet du désir avec lui-même. Car pour supporter la
dimension du désir « d » dans la surface du tore, il faut y introduire
la dimension de la demande « D ».
La demande est représentée par
la répétition des cercles pleins enserrant l’épaisseur du tore avec
comme caractéristique de cette demande : l’identité et la distinction
nécessaire de chaque tour (le fil autour de la bobine), son déroulement
et le retour sur elle-même, ceci étant supporté par la structure du
tore.
Lacan veut attirer notre attention sur un cercle privilégié,
un lac qui fait en même temps le tour du trou du tore (l’axe) et le
traverse.
Fig 26 : Boucle D+d qui peut imager les relations structurales de la
demande et du désir.

A
partir de là, si on envisage 2 cercles D+d, 2 possibilités se
présentent selon que ces 2 cercles (D+d) sont distincts ou se
prolongent (se croisent) :
1° : Fig 27 : quand 1 et 2 sont
distincts, pas de répétition, (pas de duplication) même si les 2
demandes passant par le trou, enserrent le même objet a inclus dans
leur périmètre.

2° : Fig 28 : quand se prolongent, il s’agit du huit intérieur, on a un
trajet de la reduplication de la demande. 2(D+d)

Mais
in fine, ces 2 demandes sont analogues, dans leur tracé sur le tore au
tracé de la reduplication de l’objet du désir lui-même. Les 2 tracés
renvoyant à la même dimension centrale constituée par le vide du désir.
(p287).
Lacan propose ces « exercices » sur le tore avant de lui
donner une valeur métaphorique permettant l’articulation du rapport du
désir et de la demande dans diverses situations cliniques, de
schizophrénie, d’obsession…
Par la suite, Lacan va reprendre les
différents exemples déjà abordés mais en recourant au tore déployé, mis
à plat (c’est-à-dire grâce à 2 coupures successives qui se recoupent et
ne changent rien à la structure.)
1° Fig 29 : mise à plat de la
différence symétrique des cercles d’Euler, pour montrer qu’il n’y a pas
de symétrie entre les 4 champs pris 2 à 2.

2° Fig 30 : de même avec
le huit intérieur (faisant le tour du trou central 2d), c’est encore
plus évident qu’il n’y a pas de symétrie, les champ hors « a » étant en
continuité.

3° Fig 31 : si on prend les 2 D incluant le trou central
2(D+d) mais ne se recoupant pas, les 2 cercles n’ont aucun privilège
entre eux, il y a donc une différence symétrique.

4° Fig 32 : si on prend le huit intérieur donc 2(D+d) qui se
prolongent, la mise à plat met en évidence l’auto-différence.
En
quoi, poursuit-il, les champs de différence symétrique et d’auto-
différence sont utilisables et en quoi ils se soutiennent comme
existant par rapport à un autre champ qu’ils excluent ? (p290)

(Remarque : Par rapport à notre question sur l’identification : 1≠des
autres1 et 1= et ≠de lui-même)
C - Caractéristiques du tore et impasses
En
fait, Lacan a développé la fonction dissymétrique pour nous montrer que
le tore, de par sa structure comme surface permet très difficilement de
symboliser sa dissymétrie.
Preuve en est, Fig 33 : en partant du
rectangle, c’est-à-dire de la mise à plat, la construction du tore est
possible de 2 façons, c’est la fonction réciproque des cercles des 2
tores.

L’utilisation de cette fonction permet d’illustrer la
projection des cercles du désir d’un sujet avec les cercles de la
demande de l’Autre. Fig 34, subsiste toujours la différence des cercles
pleins et vides.

Remarque : on pourrait, par une notation,
différencier les 2 manières de fermer le tore : Fig 35, mais ceci
serait complètement artificiel car en topologie les deux sont pareils.

C’est
bien parce que nous ne considérons le tore que comme surface que nous
pouvons considérer une certaine réversibilité entre les cercles de la
demande et du désir.
Lacan insiste pour dire que ce n’est pas le modèle qu’il désire.
(Ici on reste dans un registre imaginaire à 2 dimensions)
C’est
de la structure topologique du tore, avec le privilège de son trou
central que nous pouvons tirer profit, d’autant plus qu’il a tendance à
fuir et nous échapper.
Lacan rappelle :
- que les mathématiciens,
ont souligné ce qui distingue le tore, des autres surfaces, à savoir sa
fonction d’être irréductible à une forme normale. C’est-à-dire qu’il ne
peut être réduit à autre chose qu’à un tore.
- Dans toute
représentation de surface compacte, c’est-à-dire décomposable en
lambeaux, le tore doit y être planifié mais il ne suffit pas à lui
seul, il faut lui adjoindre d’autres termes : la sphère, éventuellement
un autre tore, le cross-cap et le trou.
Pour finir et tenter de
formaliser cette question de la dissymétrie en même temps que ce qui
échappe dans le tore, Lacan commence par adjoindre la sphère au tore,
comme 3ème terme, pour symboliser cette dissymétrie : Fig 36 : tore
comme poignet accrochée à une sphère.

Puis du fait qu’au début de
tout formalisme, quelque chose échappe et que toute surface
formalisable peut être réduite à une forme normale, il nous propose
donc de considérer une sphère avec 2 tores (donc présence de trous) et
un cross-cap (forme qu’il cite qu’il n’explicite pas là et dont il ne
fera rien à ce stade, ceci dans le but de nous faire saisir ce qui nous
échappe)
Dans les Fig 37 et 38, il nous invite par les manipulations
topologiques décrites à envisager le tore extérieur comme homogène au
tore intérieur par retournement et déformations continues pour aboutir
à la Fig 39 du tore pris dans la sphère, démontrant ainsi l’échec de
symbolisation de la dissymétrie du tore à lui-même malgré l’adjonction
de la sphère comme 3ème terme. Ce qui se manifeste, ici, c’est ce qui
est introduit par le huit intérieur, à savoir la possibilité d’un champ
intérieur toujours homogène avec le champ extérieur.



Remarques :
Les
différents tracés (ou lacs) sur le tore figurent les parcours de la
chaine signifiante qui anime le sujet et correspondent aux contraintes
du langage. Les coupures, elles, sont les actes de la parole.
Si
l’on considère le huit intérieur comme un tracé du signifiant sur le «
tore-corps », ne pourrait-on voir là l’illustration de l’inadéquation
de la notion dedans – dehors telle qu’elle est utilisée par certaines
approches psychologiques ?
En conclusion de la leçon, Lacan remet à plus tard, l’utilisation des
éléments développés dans cette leçon…
Leçon 18 Jean-Jacques Lepitre
C’est une leçon principalement occupée par un exposé de Piera Aulagnier
à la demande de Lacan. On peut décomposer cet exposé en 3 parties.
1°) Elle origine sa réflexion de la différence qu’il y a lieu de faire
entre l’angoisse elle-même, son vécu, qui est sans mot, où le moi se
dissout, n’a plus la médiation de la parole, et la traduction verbale
de l’angoisse, sa verbalisation, qui alors ne mérite plus à proprement
parler le nom d’angoisse, puisque transformant en communicable ce qui a
été vécu au niveau du corps. C’est pourquoi il ne lui semble pas
pertinent de tenter de distinguer un contenu de l’angoisse à proprement
parler, que ce soit oral, de castration, ou de mort. Dans l’angoisse il
y a écroulement de tout repère identificatoire possible, le propre du
sujet angoissé est d’avoir perdu son contenu. Plus justement, plutôt
que de chercher le contenu de l’angoisse, il s’agit d’en chercher la
source. Ici, elle reprend ce qu’indique Lacan, à savoir la figure de
l’Autre, soudain mystérieuse, ce lieu d’où surgit un désir qu’on ne
peut plus appréhender. Ici, elle fait une incise à propos de l’angoisse
en analyse qui peut surgir de l’opacité du désir de l’analyste. Pour
préciser la source de l’angoisse : c’est que le moi serait en impasse
face à un obstacle situé entre les deux lignes fondamentales de la
structure subjective que sont l’identification et la castration. Pour
celle-ci elle fait rappel de la leçon 16, du 4 avril : à savoir que la
castration est le passage de ce qui est le support naturel du désir, le
pénis ou autre, à l’habilitation par la loi, le pénis devenant le
phallus, c’est-à-dire le signifiant du désir. Là où était la
représentation d’un émoi corporel doit venir un signifiant, pour que, à
partir d’un sujet et non d’un objet partiel, pénis ou autre, puisse
prendre sens le mot désir. Le pénis n’est qu’un instrument au service
du signifiant phallus, qui, lui, distingue le sujet à condition que
l’Autre le reconnaisse, non pas justement en tant que ce support
naturel, pénis ou autre support en ce qu’il en est pour une femme, mais
bien en tant que sujet qui est ce signifiant que l’Autre reconnaît de
sa place de signifiant lui-même.
Elle prend l’exemple de l’orgasme, moment où la jouissance, comme
l’angoisse note-t-elle, ne peut pas s’exprimer symboliquement,
puisqu’alors à le faire, il ne serait plus. Elle critique les auteurs
qui y voient une fusion primitive et régressive. Selon elle il s’agit
d’un moment où le sujet atteint cette identification toujours fuyante
où il est reconnu par l’Autre comme objet de son désir et en même temps
comme signifiant phallique, par la jouissance de cet Autre. En cet
instant, fugitivement demande et désir coïncident donnant au moi cet
épanouissement identificatoire dont la jouissance tire sa source. Mais
si le désir est désir de continuité, la jouissance est instantanée,
d’où l’écart se reconstituant entre désir et demande, et la relance de
celle-ci. Ceci lui permet d’aborder par différence ce qui, hors de cet
idéal, se produit lorsqu’un des deux partenaires est fixé à l’objet
partiel, ce qui exclut que l’autre y soit comme sujet. Elle précise,
selon elle, l’angoisse de castration, c’est moins qu’on lui coupe, au
sujet, même si c’est ainsi que ça se verbalise, mais qu’on lui coupe
tout le reste, c’est-à-dire qu’on veuille de son pénis ou autre,
l’objet partiel, , la source et support du plaisir, mais qu’on le
méconnaisse, lui, elle, qu’on le nie comme sujet. C’est pourquoi
jouissance et angoisse sont en rapport étroit.
Ceci posé, elle va pouvoir examiner les fondements de cet objet dans sa
dimension de médiation entre le sujet et l’Autre, entre demande et
désir.
2°) Pour cet examen, elle choisit la phase orale, d’être à la fois la
plus originaire mais aussi d’être le moment fécond pour les psychoses.
Aux cris, aux appels de son enfant la mère répond en les constituant
comme demande mais aussi en les interprétant sur le plan du désir :
vouloir être pris dans les bras, être en colère, etc… Par sa réponse
l’Autre, la mère, donne aux cris du besoin une dimension de désir, mais
cela à partir de son désir à elle, de son fantasme à elle. (cf le
transitivisme de Bergès et Balbo). C’est donc par l’inconscient de
l’Autre que le sujet fait son entrée dans le monde du désir. Son propre
désir, il va le constituer comme réponse, acceptation ou refus, de la
place que l’inconscient de l’Autre lui désigne. Acceptation,
c’est-à-dire identification, ou refus, de l’introjection du désir de
l’Autre. Introjection ? Qu’est-ce à dire ? Ce qui passant par la
jouissance révèle le non formulé au-delà de la demande, à savoir le
désir. Elle s’explique : Le plaisir de l’absorption du lait, devenant
source de la demande, plaisir buccal, se double de ce qu’est la
relation mère-enfant. Cette relation donnera lieu à une absorption
parallèle fantasmatique où les deux, l’enfant et l’Autre, sont
représentés dans leur désir inconscient. Or s’il se peut que les deux
niveaux soient positifs, il se peut aussi qu’ils soient discordants.
Que l’un, celui de l’absorption réelle, de la demande soit positif
alors que l’autre est négatif, ou inversement. C’est cette différence
qui donnera au sein, objet partiel, sa valeur de signifiant.
3°) A partir de ces éléments de base, elle va envisager quatre
configurations des relations entre le sujet, l’objet du désir, et
l’Autre : normalité, névrose, perversion et psychose.
a) La normalité où l’enfant trouve dans le don de nourriture le don
d’amour désiré. Le sein et la réponse de la mère pourront devenir autre
chose. La relation orale pourra être abandonnée. Mais pour que l’enfant
puisse assumer cette castration, soit renoncer au plaisir du sein, il
faut que la mère elle-même ait assumé sa propre castration. L’enfant
pour elle n’est pas un équivalent phallique au niveau d’une érogénéité
corporelle pour elle, mais ce qui la constitue comme mère, c’est-à-dire
femme du père. Le don de nourriture est symbole de don d’amour et non
de don phallique, ce que l’enfant pourtant désire et qui maintient son
rapport à la demande, mais qu’il aura à chercher ailleurs, ce qui le
dirige vers le complexe de castration…
b) La névrose : lorsque, pour la mère, la castration est restée mal
assumée, l’enfant risque de devenir pour elle l’équivalent phallique
qu’elle désire. Et c’est cette équivalence enfant-phallus qui est au
centre de la genèse des structures névrotiques. Le sujet aura au cours
de son évolution à affronter le dilemme de l’être ou de l’avoir,
quelque soit l’objet corporel qui en est le support, sein, pénis,
etc... Il sera devant le dilemme identificatoire : soit être celui qui
l’a, mais de n’avoir pu accéder au niveau symbolique et d’en être resté
au support naturel cela signifiera pour lui en avoir châtré l’autre,
soit être celui qui l’est, mais à être ainsi l’objet du désir de
l’autre, il doit renoncer à être sujet du désir. Ce conflit
identificatoire : être agent de la castration ou être le sujet qui la
subit est au cœur de la névrose.
c) La perversion, la troisième configuration, souvent définie comme
l’inverse de la névrose l’est aussi concernant l’identification, et le
conflit identificatoire. Le pervers lui n’a pas le phallus mais ne
l’est pas non plus. Il est l’objet ambigu d’un désir qui n’est pas le
sien. Il tire sa jouissance de l’identification ni à l’Autre, ni au
phallus, mais à un objet procurant la jouissance à un phallus dont il
ignore l’appartenance. Pour le pervers, l’autre n’a pas d’existence,
sinon comme support anonyme, ou quasiment, d’un phallus pour lequel il
accomplit ses rites. (démonstration exemplaire de Wanda).
L’identification perverse se fait en fonction de l’objet source de
jouissance pour ce phallus aussi puissant que fantasmatique. Elle
critique les abords de la perversion purement descriptive,
symptomatique et sous le seul angle sexuel. Cela ne permettant pas
selon elle de distinguer les pseudo-perversions névrotiques des
perversions. Ainsi un sadisme, une agressivité ne sont pas absents chez
l’obsessionnel de même que la culpabilité chez le pervers. Mais là où,
chez l’obsessionnel, l’agressivité, le sadisme, relation anale, sont
sur le mode de la possession de l’objet ou dont on est l’objet, ( « qui
aime bien, chatie bien », et la fessée donnée ou reçue est signe
d’amour, et prémisse à une jouissance, que celle-ci soit orale, anale
ou vaginale. Alors que pour le sadique la fessée n’est pas un signe
d’amour mais la possibilité de faire jouir un phallus dont la
jouissance est la seule voie pour le pervers à sa propre jouissance.
C’est dans ce zig-zag entre objet, phallus et sa propre jouissance que
consiste la position perverse.
d) La quatrième configuration est celle de la psychose. Elle expose les
choses de façon un peu massive. Revenant aux origines, au temps même de
la grossesse, pour la mère, l’enfant serait l’objet partiel comblant un
manque fantasmatique au niveau de son corps à elle. Dès sa naissance,
l’enfant sera l’objet témoin de sa négation de sa castration. En
conséquence la participation du père est niée. Dans ce cas, ce n’est
pas l’enfant qui est le phallus mais le sein. Et un sein-phallus tout
puissant, tel qu’il n’est pas concevable que sa réponse ne soit pas
parfaite et totale. D’où ce qui s’en suit : toute demande de l’enfant
ne peut être reconnu qu’au niveau de ce que le sein comble,
c’est-à-dire la nourriture, et tout désir, se situant au-delà de la
demande, ne peut être que lettre morte. S’ensuit également, concernant
la parole, que toute demande porte en elle du coup la mort du désir, et
l’enfant n’aura d’autre solution que de faire coïncider symbolique et
réel, dans la mesure où quoiqu’il demande c’est de la nourriture qu’on
lui donne, et au lieu que le don de nourriture se symbolise dans le don
d’amour, ici tout don d’amour ne peut se signifier que par une
absorption orale. Aimer l’autre, en être aimé, c’est absorber ou être
absorbé. Entre demande et désir, ce sera toujours conflictuel. S’il
maintient sa demande, elle le détruit comme sujet. S’il tente d’être
sujet d’un désir, il devra aliéner la partie corporelle source de
plaisir. Soit il aliène son corps comme support de son moi,
c’est-à-dire comme sujet, soit il aliène une partie de son corps
support d’une possible jouissance. L’identification n’est pas ici un
concept applicable si celle-ci implique une relation d’objet où le
désir du sujet et le désir de l’Autre sont en relation. Chez le normal,
le névrosé, ou le pervers, toute tentative d’identification peut se
faire à partir du désir supposé de l’Autre, soit à s’en faire l’objet,
soit à s’y refuser. Et l’angoisse survient de ce que le désir de
l’Autre, à partir duquel se constituait le sujet, devient, survient
comme indéfinissable, et où il apparaît qu’être l’objet du désir de
l’Autre n’est soutenable qu’à pouvoir le situer par rapport à notre
propre désir. Mais être l’objet d’un désir inconnu, c’est être un objet
dont les enseignes n’ont plus de signification puisqu’ils sont
indéchiffrables chez l’Autre, c’est le moment où l’image dans le miroir
n’a plus de signification. Dans l’angoisse ce n’est pas seulement le
moi qui se dissout mais l’Autre également. La jouissance et l’angoisse
sont deux positions extrêmes où peut se situer le moi. Dans la
première, le moi et l’Autre se reconnaissent quant à leur désir et
leurs enseignes, dans l’angoisse ils se dissolvent faute de désir
repérable.
Dans la psychose les choses sont un peu différentes. Il y a bien
l’angoisse et la perte de tout repère possible. Mais la source de
l’angoisse est endogène, car c’est son propre désir. Comment cela se
fait-il ? Habituellement l’autre nous constitue en nous reconnaissant
comme objet de désir, et sa réponse à notre demande est ce qui produit
l’écart entre notre demande et notre désir. Chez le psychotique cet
écart est interdit, impossible, et il ne laisse qu’un trou à la place
du sujet du désir. Et à la place de l’écart où s’instaure le
symbolique, le phallus donc, symbole du désir, dans ce trou c’est le
fantasme comme télescopage du symbolique et du réel. (? elle répète
cette formule que je ne comprends guère, est-ce S barré poinçon a ? le
sujet entamé par l’objet ? est-ce autre chose ?). Pour le psychotique,
l’Autre serait introjecté dans son propre corps, au niveau de la béance
susdite. Et tout désir ne peut que le renvoyer à cette béance, négation
de lui-même, ou à la négation de l’Autre d’où elle s’origine. Si en
séance, pour le névrosé, c’est notre silence qui révéler les sources de
son angoisse, pour le psychotique, c’est notre parole, en tant que
révélant notre présence, risquant de provoquer son désir. Sans cela,
l’Autre à qui il parle, c’est l’Autre intériorisé. Elle termine par
l’exemple d’un patient schizophrène ayant interrompu ses séances après
la survenue d’angoisse suite au désir qu’il avait pu ressentir pour
elle. Il avait successivement déclaré : « Il s’inquiétait de ce qu’on
disait des membres fantômes, ressentir des sensations de membres qu’on
n’a pas » , « des fantômes, hommes sans corps ressentant des sensations
fausses d’un corps qu’ils n’ont pas », « la crainte que les miroirs ne
mentent, et qu’il faille les choisir »… De son corps pouvait surgir le
désir, ce qui provoquait son angoisse.
Commentaires de Lacan :
Il la félicite mais pas sans restriction. Il la félicite de son emploi
des concepts et des articulations qu’il a amenés, désir et demande
principalement. Il la félicite aussi de la façon dont elle osé parler
de l’orgasme, et aussi de son approche de la perversion, d’en avoir
souligné la dimension structurale. Et pour la question du corps, du
rapport à son corps du psychotique, et du sujet en général. Mais là est
le joint à partir duquel il se fait plus critique. Il rappelle que le
sujet, selon lui, ne peut se penser que comme l’exclu du signifiant qui
le détermine, figure du trou intérieur du 8 intérieur. Si le sujet est
cela, ce champ particulier exclu du champ général du signifiant, ce
dont parle P Aulagnier sous la dénomination de sujet serait plutôt ce
qu’on nomme « la personne », au sens banal, au sens de personne
globale, etc… Il est assez dur de ce qu’il semble dépité de ce qu’elle
n’ait pas pris en compte sa « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache
» qui lui a demandé des mois de travail, dit-il, où il rappelle
l’importance de la dimension spéculaire et particulièrement de i(a), le
moi idéal, que P Aulagnier aurait peut-être du employer plutôt que le
terme de « sujet ». Ce rappel du spéculaire et de son importance, lui
est d’autant plus facile que l’anecdote clinique de P Aulagnier se
termine par son patient évoquant les miroirs. Mais c’est pour rappeler
que s’il avait qualifié l’angoisse comme sensation du désir inconnu de
l’Autre, il note une certaine distance avec ce qu’avance P Aulagnier en
se fondant sur le rapport du désir du sujet au désir de l’Autre, à
savoir de deux désirs déjà constitués. Si l’angoisse coupe la parole,
c’est qu’elle ne peut désigner qui parle, ne peut pas référer à i(a) le
« je » du discours. Dans son apologue de la mante religieuse l’angoisse
provient de ce que dans l’œil de celle-ci, c’est l’image, i(a), qui est
absente, c’est là l’angoisse. Critique de la critique : - Il est
peut-être un peu dur. Car dans sa « remarque sur le rapport de D
Lagache », dans le schéma optique qu’il y produit, i(a), le moi idéal,
se forme sur le miroir plan, qu’il note lui-même A, c’est-à-dire
l’Autre, et l’exposé de P Aulagnier est tout entier dans cette
dialectique, et du coup plutôt éclairant sur ce qu’il avance. (et si
elle n’avait pas raté la question du sujet comme exclu du signifiant
qui le détermine ?)
Il termine la leçon par l’évocation du nœud de trèfle dont il compte se
servir pour illustrer dans les leçons suivantes la structure de ce
qu’il dira, sans plus de précision. Peut-être plus remarquable son
insistance, répétée au long des séminaires, de définir l’espace
accessible psychiquement comme n’étant qu’à deux dimensions, surface
donc. C’est sur celle-ci qu’il inscrit le nœud…
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