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L'Identification
Le séminaire Livre IX
1961-1962
clones
fascination du cross-cap

Jacques Lacan / Epco

Leçons 19 à 26

Atelier "L'identification"
Saison 3 Leçons 19 à 26
26 Mai 2021


Dans cette troisième saison Jacques Lacan poursuit sa quête sur ce qui spécifie l'identité du sujet. On l'a vu dans la saison deux se tourner du côté du désir et de la demande, dans la suite de Freud ayant défini le moi comme surface. Au départ de cette saison trois, rejoignant Spinoza pour qui l'être humain, c'est un être de désir, s'opposant à la tradition philosophique qui en faisait un être de connaissance, Lacan affirme: -"le sujet: c'est le désir", -"le désir, c'est le sujet". Ce que confirment donc aussi bien Spinoza que tout bon dépressif, qu'il soit névrotique ou mélancolique. C'est à partir de là qu'il poursuit son chemin en envisageant une topologie permettant le passage sans rupture entre un intérieur et un extérieur, dans la mesure où "le désir de l'homme, c'est le désir de l'Autre", ce que réalise une surface comme le cross-cap. Y a-t-il encore lieu de distinguer intérieur et extérieur? C'est une question.
Pour commencer à éclairer ces questionnements topologiques quelques éléments, afin de n'en être pas éffrayé: Tout d'abord les différentes illustrations quelles soient celles de l'édition du séminaire par l'ALI ou par Valas, à toute fin utile: illustrations de texte, interrogations personnelles, collections.
Un petit film trouvé sur internet, illustrant de façon simple ce qu'est un cross-cap.On remarquera que les tirets sur les bords opposés viennent se rejoindre.
Mais peut-être pour bien comprendre les diverses manipulations topologiques aux quelles Lacan convie son auditoire faut-il élargir nos connaissances topologiques:
- Une excellente bande dessinée d'initiation à la topologie,"Le Topologicon", de J.P Petit, ancien physicien et chercheur au CNRS, qui a d'ailleurs rencontré Lacan à propos de la surface de Boy. Il a publié d'autres bandes dessinées de vulgarisation disponibles sur le site Savoir sans frontière
- Il faut savoir que le cross cap est une variété possible d'immersion du plan projectif. C'est à dire qu'on ne peut pas représenter le plan projectif dans R3 (l'espace à 3 dimensions) sans auto-intersection ; les 4 immersions classiques du plan projectif dans R3 sont : le bonnet croisé ou cross cap; la surface romaine ; la surface de Boy ; la surface d'Henneberg.
-La compréhension du plan projectif pouvant permettre, me semble t-il,  de mieux appréhender le cross cap lui-même.
Tout d'abord deux articles du site "Mathcurve" de définition et d'illustration du plan projectif et du cross cap.
Ensuite quelques films trouvés sur Youtube autour du plan projectif. Le Plan projectif, également Le plan projectif présenté par J Siboni
Enfin les articles de M Darmon et de B Vandermersch qui sont consacrés au cross cap et son approche par Lacan.
La leçon 20 et une partie de la 21, présentées par nos camarades parisiens

Les vidéos de notre atelier du 29 Mai
Les leçons 19 à 22
Les leçon 25 et 26. Suite à une erreur technique les leçons 23 et 24 n'ont pas été enregistrées.

Leçon 19 Marie Christine Salomon Clisson

…« Ô toi, désir, qui vas chanter… » Et ne voilà-t-il pas
déjà toute ma page elle-même bruissante,
Comme ce grand arbre de magie sous sa pouillerie
d’hiver : vain de son lot d’icônes, de fétiches,
Berçant dépouilles et spectres de locustes ; léguant,
Liant au vent du ciel filiales d’ailes et d’essaims, lais et
relais du plus haut verbe –
Ha ! très grand arbre du langage peuplé d’oracles, de
maximes et murmurant murmure d’aveugle-né dans les
quinconces du savoir…
St John Perse « Vents-1 »

Pour nous mettre en appétence et ne pas caler devant la difficulté. Je pourrais ajouter : « qu’il vienne, qu’il vienne, le temps dont on s’éprenne », avec Arthur Rimbaud, car effectivement il sera question du temps et même d’un espace-temps.

Lacan concluait sa dernière leçon par ces mots : « le point de jonction où pour le sujet se constitue l’image du nœud, l’image fondamentale, qui permet la médiation entre le sujet et son désir, demande à ce que nous établissions des distinctions entre intérieur et extérieur, qui ne peut s’établir à propos de l’image spéculaire. Ce n’est pas ce que nous trouvons dans l’expérience ». Après de nombreux tours et détours, je reviens à la leçon 19 qui sera en quelque sorte la plaque tournante du séminaire l’identification, revenant à l’imaginaire du fantasme articulé à celui du miroir, Lacan pour nous orienter vers ce qui l’intéresse, à savoir le désir.

Comment situer cet obscur objet qui est au cœur de notre expérience ? Par quel truchement pourrons-nous saisir sa forme, sa construction dans l’espace et le temps qui sera celui d’un mouvement logique spécifique, nous révélant le sujet du désir c’est-à-dire le sujet de l’inconscient. Après le tore, il va nous proposer une nouvelle surface topologique, le cross-cap. empruntée aux mathématiciens, surface qu’il va mettre à sa main à l’instar de la linguistique, utilisant le plan projectif en son entier pour mettre en évidence l’objet a, cause de désir qui peut s’en détacher (Réf à la chirurgie du bonnet de Marc Darmon).

Lacan revient sur l’intervention de Pierra Aulagnier, qu’il a appréciée, mais qui ne permet pas de rendre compte valablement de sa formule : « le désir de l’homme est le désir de l’Autre » (réf. à l’article dans ses Ecrits « Subversion du sujet et dialectique du désir ». « Le représentant de la représentation dans la condition absolue est à sa place dans l’inconscient, où il cause le désir selon la structure du fantasme et ajoute : le désir de l’homme est le désir de l’Autre, avec un « de » de détermination subjective qui nous fait entendre que c’est en tant qu’Autre qu’il désire). Une difficulté se présente dès que nous avons à parler du langage, langage inhérent au parlêtre. Comment pourrions-nous penser cet « indicible » au moment où l’angoisse se produit ? Lacan nous propose cette articulation : il y a du dire et, dans le même temps, du pouvant être dit. Il nous met sur le chemin du phallus, ce signifiant qui se spécifiera d’être le point pivot, « indicible », de la constitution de tout objet comme objet de désir.
Lors de son séminaire de 1958, « Le désir et son interprétation, il nous a proposé un graphe avec une formule pour parler du fantasme, « grand S barré poinçon de petit a ». Il y revient précisant qu’il ne situe pas le grand Autre comme référence à un tiers, opérateur d’une médiation entre deux désirs qui permettrait d’établir un rapport ou non de dépendance, il va s’en servir pour saisir le désir lui-même, dans sa structure, avec ses coordonnées spatio-temporelles et leur articulation. La demande ne nous sépare pas du désir, c’est son articulation signifiante qui nous détermine comme désir, il nous l’a dit dans les leçons précédentes. (Le mot articulation nous permet d’entendre lien et séparation en même temps). Il va nous proposer son esthétique transcendantale (1) pour donner sa place au désir et mettre en valeur la fécondité des intuitions spatiales qui seront topologiques et lui permettra de déborder l’intuition. Dire les choses avec des mots d’ordre pour ordonner autrement notre réflexion et sortir de la sphère qui commande notre logique. Sa logique sera celle d’un temps logique articulé à une monstration d’une mise en mouvement de surfaces topologiques. C’est le chemin qu’il choisit.

Il fait cette remarque qu’il n’est pas indifférent, en logique, d’utiliser l’hypothèse ou l’assertion. La première pose Dieu comme la condition d’une certitude sur notre existence. En ce qui concerne le permis et l’interdit, si nous restons dans l’hypothèse il y a du permis parce qu’il y a de l’interdit, nous sommes dans une opposition A et non A, cela ne nous permet pas de saisir comment l’interdit et le permis se déterminent l’un l’autre en laissant une champ ouvert, non exclu, qui les fait se rejoindre dans un mouvement de torsion et qui donne forme à cette clé de voute qu’est le désir. Il s’agit de montrer dans ce processus d’aliénation/séparation, le mouvement logique induit par une assertion de certitude anticipée.

Que le désir s’institue en transgression, comme nous l’avons vu dans l’Ethique, ne veut pas dire qu’une frontière franchie y suffise. Le désir ne commence qu’au-delà, par un autre passage. Cela ne veut pas dire que cette frontière sera donnée par Dieu ni même par le signifiant. Bien sûr, le signifiant y met sa marque, son poinçon. Mais ce qui intéresse Lacan c’est de savoir comment s’est formé ce nœud primordial pour que se fondent, ensemble, dans un même temps logique, simultanément, la Loi comme limite et le désir dans sa forme. C’est la raison pour laquelle il va revenir sur le petit a en tant qu’il ne désigne pas l’autre imaginaire, et que nous puissions le saisir en tant qu’objet du désir. Dans l’identification moïque, il est i(a). Là nous trouvons ce nœud interne où l’Autre est donné sous forme imaginaire alors qu’il ne l’est pas puisque c’est de lui qu’il s’agit quand nous parlons du désir en tant que tel (dans la formule de départ). Lacan est à la recherche de ce petit a, objet originel. Il remonte à la source en tant que nous devons passer par ce temps pour comprendre que cela n’est possible que si sa dépendance au signifiant s’établit au-delà de la demande. C’est la raison pour laquelle il repasse par le graphe du désir qu’il appelle l’instant du regard dans « subversion du sujet et dialectique du désir ». Lacan revient sur l’usage du petit a dans la formule du fantasme S barré poinçon de petit a. Il a bien une fonction imaginaire mais ce n’est pas celle du leurre de l’expérience du miroir avec lequel le moi se constitue.

Il ne nous présente qu’une partie du graphe pour nous montrer l’homologie de position de S barré poinçon de petit a support du désir et de i(a) support du moi, ce qui lui permet d’affirmer que le fantasme est là où le sujet se saisit, à partir du champ de l’Autre sous la forme de cette question « qu’est-ce que ça veut ? » qui deviendra « que veut-il ? » à la condition que quelqu’un ait pris cette place et soit le garant de ce lieu. Cela lui permet de dire que, dans ce mouvement, la fonction du fantasme est homologue à celle du moi idéal, (moi imaginaire), mais qu’elle l’anticipe par une sorte de retour qui fait coupure dans le déroulement du discours. Le sujet va anticiper imaginairement ce qu’il désigne comme moi. C’est le « je » du discours dans sa fonction de shifter. Le « Je » dans le discours, c’est celui qui parle mais celui que le sujet désigne comme son support idéal, cet Autre, il ne peut le faire qu’au futur antérieur, puisque c’est celui qu’il imagine qui aura parlé ou qui aura voulu. Le graphe a une dimension temporelle et il montre le type de nœud que Lacan recherche pour l’identification, fait de deux courbes qui s’entrecroisent en sens contraire, et d’apercevoir que synchronie et simultanéité ne sont pas identiques contrairement à ce que pourrait nous faire croire le dictionnaire. Le graphe supporte le mouvement de succession que Lacan appelle cinétique signifiante. Mais ce qu’il souhaite constituer c’est une dynamique temporelle et il ne pourra y arriver qu’après un repérage topologique de l’espace de la fonction identificatoire en y restituant la tension temporelle qui distingue le rapport de l’angoisse de celui de l’agressivité.

Lacan revient sur le petit a pour saisir l’imaginarisation propre au fantasme. Il va en donner une formule et la figurer. Le petit a est lié au S barré. La fonction du petit a est corrélative à une sorte d’évanouissement du sujet dû à l’usage du signifiant. C’est parce que le signifiant redouble son effet pour se signifier lui-même que le sujet va surgir en tant qu’exclu du champ du signifiant, mais cela ne pourra se produite qu’avec le jeu d’un objet, ce « jeu de la bobine » apporté par Freud, fait d’une alternance de présence et d’absence. Dans la conjonction de S barré avec a, le sujet se fait –a devant le petit a au niveau de l’identification au trait unaire. Le produit de – a par a est - a2 =1 et son symbole mathématique : √-1. Pourquoi tout cela ? Simplement parce qu’il veut rendre compte de la forme à laquelle le désir nous conduit. Nous savons que le désir se trouve dans la répétition de la demande, qu’il en est le moteur. Mais l’automatisme de répétition ne rend pas compte du trait unaire qui ne se répète qu’à la condition d’être un autre, unique. Dans le tore nous avons pu constater qu’un certain nombre de tours de la demande pouvaient se concevoir et quand le mouvement se boucle, définissant une autre boucle, elle dessine l’objet du désir. C’est de cette façon que l’objet du besoin pris dans le mouvement de répétition de la demande devient l’objet du désir. C’est de cette façon que le sein réel devient objet érotique, parce que le signifiant ne peut se signifier lui-même. L’objet sein devient reconnaissable comme signifiant d’une demande latente et prend valeur d’un désir. C’est ce qui fait que la dimension libidinale marque tout désir.

Quel est le facteur de cette transmutation ? C’est la fonction du phallus auquel il va donner un support topologique. Ce n’est pas la queue qui serait la forme imaginaire même si cela y ressemble quand nous l’écrivons phi. Lacan relève un point important : ce phallus n’est jamais autant là que quand il est absent (il brille par son absence).Nous pouvons envisager qu’il soit le point tournant de la constitution de tout objet de désir. Il donne l’exemple de Lolita et l’équivalence « girl-phallus ». C’est le phallus en tant qu’il n’y est pas. Comment avancer sur cette question. Lacan va partir de la sexualité féminine d’une part et d’autre part de la différence de structure entre demande et désir en référence à la formule de Freud : « c’est parce qu’il a à être demandé là où il n’était pas » (qui me fait associer avec « là où c’était, je dois advenir »). Il n’est pas chez la mère. Il y a un chemin où le phallus peut être désiré par la femme : à la mère, par la mère, pour la mère. Je me suis posée la question de savoir en quoi cela serait différent pour l’homme. Si cela arrive qu’il puisse être constitué comme objet de désir, cela doit passer par une première demande, avec cette part fantasmatique où le phallus peut rester indéfiniment objet de demande à celui qui ne peut le donner, avec cette difficulté que le phallus fut d’abord objet de désir. Cette porte d’entrée exige une torsion pour que le phallus entre dans la fonction de l’objet.

Lacan retourne au 8 inversé pour parler de la problématique du champ du signifiant. Le champ de l’intérieur n’est pas aussi simple que celui de l’extérieur. Comme il se redouble, il va avoir cette fonction de se signifier lui-même. Un champ d’exclusion se produit qui a pour conséquence que le sujet est rejeté dans le champ extérieur. La fonction radicale du phallus est d’être un signifiant : il se signifie lui-même mais il est innommable comme tel. Il peut donc être posé sans différer de lui-même. Il a donc un statut particulier. Comment le concevoir intuitivement dans ce temps logique de l’anticipation ? Lacan le pose comme le seul nom qui abolisse toutes les autres nomination, ce qui le rend indicible, Il n’est pas indicible puisque nous le nommons phallus mais on ne peut à la fois (simultanément) le dire et continuer à nommer d’autres choses. C’est sa question de départ sur l’indicible qui implique une articulation : il y a du dire et du pouvant être dit, faite de liaison et de séparation dans un temps logique, celui de ce pas en même temps qui indique un autre temps (et qui revient à l’instant du regard). C’est ce que Lacan va mettre en évidence par une monstration supportée par le cross-cap : cette continuité du mouvement sur une surface qui se déforme à la condition de coupures faites par le signifiant.

Qu’est-ce que cela impliquerait pour l’analyste d’occuper la place du phallus dans la fonction transférentielle ? « le phallus à l’A (S de A barré), c’est ce qui incarne non pas le désirable mais le désirant, bien que sa fonction soit d’introduire n’importe quel objet à la fonction d’objet du désir. L’analyste serait la présence et le support d’un désir entièrement voilé et être cette question : che vuoi ? La fonction transférentielle c’est la fonction de cette relation où le phallus est incarné par l’analyste. Le facteur phi (phallus imaginaire), cette valeur phallique l’analyste la supporte et l’incarne. Cette fonction est redoutable et pose la question de ce que doit être le désir de l’analyste.

Le modèle topologique, le cross-cap, que va nous proposer Lacan dans les leçons qui vont suivre, celui de son esthétique transcendantale, va lui permettre de rendre compte de toutes les fonctions du phallus, à la fois. Il lui faudra une surface close qui aura une valeur homologue à la fonction de la signifiance en tant que fonction de la coupure. Dans les leçons précédentes, il avait fait une coupure dans la surface d’un tore qu’il avait déroulé puis avait projeté la forme du huit inversé et ainsi distinguer un champ limité par cette coupure avec ce qui est au dehors. Il nous propose de prendre une forme qui serait celle d’un cercle mou, de le tordre d’une certaine façon en le repliant et d’avoir devant une languette dont le bas serait en continuité avec le reste des bords, avec cet artifice d’un bord qui sera toujours le même bord. Lacan va reprendre cela très précisément dans les leçons suivantes, je passe donc le relais.

Références, les Ecrits :

. Subversion du sujet et dialectique du sujet
. Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée
. Position de l’inconscient
. La signification du phallus

(1) Notes sur l’Esthétique transcendantale de Kant
Pour Kant, il s’agit l’étude des formes a priori de la sensibilité, à savoir l’espace et le temps. C’est le nom de la première partie de la « critique de la raison pure ». Esthétique vient de aesthesis : théorie du sensible. Kant étudie la sensibilité : faculté de recevoir des représentations des objets matériels qui nous affectent. L’entendement, par contraste, c’est la faculté des concepts qui nous permet de penser ces objets ; son étude consiste non pas dans une esthétique mais dans une logique.

L’esthétique est transcendantale parce qu’elle ne fait l’étude que des principes a priori de la sensibilité. L’intuition pure (a priori, sans expérience) de Kant. Si on enlève aux objets toutes les caractéristiques extérieures, il en reste toujours quelque chose : l’étendue et la figure qui constituent la pure forme d’un objet. Il démontre qu’il existe un cadre a priori de la sensibilité : l’espace et le temps. L’existence de ces formes pures de l’intuition serait une condition nécessaire à la possibilité de constitution de connaissances synthétiques a priori par le sujet. Pour lui, l’espace et le temps sont des formes qui tiennent à la constitution subjective de notre esprit et non pas des « êtres réels », autonomes et hétérogènes à l’activité de connaissance humaine. Temps et espace : pures formes qui conditionnent l’empiricité des objets.

Il fait une distinction entre espace et temps : l’espace conditionne notre représentations des objets extérieurs (chose en soi) placés « hors de nous ». Il constitue le sens extérieur. Le temps est un moyen par lequel l’esprit s’intuitionne lui-même : sens intérieur.

La sensibilité est une faculté passive : les objets nous sont donnés dans des intuitions. Avec l’entendement les objets sont pensés avec des concepts. Sensibilité et entendement sont complémentaires. L’objet est reçu avant que d’être pensé.

Comprendre le titre « Esthétique transcendantale » permet de saisir la pensée de Kant et éclaire notre pensée. Lacan sait très bien de quoi il parle quand il fait référence à Kant pour se démarquer de lui et faire un pas de plus dans son élaboration.

Quant Kant nous parle de sensibilité, il ne parle pas de sensation mais d’intuitions fournies par notre sensibilité. Il ne parle pas non plus d’idées de l’intellect mais de concept de l’entendement. Dans sa critique de la raison pure (1781), il analyse les différentes facultés de l’esprit afin d’établir que notre connaissance ne saurait dépasser les limites de l’expérience. Il souhaite montrer que la métaphysique ne peut représenter une vraie science et qu’elle doit laisser place à la croyance. Quant à Lacan, il souhaite nous montrer que notre science, ou plutôt la psychanalyse, peut se passer de Dieu à condition de s’y prendre autrement.


Leçon 20 Marion Goupy

Leçon 21 Carine Boutoundou

Les leçons 22 et 23 par Cyrille Noirjean et Jean Brini à l'ALI

Leçon 22 Elisabeth de Franceschi

Leçon 23 Jean-Jacques Lepitre
S09L23
Il poursuit sur le signifiant de la coupure, le 8 intérieur, signifiant polonais, ce qui se justifie de A ≠ A. Il rappelle et les coupures sur le tore, et comment peuvent s’illustrer métaphoriquement les rapports à l’Autre. Se questionnant de savoir s’il s’agit seulement de métaphore, mais qu’en serait-il si cela ne l’était pas ? Ce rapport à l’Autre de 2 tores enlacés, (? 2 corps enlacés ?). Deux types de cercle sur le tore, ceux faisant le tour du corps vide du tore, mais qui est aussi le lieu du besoin, cercles de la demande, et ceux faisant le tour du vide central, qu’il nomme le « rien », qui serait aussi le lieu de l’objet du désir. On peut imaginer un cercle qui cumule les propriétés des deux types de cercles précédents, faisant à la fois le tour du corps et du vide central, du rien (fig 23-4). Ce qui se traduit par une diagonale sur le polygone fondamental. Or si sur les tores enlacés, du sujet et de l’Autre, on dessine ce même type de cercle, qu’il nomme joliment cercle du désir, cercle diagonal donc, on obtient par leur représentation sur le polygone fondamental, une image symétrique, spéculaire, de l’un et de l’autre. Illustration parfaite de ce que « Le désir de l’homme, du sujet, c’est le désir de l’Autre ». Mais si on répète l’opération, non plus avec un cercle simple, mais avec la double boucle du 8 intérieur, (fig 23-8), on ne peut pas faire coïncider, comme c’était possible avec les cercles du désir, les 8 intérieurs de l’un et de l’Autre. L’intérêt dans ce cas, c’est de montrer que les 2 fois le tour correspondant à l’objet de l’un, par transfert sur l’autre correspondent à 2 fois le tour de la demande. La superposition n’est donc plus possible. Soit la demande du sujet consiste en l’objet de l’Autre, soit l’objet du sujet est la demande de l’Autre. C’est le rapport du névrosé à l’Autre. Il y a cette équivalence croisée : objet du sujet- demande de l’Autre, objet de l’Autre – demande du sujet. On sent l’impasse de la réalisation de l’identité des deux désirs.
Il introduit une longue digression à propos de Heidegger, dont A de Waelhens vient de traduire « Être et temps », et de Lévi-Strauss qui vient de publier « La pensée sauvage ». S’il salue le travail et la réflexion de l’un et de l’autre, et se défendant au passage d’être « néo-heideggerien », et précise le terme de « sauvage » de Lévi-Strauss au sens d’originaire, il aboutit, cependant, à considérer que l’un comme l’autre, Heidegger et Lévi-Strauss, ne considèrent le rapport du sujet au monde que sous l’angle de la praticité, de l’instrument, construction d’une mondanité chez l’un, ou bricolage chez l’autre, et qu’ils ratent, tous les deux, même si eux aussi cherchent un statut antérieur à l’accès classique l’objet, celui incarné par la science ou la philosophie dans l’opposition du sujet et de l’objet, ils ratent ce qui est au centre de la pensée analytique : l’objet du désir. Même si cela a été aussi éludé jusqu’alors par la théorie analytique.
Après cela, il repasse à la présentation du cross cap comme : une surface dont les propriétés seraient support structurant au rapport du sujet à l’objet du désir. Modèle donc d’une structure. En tant que ce rapport, du sujet à l’objet du désir, est lui-même tout ce qu’on peut articuler de l’expérience analytique. C’est donc le fantasme fondamental. Qu’on peut entendre : le fantasme comme fondamental, fondamental à toute l’expérience analytique et même la théorie. Le cross cap, qu’il appelle de façon ambigue, le disant lui-même, plan projectif. Ambiguïté qu’il ne lèvera pas. Le cross cap est une des immersions possibles du plan projectif dans R3, pas la seule. Il essaie d’en expliquer la construction. Il en dessine un avec ligne d’intersection et point cuspidal. Puis en esquisse la construction avec une demi-sphère et un piège à loup, (figs 10-11-12-13), et montre que c’est différent d’un tore, ce qui est évident, puis indique le croisement des surfaces. Quelqu’un lui fait alors remarquer qu’il se montre tout à fait en accord avec l’esthétique transcendantale de Kant quant à la prévalence de l’espace à 3 dimensions. Il y fait une réponse embarrassée : distinguant propriétés intrinsèques et extrinsèques. Et sa réponse concernant le tore parvient à ceci : non, nous ne le considérons pas comme un solide, mais on ne fait pas fonctionner le trou, le vide en le considérant comme surface (?). Et certaines propriétés, on peut les examiner en plongeant, en immergeant, (il ne fait pas la nuance mathématique, mais elle est mince), la surface dans une dimension quelconque Rn. En fait, ce qui est intéressant dans cette remarque, c’est que Lacan gardera toujours peu ou prou la 3ème dimension, y compris lorsqu’il la remet en question, y compris dans l’écriture, et l’écriture des nœuds, puisqu’ils sont inconcevables sans dessus-dessous. Il poursuit par la prééminence du premier point cuspidal. C’est un élément important de sa présentation. Car il prétend que le second point, au sommet, de même que la ligne d’interpénétration ne seraient pas importants. Ce qui est peut-être bien faux selon l’avis de mathématiciens dont J.P Petit, en effet, il faut que la ligne d’interpénétration soit préservée, si petite logiquement soit-elle, pour que la surface garde ses propriétés. A moins que de supposer que l’entrecroisement soit déjà dans le point, ce qui peut se concevoir, ce qu’il fait. En fait, il a besoin de privilégier ce point pour sa démonstration ultérieure. Il montre la différence entre le piège à loups et la fermeture du cross cap à partir de la jonction des points antipodaux du bord du trou de la sphère, jonction formant une ligne à partir de ce point justement et où se termine la demi-sphère ainsi formée en dessous. Il va produire ensuite des découpages et montrer leurs caractéristiques. Peut-être cela serait-il plus facile à suivre sur les divers dessins s’il était précisé :
Dans le 8 supérieur formé par l’interpénétration des surfaces : on passe de l’extérieur à l’intérieur et réciproquement en restant du même côté de la surface. On peut parcourir toute la surface en passant par la demi-sphère inférieure, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur. Par exemple : si je suis au-dedans de la boucle gauche, je peux, me déplaçant, franchissant la ligne d’interpénétration, me retrouver sur l’autre boucle du 8, à droite à l’extérieur. Mais je peux aussi, non pas franchir la ligne, mais descendre dans la demi-sphère et passer sous le point cuspidal, je suis toujours à l’intérieur, et remontant à droite, je serai dans la boucle droite, à l’intérieur, et je pourrai me dirigeant vers la gauche, franchissant la ligne, me retrouver à l’extérieur, et descendant à l’extérieur, passant sous le point, remonter à droite à l’extérieur, etc.. Le cross cap est une surface unilatère, tout comme la bande de Moebius, mais sans bord. Lacan le précise peu. Les circuits, les tracés, les lignes peuvent y être infinis, ce qui figure un des éléments du plan projectif.
Une autre façon d’illustrer cela serait de situer le plan projectif dans la géométrie.

D’abord il y a eu Euclide et ses 5 postulats :
Par deux points distincts, il passe une droite et une seule.
Tout segment est prolongeable en une droite.
Deux points distincts étant donnés, il passe un cercle et un seul ayant pour centre le premier point et passant par le second.
Tous les angles droits sont égaux entre eux.
Par un point extérieur à une droite, il passe une droite et une seule parallèle à la droite donnée.

Puis la géométrie affine :
Qui ne retient que 3 des postulats d’Euclide, le 1 par deux points ne passe qu’une seule droite, le 2 un segment de droite peut être prolongé à l’infini, le 5 par un point extérieur à une droite il ne passe qu’une seule parallèle, éliminant le 3 concernant la distance et le 4 la constance des angles. Ceci permettant la construction des figures semblables, triangles, polygones, etc, et la géométrie sur des surfaces courbes où la somme des angles d’un triangle n’est plus égale à 180°, par exemple.

La géométrie projective, elle élimine en plus le 5ème postulat, celui des droites parallèles. Ce sont les peintres, ceux de la renaissance, cherchant à représenter le monde en 3 dimensions sur une surface à deux dimensions, ayant inventé pour ça la perspective, qui ont inspiré les mathématiciens. Desargues fut l’initiateur de la géométrie projective. Dans les tableaux de la renaissance les droites parallèles, par exemple celles des arêtes des pavés du sol, semblent se rejoindre à l’infini du point de fuite. La géométrie projective reprend ça. Les droites parallèles se rejoignent à l’infini. Imaginons un plan, nous sommes en deux dimensions, R2, toutes les droites parallèles devant nous se rejoignent à l’infini, mais il en est de même pour celles qui sont derrière nous, et pareillement à gauche et à droite, et tout autour de nous. Voilà donc le plan projectif. Avec cette particularité, toutes ces droites se rejoignent à l’infini, et il y a un seul infini. Et donc supposerait un point antipodique à l’infini de chaque point de l’espace par où pourraient passer les parallèles en ce point, ce qui n’est pas représentables en deux dimensions, mais est théoriquement supposé. D’où les modèles de représentations en 3 dimensions en conservant les caractéristiques du plan, l’infini, la correspondance des antipodaux.
Revenons à Lacan : il commence par la découpe du 8 intérieur, avec le point cuspidal comme central, (fig 17) le pointillé par la ligne d’intersection veut dire que ça coupe la partie arrière de ce qui est au-dessus du point, la partie avant a déjà été coupée, puis la coupure est de l’arrière de la demi-sphère. Ce qui a été obtenu, (fig 19), a 2 plans, 2 surfaces qui se rejoignent. Si on fait une coupure simple, (fig 21), on ne divise pas le cross cap en 2, à condition de faire le tour du point M, cuspidal, comme c’est dessiné, car plus bas, si, ça le coupe en 2. Il compare avec le tore : la découpe autour du trou central ne produit qu’une succession de bandes. Sur le cross-cap, si on ne boucle pas le deuxième tour et que passant à côté on poursuit, cela produit la possibilité d’une infinité de tours. Ce serait la possibilité de l’obsessionnel. Il spécifie la coupure d’être lévogyre, sens des aiguilles d’une montre, il l’a dessinée ainsi, mais aussi que son verso est aussi lévogyre, sans doute du fait de l’entrecroisement des surfaces. Dans le miroir, cela apparaît dissymétrique, image non superposable, composée de deux surfaces. Mais on peut faire varier la trace de la coupure en la remontant et retrouver la même image. Ceci pour illustrer que l’objet du désir est à la fois orientable, dissymétrique, et non spécularisable, (ici, en note, l’indication que cela veut dire un objet non différent de son image dans le miroir ? le grain de beauté sur la joue gauche est sur la joue gauche de l’image dans le miroir). Pour le sujet dans sa dépendance à l’objet du désir, la fonction spéculaire i(a) perd sa prise. Ceci est commandé, d’ailleurs la structure entière est commandée par le point central qui permettra de concevoir la fonction du phallus au centre de la constitution de l’objet du désir. Ce point appartient à cette partie centrale qu’il a découpée par la coupure en 8 intérieur. Il va alors déformer cette coupure de façon continue, (fig 26) pour la faire passer sous le fond de la demi-sphère et au-dessus et derrière la corne supérieure gauche par l’intérieur, puis par l’extérieur en haut, à droite, etc. La coupure finale donne une bande Moebius. Ce qu’il veut montrer, c’est qu’il y a une découpe qui divise le cross cap en deux : une partie qui conserve le point et qui est une surface bilatère et dont il va faire le support de l’explication du rapport de $ avec a, et une autre partie qui est une surface unilatère de Moebius dont on ne peut pas superposer l’image dans le miroir, spéculaire. Et la surface totale est reconstituable à partir de la petite surface centrale, car celle-ci comporte le point qui conserve et concentre toutes les propriétés de la surface et qui du coup est infranchissable sauf à la détruire.


Leçon 24 Isabelle Prudhomme

Leçon 25 Alain Harly

Leçon 26 Jean-Jacques Lepitre

C’est donc de la 3ème forme d’identification qu’il a parlé cette année, qu’il a noté dans le graphe, $ coupure de petit a. Ce qui y est implicite, nodal, Φ, le phallus, grâce à quoi l’éversion peut se faire de l’un dans l’autre, (et c’est là l’identification du sujet à son objet donc), comme l’envers et l’endroit, résultant de la double coupure dessinée sur le cross cap autour de ce point Φ. Coupure qui peut-être le schéma en effet d’une identification originale. Le phallus y ayant sa fonction quasi magique telle qu’elle s’entend dans le discours analytique. Mais ce n’est pas là le point final de son dire de cette année. Il lui faut insister sur les caractères de a, l’objet du désir. Cet objet, c’est ce qui dans la dynamique psychique structure le procès des rapports du sujet avec sa propre réalité psychique. (c à d comment je me pense). Cet objet, c’est aussi celui de la science psychanalytique au sens où on entend un objet pour un champ scientifique : les nombres pour l’arithmétique, les corps inanimés pour la physique, le vivant pour la biologie, etc. Cet objet, sur le plan logique, c’est aussi l’objet de la castration. Dans le monde, général, l’objet peut être objet de privation ou de frustration. Mais cet objet a, celui de la psychanalyse s’en distingue. En tant qu’il est un objet logique, il ne saurait avoir été complètement absent de la logique classique, celle d’Aristote, cela paraît peu pensable. Mais Aristote avec sa logique attributive, « Socrate est mortel », mélange selon lui, c’est sa critique, l’être et l’avoir. Avec le cadran de Pierce, il remontre que l’attribut peut exister sans qu’aucun être ne vienne l’incarner. « Tout trait est vertical » n’implique pas l’existence d’un trait ayant cet attribut. Or c’est sur cet attribut qu’Aristote fonde l’universalité, Y est x ou non-x, et la fonde donc sur la privation. Il critique l’étymologie de pan, (tout), issu du dieu Pan, donnée par je ne sais qui, Aristote peut-être. Cette critique est en fait pour lui permettre d’en trouver l’origine de ce « tout » dans la possession, (pourtant existe l’expression pantocrator, créateur de tout, à propos de Dieu, je ne suis pas sûr que l’étymologie du dieu Pan soit en cause comme celle de la possession non plus). Possession ou non de l’attribut, du trait unaire, caractéristique fondant la logique des classes, à préciser des classes au sens de la classification aristotélicienne, pas de la logique moderne des ensembles, permettant de résoudre le paradoxe de Russell, les ensembles dont il s’agit ne font pas partie de la même classe. Dans la classification aristotélicienne ce qui n’est pas x est non-x, c’est la logique du tiers exclu, de la privation. Il passe alors, autour de la possession du trait, et sa négation, non-x, à cette formule : « Tout ce qui brille n’est pas or » : ∃y→non-x, qui renvoie à la logique des ensembles, avec l’intersection de l’ensemble du brillant et de l’ensemble de l’or. Il critique cela, au niveau de la logique, mais en fait celle-ci n’est pas en cause, mais la formulation même qui selon le poids du tout et l’introduction d’une césure dans la phrase peut faire entendre ∃y→non-x ou ∀y→non-x. Il y a quelques éléments qui brillent qui ne sont pas de l’or. Rien de ce qui brille n’est de l’or, l’or est mat. Ceci, il s’en sert pour la métaphore suivante : si cette brillance aurifère est la fascination du désir même, face à cette possibilité d’un « Tout pas » nul or ne serait assez véritable pour assurer, garantir ce point autour duquel subsiste la fonction du désir. Cette brillance, que nous sommes embarrassés d’en faire briller le mirage à ceux à qui nous nous adressons, cette brillance à laquelle nous avons à faire, c’est sur elle que porte la castration. [Retour au cross cap]. Il y a une structure subjective autour d’une coupure, celle en 8 intérieur, qui montre qu’au cœur de l’identification fantasmatique, nous y sommes donc à l’identification, il y a cet objet organisateur et inducteur qui est l’objet de la castration, dont la partie, dans la surface, apparait énucléant celle-ci. (la partie centrale énucléée de la surface totale, figs 26-4 et 26-5). Il refait ensuite la démonstration de l’obtention d’une bande de Moebius en faisant passer la ligne de coupure par l’arrière du cross cap, (fig 26-6) puis comment à partir de la surface supérieure entrecroisée, en prolongeant un des lobes et en le repliant sur l’autre, on obtient un cross cap, (fig 26-7), (c’est l’équivalent logique en fait du croisement du bord du trou de la sphère). Il commente ce mouvement de replis de « l’objet formateur du monde du désir ne rejoint son intimité que par une voie centrifuge. » Soit de l’intérieur vers l’extérieur. Mais alors l’intime de cet objet ? A-t-il fait un lapsus entre centripète et centrifuge ? Mais ça met en relation intérieur et extérieur. En fait peu importe, car sa monstration, analogique comme souvent, n’est que prétexte à énoncer que « la fonction de cet objet est liée au rapport par où le sujet se constitue dans la relation au lieu de l’Autre où s’ordonne la réalité du signifiant ». C’est au point où toute signifiance fait défaut, au point nodal du désir de l’Autre, au point dit phallique, il répète, où s’abolit toute signifiance, que l’objet a, l’objet de la castration vient prendre sa place. Doit-on alors penser qu’il y a une migration de l’Autre au sujet, ou est-ce un point partagé de l’Autre et du sujet ? Il y a donc ce rapport au signifiant, mais en tant que non-signifiant, sans signifiance. Le signifiant n’est pas le signe rappelle-t-il, et c’est une critique d’Aristote : ses attributs tendent aux signes. Or un signifiant, autre rappel, c’est ce qui représente le sujet pour un autre signifiant, et non quelque chose pour quelqu’un. Il prend l’exemple du sceau scellant une lettre, c’est un signifiant désignant le sujet de l’expéditeur, pour un autre signifiant, mais ne précise pas lequel. L’objet a, l’objet de la castration, participe de la nature du signifiant. Il associe sur l’objet de la connaissance : on l’extrait de la nature pour en faire un signifiant et il en est complètement transformé, cf la pomme de Newton, réduction scientifique, c’est moi qui rajoute. Comme le cross cap l’illustre. Mais ce n’est pas complétement évident, et il revient à la construction du cross cap : une sphère trouée dont on rejoint les points antipodaux du trou et par où le reste de la sphère est transformée en surface de Moebius. Oui et non car en plus du reste de la sphère, il faut que soit compris le point cuspidal. Mais surtout que par l’énucléation de l’objet de la castration va s’ordonner l’illusion du monde. Voilà, une affirmation d’importance, un jour, peut-être le lien serait à creuser avec Spinoza. Une autre illusion, commune, à situer entre l’objet aristotélicien, où a est en quelque sorte masqué, et l’objet de la castration, c’est celle des « sciences naturelles, de la nature », mais est-ce en ce sens qu’il emploie « Naturwissenschaft » (?), produisant un objet de la nature comme reflet d’une intention, divine ou autre, d’une activité cosmogène, productrice d’un monde, d’un dessein du monde. Goethe en serait un exemple où se montre l’identification à ce à quoi il faut renoncer pour que soit livré le monde comme monde. Ce rapport complémentaire de a, objet de la castration, avec ce reste, illustré sur le cross cap par ce qui reste une fois la coupure centrale effectuée, où nous pouvons tout lire, le monde, et spécialement i(a), ce fut ça, déclare t-il, la pointe de son discours cette année. Dans la méconnaissance de l’illusion spéculaire, $ prend fonction d’image spéculaire, i(a), alors qu’il n’a rien à y faire car il ne saurait y lire son image puisqu’il n’est pas le complément de i(a), il en serait plutôt la cause, de i(a), du monde. Cause se manifestant dans ses effets, ou plutôt dans la disparition de ses effets. L’objet partiel serait le point de refoulement du fait de sa perte, écho de l’évanouissement des effets comme manifestation de la cause. C’est de ce refoulement que s’enracine l’illusion de la cosmicité du monde. Mais en fait le point de désir est acosmique, c’est l’objet de la castration. Ce petit a surgit au point de défaillance de l’Autre, au point de perte du signifiant, qui est la perte même de cet objet. (cf, la brillance). Cet objet a une propriété réflexive (?) ou plutôt, rectifie-t-il, c’est de lui que part et que nait, en tant que le sujet est essentiellement coupure de cet objet, l’intervalle entre cuir et chair, perception et conscience où serait ce sujet (?, à vérifier). D’où la question : quelle serait la place d’une ontologie fondée sur la psychanalyse ? Il la rapproche d’un commentaire de Parménide par Heidegger, lequel(?), et de la dyade de Platon, à condition que $ et a soient du même côté. Petit a est essentiellement manquant au texte du monde, c’est pourquoi peut y venir le retour du refoulé. Ce qui pèse dans le monde, ce qui a du poids, c’est ce qui fait allusion à cet objet dont l’Autre prend la place pour lui donner un sens. Toute métaphore, y compris le symptôme, cherche à faire sortir cet objet dans la signification mais ne parvient pas à étancher ce dont il s’agit dans ce trou central. Cela c’est le rapport de a à l’Autre. D’autre part, il y a le rapport de a à la réflexion imaginaire qui recouvre ce rapport à l’Autre. La voie pour retrouver l’incidence de ce a, ce peut être la marque de l’occultation de l’Autre sous ce désir (cf la clinique). « a » peut être aussi abordé par ce que l’Autre désire dans le sujet défaillant du fantasme, $. L’angoisse étant justement la crainte de ce que désire l’Autre du sujet, sujet en soi fondé sur l’ignorance de ce qui est désiré par l’Autre (cf : « C’est au point où toute signifiance fait défaut, au point nodal du désir de l’Autre »). C’est du côté de l’Autre que a vient au jour. Et là, il rectifie, non comme manque mais comme « à être », (qu’est-ce à dire ? comme devant être ? comme potentiellement à être ?) Il fait le rapprochement avec la Chose, das Ding. (qui, en effet à la fois, est, manque, toujours à être n’étant pas, d’avoir été, cf l’objet freudien).. Mais il ne s’en explique pas plus, et poursuit que là, la perspective s’inverse, c’est i(a) qui enveloppe l’accès à l’objet de la castration. Et c’est l’image qui fait obstacle dans le miroir, où quelque chose peut apparaître au-delà de l’image. Et la beauté est ce qui est écran, obstacle à cet au-delà, cf « L’éthique ».
Il cite longuement un texte de Blanchot, « Thomas l’obscur », comme particulièrement illustratif de tout cela. Le texte commence sur le plaisir spéculaire, voir, regarder, être vu, avec les mots, mais où un trou cependant déjà se perçoit, dans le creux des mots, dans le regard, par où cela se transforme, progressivement, dans un désir implacable, en un combat furieux : qui incorporera qui, qui dévorera qui ?
i(a) et a, leur différence, leur complémentarité, le masque qu’ils sont l’un pour l’autre, c’est là qu’il nous aura mené cette année. i(a) n’est pas la représentation, l’image de a, l’objet de la castration, c’est une image réelle, (c’est l’image virtuelle, mais il veut dire qu’elle a son existence réelle d’image). C’est qu’en fait sur le graphe, d, le désir, est dans une situation parallèle et homologue à m, il vise $ coupure de a, de la même façon que m vise i(a). Ce qui veut dire qu’il y a un rapport entre le fantasme et le désirant lui-même. Mais ce désirant, est-ce l’agent du désir ? Le désir dans le graphe est un « qui » à qui est posé la question qui ne vise pas un « qui » mais un « que » : « Que veux-tu ? », « Que vuoi ? ». Le désirant est la réponse, mais pas comme « qui », « qui veut », mais comme réponse de l’objet, que je veux, c’est-à-dire l’objet où le désirant qu’il contient doit s’avouer comme désirant. C’était plus clair avec Alcibiade, mais peut-être parce que c’était une relation à l’objet du désir incarnée, mettant en scène du coup ce qu’il en est d’une relation amoureuse, désirante : « Dis-moi que tu m’aimes ». L’exemple que lui donne du nécrophile éclaire t-il cela, même s’il précise que ce corps mort est toujours dans une fonction de signifiant ? En quoi ce corps contient-il du désirant ?
Il revient ensuite à Freud, cette troisième forme d’identification qu’il aura donc explorée. Celle où, dit-il, se montre la distance de l’objet au signifiant en tant que cette distance c’est la carence du signifiant mais impliquant sa relation au signifiant, cf plus haut l’objet comme objet de la castration. C’est en effet un trou dans le tissu des signifiants, il faut que ceux-ci soient pour que l’absence s’y constate, cf aussi c’est de la disparition de leurs effets que les causes se déduisent. Ce troisième type d’identification, c’est celui du modèle de l’hystérique, elle s’identifie au désir de l’Autre. Mais en fait ce rappel est pour montrer l’importance du signifiant. Car par quoi s’expriment les affects de l’hystérique ? Par des comportements, des expressions conventionnels, communs, du désir de l’Autre d’où la valeur de signifiants de ces manifestations et l’impression de fausseté, de plaquage qu’elles présentent.
Pour finir, quelques points. Concernant le rapport au corps, dit-il, il n’a fait qu’ébaucher, à propos d’un corps mathématique, les paradoxes concernant l’idée qu’on peut se faire à propos du corps. Ce qui pourrait modifier l’idée de la frustration comme carence d’une gratification concernant une totalité primitive issue de la relation mère enfant. Pourquoi, pose-t-il la question, cette totalité ne serait-elle pas celle de l’enfant et de ses enveloppes perdues à la naissance ? Où se lit si bien la continuité intérieur-extérieur qu’il a introduit cette année avec son modèle, le cross cap ? Toujours du côté du corps : il y aurait à s’interroger sur l’incorporation du père, qu’il a laissé entièrement de côté, car cela lui aurait demandé d’introduire toute la tradition de la mystique.
Il souligne ensuite le paradoxe qui est qu’on demande à la mère la seule chose qu’elle n’a pas : le phallus. Il regrette l’absence, dans la théorie, de la prise en compte de ce paradoxe. Ce qui lui semble un obstacle à la relation analytique et aussi à la transmission de la psychanalyse. Car, poursuit-il, si on ne peut pas être le père de son analysant, (question perso: et le transfert ?), on pourrait bien en être la mère. A l’appui, il cite un article de Freud, « Le clivage du moi dans les processus de défense ». Et le résume : « l’objet de la castration est ce terme ambigu de ce que le sujet, l’ayant refoulé, instaure plus ferme que jamais en un autre ». Dans l’article de Freud, le patient a refoulé l’angoisse de castration par clivage et où il a attribué, maintenu un pénis à sa mère. C’est donc cette mère que serait l’analyste…
Il finit en répétant que l’objet de la castration, c’est l’objet, au sens d’objet d’une science, de la psychanalyse. Et sur cet objet repose et la pratique analytique, et la théorie analytique et même la communauté analytique.